On s’est posé avec Migna Touré : le 3×3 dans la peau, des projets plein le chapeau et… une médaille à Tokyo ?
Le 27 juin 2021 à 13:00 par Giovanni Marriette
Petite touche de fraîcheur aujourd’hui avec la rencontre entre TrashTalk et Migna Touré, basketteuse professionnelle, membre émérite de la Team France de basket 3×3 et donc sur le point de rejoindre Tokyo pour y vivre son rêve olympique et tenter de ramener la coupe à la maison. Une tête bien pleine, des journées bien pleines et, évidemment, un peu de trashtalking. Moteur, action, ça tourne.
On l’avait rencontrée une première fois lors de l’Ain Star 3×3 2017, ce fameux tournoi all-time auquel elle avait alors participé avec sa sœur Fatou, sous les yeux de la vice-championne olympique Emilie Gomis. Depuis, Migna a fait du chemin, et aujourd’hui c’est l’une des meilleures joueuses de 3×3 au monde que nous avons retrouvé entre deux entraînements, trois plateaux-repas et quatre projets. Allez, entretien, dans la bonne humeur.
TrashTalk : Salut Migna ! Alors, nous on se connait depuis quelques années déjà, mais est-ce que, pour commencer, tu peux te présenter rapidement pour ceux qui ne te connaitraient pas encore ?
Migna Touré : salut ! Alors moi c’est Migna Touré, Mamignan de mon vrai prénom, aka Migna, aka Lokosso, aka Bink depuis peu, je suis internationale en basket 3×3 et joueuse professionnelle de 5×5, actuellement au BLMA à Montpellier, parallèlement je suis professeure d’EPS et… j’adore la bouffe, lokosso ça veut dire ça !
Quand on s’est vu la première fois en 2017 ça faisait donc… deux ans que tu faisais du 3×3. C’est arrivé comment en fait cette rencontre avec la discipline ? Un peu par hasard et derrière ça s’est enchainé, ou alors c’était vraiment un choix réfléchi de ta part ?
MT : alors j’ai atterri dans le 3×3 toute petite parce que c’est une discipline de rue, et moi personnellement depuis toute petite j’ai toujours un ballon, j’vais toujours sur les playgrounds, et j’vais jouer. Du coup j’ai toujours eu cette identité street, et le déclic c’est un entraînement spécifique 3×3 en 2012, à l’INSEP, où je découvre une discipline très plaisante, avec beaucoup d’autonomie, et surtout… tu joues ! Ensuite les vrais débuts c’est en 2015 quand je jouais à Landerneau en deuxième division, à ce moment là je me blesse, je fais une année sans jouer, et quand je rattaque la seule manière pour moi de replonger dans le basket c’est de le faire via les championnats de France universitaires de 3×3 à Poitiers. Et là c’est un vrai bonheur, et je pèse mes mots. Je suis guérie, je retrouve le plaisir de jouer, la suite c’est un Open de France joué à la hâte avec ma sœur Fatou (que TrashTalk avait eu la chance de rencontrer à l’occasion de diverses actions sociales, quelle famille ndlr), les dirigeants du 3×3 français qui me contactent car ils ont vu en moi une familiarité avec la discipline, et donc l’arrivée en Equipe de France.
Ok donc on va parler de 3×3 juste derrière mais, juste, tu joues aussi à haut niveau en 5×5 (finaliste de LFB cette saison à Montpellier), alors c’est comment de s’organiser sur une saison, tu te reposes jamais en fait ? Genre une saison type ça ressemble à quoi pour toi ?
MT : j’vais pas te mentir… c’est hyper solide. Clairement c’est du basket douze mois sur douze et l’alternance entre les deux disciplines c’est hyper chaud, parce qu’à mon sens elles sont complémentaires mais elles sont aussi complètement différentes? En terme de timing ça commence souvent au mois d’août avec la prépa en club mais aussi, en même temps, des championnats FIBA, des Finales de World Series etc… Donc faut passer du basket 5×5 à un autre sport, clairement, avec un autre collectif, d’autres repères, un autre ballon, et tu te retrouves parfois à jouer dehors en plein mois de novembre (rires). C’est super agressif comme changement alors ça se prépare, ça s’anticipe, c’est beaucoup de préparation pour pouvoir encaisser les chocs, le changement de rythme, le cardio j’en parle même pas alors c’est une période ou, ouais, faut aussi être prêt mentalement à faire face. Puis tu jongles toute l’année entre les deux, et moi en tout cas ce qui me fait tenir c’est que j’aime trop le basket, c’est ce qui me permet de revenir toujours plus motivée à chaque fois.
Et d’un pur point de vue organisation, est-ce que ça peut arriver que, comme chez les garçons avec les fameuses fenêtres FIBA, tu sois parfois contrainte de devoir être absente avec ton club, ou inversement sur des vents 3×3, à cause de deux plannings qui se chevauchent ?
MT : Franchement c’est compliqué, souvent c’est une histoire de quelques heures, quelques jours. On reste salarié de nos clubs, le 3×3, en France en tout cas, n’est pas encore autonome, il a pas de circuit indépendant, donc ça reste difficile de promouvoir le 3×3 en disant à nos clubs voilà on va aller se foutre des pains et on va revenir comme si de rien n’était. Mais encore une fois c’est possible, et comme je le dis toujours n’importe quel basketteur qui part faire du 3×3 revient intrinsèquement plus fort quand il revient au 5×5.
Le 3×3 donc. On a parlé de tes débuts, aujourd’hui… c’est plus le même délire. T’es deuxième meilleure joueuse au monde au ranking, ton palmarès est incroyable et on compte même plus tes trophées de MVP, et donc… les Jeux Olympiques qui arrivent dans un mois. C’est quoi les objectifs restants ? Tokyo, Paris 2024 et on remballe ?
MT : déjà faut dire qu’on a vraiment une belle nation de basket, de base, et c’est aussi le cas en 3×3, donc quoiqu’il arrive nos objectifs restent toujours élevés, c’est exigeant mais ça reste une chance de toujours évoluer à ce niveau. Pour l’Equipe de France on a toujours résonné avec un certain recul, en prenant en compte chaque étape. D’abord les “petits” tournois, puis les sélections, et enfin les grands championnats. Alors oui on pense à Tokyo, mais on pense aussi à la Coupe d’Europe 2021 (du 10 au 12 septembre… sous la Tour Eiffel), à Paris 2024 évidemment, mais on résonne vraiment tous en terme de processus, étape par étape.
Ok et donc pour Tokyo du coup, vous en êtes où ? En pleine prépa ? Vous partez quand ? Vous arrivez quand ? Dis-moi tout !
MT : alors en effet, en ce moment on est en pleine préparation olympique, et franchement ça pète de pouvoir dire ça ! Là on est à Poitiers pour le moment, ensuite on est censé partir pour des scrimmages à l’étranger pour jouer d’autres équipes, parce que mine de rien c’est pas facile de se taper tous les jours avec des filles que tu connais par cœur, et ensuite c’est le départ le 16 juillet avec toute la délégation française, arrivée sur le lieu de la cérémonie d’ouverture le 22.
Une cérémonie d’ouverture des Jeux d’ailleurs… j’imagine que t’attends ça avec impatience…
MT : franchement c’est un truc de DINGUE. Depuis toute petite j’ai des paillettes dans les yeux à chaque cérémonie, je m’identifie à tellement de sportifs et sportives, et là c’est o-bli-gé je vais faire un truc de dingue, une petite dédicace pour marquer le coup ! Franchement qui ici va faire une cérémonie d’ouverture des jeux ?!? (rires)
Vous connaissez un peu vos adversaires ? Y’a des gros morceaux identifiés ?
MT : c’est un tournoi olympique donc forcément y’a que des grosses équipes. Huit nations avec chacune une identité bien à elle, et ce qu’on travaille de notre côté c’est surtout de développer… notre identité à nous, défensive notamment.
Quelques aperçus des skills de Madame
Alors les parquets c’est bien, mais faut qu’on parle de ton actu aussi, parce que quand je dis que tu t’arrêtes jamais c’est pas des conneries hein. J’ai cru comprendre qu’il y avait une académie de basket 3×3 à la sauce Migna qui ouvrait ses portes bientôt, tu peux nous en parler ?
La Lokosso Academy est un camp de basketball 3×3 initié par Migna Touré, sa première édition aura lieu à Voiron (38), du 5 au 16 Juillet 2021, chez Tremplin Sport Formation, lieu emblématique du basket 3×3 en France, ndlr
MT : c’est un projet sportif mais aussi éducatif et social, sur lequel je travaille depuis pas mal de temps déjà, grandement aidée par ma grande soeur Fatou, un projet que j’ai voulu créer à mon image, c’est à dire du basket 3×3 mais pas seulement. On est parti du principe que le 3×3 était plus qu’un sport mais aussi un vecteur d’éducation qui permet de te développer, parce que ça demande beaucoup d’autonomie et de responsabilité. Comment tu te construis en tant qu’athlète, en tant que personne, et donc j’ai tenté de rassembler tous ces outils qui me semblent essentiels pout te construire à la fois sur le terrain et en dehors. Et franchement, j’ai eu la chance de pouvoir concilier mes études d’enseignante avec le basket et j’encourage vraiment tous les gens qui ont un double projet parce que c’est un réel équilibre de vie et une grande et belle manière de s’épanouir.
Toutes les infos sur la Lokosso Academy c’est JUSTE ICI !
Bon, pour finir, on va pas y couper, ici t’es sur TrashTalk alors on aime bien la NBA… et le blabla. Je t’ai préparé quelques questions courtes, questions courtes… réponses courtes, sur la thématique du trashtalking bien sûr. On y va ?
MT : vas-y !
Trois joueurs NBA pour former la meilleure équipe possible de 3×3 ?
MT : mon gars KD déjà, parce que c’est le meilleur tout simplement, il peut tout faire, ensuite Jayson Tatum parce que j’adore son profil, et… Evan Fournier parce que c’est mon gars, j’adore ses skills et il a un panel offensif qui m’inspire, et… je prends un quatrième, je prends Kyrie pour des petits cross à gogo (rires).
Le trashtalking pour toi c’est essentiel ou tu peux t’en passer ?
MT : alors j’ai un peu deux figures. Clairement dans le 5×5 j’suis troooop concentrée donc je le fais pas, mais dans le 3×3 je me rends compte que je suis amenée à le faire. Je parle, je sais pas ça me mets en rythme, ça a aussi un impact sur la personne en face, ça peut être simplement une petite parole, un petit regard mais ça fait clairement partie du game.
T’as une technique spéciale pour sortir une fille de son match ?
MT : c’est pas un truc de ouf mais c’est surtout en défense où je vais répéter tu vas pas passer, tu vas pas passer, et si je mets un contre je lâche le petit Not in my house, ça fait toujours son petit effet.
La meilleure trashtalkeuse que tu connaisses ?
MT : alors franchement quand tu me parles de trashtalking ça me fait surtout penser à mon copain (également joueur professionnel) parce que quand on joue l’un contre l’autre ça part toujours en cacahuètes, mais sinon non cette saison, je dirais… une américaine de Charnay, la n°24, Simone quelque chose, qui parle beaucoup, elle joue autant qu’elle parle elle, ça m’énerve ! (Après enquête poussée de nos inspecteurs il s’agirait de la dénommée Meighan Simmons).
Et pour finir… si tu gagnes les Jeux tes premiers mots seront pour qui ?
MT : honnêtement je suis même pas sûr de pouvoir aligner deux mots si on gagne les Jeux. Déjà le TQO c’était un truc de ouf, mais les Jeux c’est vraiment le Graal pour n’importe quel athlète. Mais sinon les premières pensées elles iront à mon équipe bien sûr, mais équipe au sens large, c’est à dire toutes les personnes qui ont participé à ce projet de près ou de loin et qui m’ont permis d’être là où je suis aujourd’hui.
C’était un plaisir Migna ! Il reste plus qu’à toucher du bois et à croiser les doigts pour toi et ton équipe, et nous bah… on sera là hein, aux premières loges pour vous supporter dans un mois !
MT : merci les gars ! Faudra se lever tôt pour nous regarder mais on compte sur vous !