Lettre ouverte : ceci est un hommage à tous les médias basket, nous avons survécu à 2020 et 2021
Le 31 déc. 2021 à 15:52 par Giovanni Marriette
2021 se termine, sans blague, et si tout à chacun s’amuse à compiler les meilleures actions de l’année civile écoulée, à se remémorer ses plus grands évènements, sportifs en ce qui nous concerne, ici les souvenirs sont évidemment nombreux. Des souvenirs de fans évidemment, on va y venir plus bas, des instantanés qui feront date, de Milwaukee à Tokyo en passant par New York ou Paris, mais également et une fois de plus, douze mois dans le sous-marin… médiatique, professionnellement parlant, devant son écran et parfois couché sur le clavier, quelque part entre la touche KIF et la touche DODO. Allez, immersion dans la vie d’un media basket depuis deux ans, on vous promet que ce ne fut pas de tout repos.
Pour commencer, disons qu’on vit en ce moment une période… étrange. Préambule écrit le poing serré et un masque qui ne quitte plus notre menton, tu parles d’une vie. Janvier 2021, souvenez-vous, on tente de couvrir pour vous le… début de saison NBA, parce que cette année-là la régulière avait décidé d’offrir ses premiers rebonds le soir de Noël, pourquoi pas. Inutile de vous préciser alors que pour le Noël en famille justement… c’est mort pour cette fois-ci, car le soir il y a des matchs et le midi mieux vaut pioncer un peu pour prendre des forces. Ça commence bien. Petit retour en arrière d’ailleurs, car depuis un an c’est absolument n’importe quoi.
Vivre au rythme d’un media basket c’est, si possible, s’extasier, et pour ça rassurez-vous, on a eu notre lot de grands moments ces dernières années. 2016 par exemple, où la seule saison régulière nous offrit cette année-là le record des Warriors, un Steph Curry stratosphérique, un Russell Westbrook historique et un Mamba Day indescriptible. Et ça, c’était en sortie de Villeneuve D’Ascq, et la finale entre Cleveland et Golden State n’avait pas encore eu lieu. 2016 mais aussi 2013 et le titre des Bleus, 2014 et le short de Thomas Heurtel, 2019 et le shoot de Kawhi, 2019 et le shoot de Lillard, 2019 et Team USA au tapis. Bref, des moments forts on en a connu, plein, et dans une rédaction ça se vit puissance dix.
Retour de karma, car depuis deux ans c’est beaucoup plus dur.
En vérité, tout a commencé en janvier 2020, introduction douloureuse de deux années… compliquées. David Stern s’envole à jamais dès les premières heures de l’année civile, ça commence fort, puis trois semaines plus tard la joie de se retrouver pour vivre un match NBA à Paris est très vite écrasée par la peine ressentie suite au décès de Kobe Bryant, vrai virage émotionnel vécu en équipe. Comme toujours, en équipe, comme lors de cet appel de groupe, 30 minutes environ, lors duquel très peu de mots sortiront finalement. Mais il fallait être ensemble.
A peine le temps de digérer la nouvelle (toujours pas digérée au passage), qu’il faut être sur le pont, feindre la bonne humeur, pour finalement se heurter de plein fouet à une toute autre réalité quelques semaines plus tard. Vous la sentez cette odeur ? Oui, c’est celle du COVID 19, ressentie à pleins poumons un début de printemps, qu’est-ce que c’est agréable à l’époque de voir des gens, de vous voir, c’est si rare, je sais que tu sais de quoi je parle. En parlant de réunions pleines de sourires on apprend d’ailleurs que les soirées TrashTalk c’est fini pour un moment parce que – que voulez-vous, on est trop nombreux, on a ce qu’on “mérite”, terrible revers de la médaille.
Puis restons dans le thème, voici venue l’heure du… confinement. Jamais utilisé ce mot en 36 ans, mais d’un coup d’un seul il devient notre pire ennemi d’autant plus qu’il se superpose à son cousin américain : postponed. Saison à l’arrêt, media basket spécialisé en NBA, on vous laisse imaginer. Plus qu’une passion à assouvir il y a une boîte à faire tourner, il faut dire les mots, The Last Dance nous sauve, un peu, un autre projet en sous-marin aussi, on y reviendra, mais à l’époque, aussi difficile à croire que ce soit, on va se serrer la ceinture. Quatre mois dans le noir, n’allez pas croire qu’on dort la nuit car 1) on ne sait pas faire et 2) on prépare des dingueries.
Bulle de 2020 à Orlando, les salles sont vides et la NBA semble avoir perdu de sa saveur, certains tristes évènements et les mouvements sociaux qui s’en suivent rappellent que la vie n’est décidément pas rose mais ça joue, “c’est déjà ça”. La chaine YouTube retrouve son duo fétiche, ensemble, car, ça y est, on peut enfin se voir en vrai. La rédac a repris son rythme de croisière avec des journées qui ressemblent à des journées, des nuits qui ressemblent à des nuits. Les Suns au top, le contre de Bam Adebayo, le shoot d’Anthony Davis, une quatrième bague pour LeBron James, on tire un trait sur une saison incroyablement bizarre et on enchaine… dès le lendemain ou presque, avec, retour tout au début de notre histoire.
Janvier 2021 donc, et un début de saison dans le rouge car en sortie d’un tunnel de deux mois, fait de Free Agency, de 30 previews en 30 jours, de la sortie du Plus Grand Livre de Basketball de tous les temps (selon TrashTalk), bible représentant une fierté immense pour nous tous. Toujours bien heureux de repartir au combat mais cette fois-ci, TrashTalk entame sa neuvième saison régulière avec des cernes plus marquées qu’à l’accoutumée. Aïe.
Fun fact, 2021 sera plus terrible encore
Léger jump de cinq ou six mois, semblable à ceux que nous offre par exemple Giannis Antetokounmpo, champion NBA en juillet après un dénouement aux airs de Tome 3 de l’Illiade et l’Odyssée. Chez TrashTalk ? C’est littéralement un autobus qu’on prend dans la gueule. Entre mai et octobre ? Playoffs, Finales NBA, Free Agency, Jeux Olympiques, Summer League, pré-saison, élaboration de planning à N+1, introduction de nouveaux membres à la rédac… et début de la saison 2021-22. Ah. A peine le temps de partager des tartines indescriptibles au mois de mai avec BF dans le 01 ou de se retrouver, pour la première fois depuis 18 mois, lors d’un séminaire essentiel pour recharger les batteries et faire ressortir des projets toujours plus fous… qu’il faut déjà préparer la suite quand l’actuel n’est même pas fini.
Et c’est là qu’on se retrouve à écrire le même jour une review 2020-21 et une preview 2021-22. De la même équipe. Ah.
C’est du vécu et c’est n’importe quoi. Un autre grand n’importe quoi ? Un immense n’importe quoi ? Quinze jours sur une autre planète, en plein été, à vivre à la fois sur les fuseaux horaires de Paris, New York, Los Angeles et Tokyo. Le destin l’a décidé, cette année les Finales NBA se terminent deux jours avant le début des Jeux Olympiques, qui eux-même débutent à la veille de l’ouverture de la Free Agency.
Je veux mourir, clairement, presque.
L’équipe de rédac est formée. Nicolas, Ben, Bastien, Arthur, Alexandre et deux stagiaires, Louis et Mathis. Ces sept-là ne sont plus des collègues, ce sont des frères, ce sont des guerriers, avec qui nous partagerons pendant trois semaines le même quotidien, avec quatre pendules différentes, avec sept paires d’yeux et quatre paires de mimines, avec énormément de café. Les stagiaires parlons-en tiens, parce que j’y pensais tout à l’heure. Souvenirs de mes premiers stages, on est en 2000 ou 2001. Passer le balai, trier de la paperasse, aller de vociférations en regards inquisiteurs. Louis, Mathis, sachez que des stages comme ça vous n’en referez probablement pas, sachez aussi que vous pouvez être fiers d’avoir fait partie de cette aventure estivale, que vous pouvez être fiers d’en être sortis vivants.
Mais de quoi on parle en fait ? On parle d’une vingtaine de jours, sans bureau fixe mais avec une permanence établie de manière très officielle. Tout le monde sur le pont de 0h01 à 23h59, tous les jours, pendant trois semaines, des siestes de 20 minutes pour remplacer la nuit. Exemple parfait ? Lundi soir, ouverture de la Free Agency avec sa trentaine de papiers qui en découle, nuit pleine de transpiration, il est 6h du matin et le repos se fait attendre… mais les quarts de finale des Jeux débutent à 6h30, ça c’est drôle, avec la France censée affronter l’Italie quelques heures plus tard, on dormira donc… plus tard. Des journuits à rallonge qui auront eu comme effet de souder encore plus qu’elle ne l’était une équipe de passionnés, qui auront eu – aussi – pour effet de jouer sur nos nerfs, de jouer avec nos émotions, qui plus est en période olympique.
Car début août c’est officiel, il n’y a plus de filtre. Nous sommes TrashTalk mais nous sommes aussi Cléopâtre Darleux, Laurent Tillie, Gaby Williams et Teddy Riner, nous sommes Steven Da Costa et nous sommes le handball, nous sommes l’escrime, nous sommes l’équitation. On chiale bordel, on chiale trois à quatre fois par jour, on chiale parce qu’on est crevé, on chiale parce que c’est beau et parce qu’on s’aime, parce qu’on est content de le faire ensemble. Moi ? Femme et enfant ont quitté la maison et sont partis en vacances, seuls, sans moi, et je me dis que c’est pas plus mal. Quelle phrase horrible, oh.
Le dernier week-end olympique sera la cerise sur un gâteau historiquement gras. Des médailles partout, tout le temps, Nicolas Batum nous a fait exploser face à la Slovénie, les Bleus échouent de tellement près en finale, et pendant que la planète basket avait les yeux rivés à Tokyo… DeMar DeRozan, Kyle Lowry, Evan Fournier et environ 80 joueurs ont été échangés en NBA.
Nous ? On a perdu dix ans de notre vie, avec le sourire mais on a quand même perdu dix ans de notre vie. Et on était tellement mort, au sens quasi propre… qu’on est chacun parti de notre côté, sans même parfois le temps de se dire au revoir. Pas grave, on savait, on savait où en était “l’autre”, à la limite de l’explosion. Besoin de souffler, un peu, aussi.
Ne pas oublier que malgré le fait de vivre de sa passion tout ça reste un travail, travail qui demande des sacrifices, moralement comme physiquement. TrashTalk c’est une équipe, c’est une famille, c’est l’histoire d’une vie, l’histoire de la mienne, mais TrashTalk depuis deux ans c’est une guerre interminable. On sait qu’on va la gagner mais on ne sait pas quand elle se terminera alors… Ben, Nico, Bastien, Alex, David, Julien, Alex T., Arthur, Clément et tous les autres, merci pour ce que vous êtes et pour ce que vous serez. Le combat continue, toujours avec le sourire.