Allez, gaming : le déclin de la licence NBA Live, la supernova du jeu de basket

Le 28 nov. 2020 à 15:43 par TrashTalk

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Tombé dans les limbes insondables de l’indifférence, la licence NBA Live continue de scintiller, certes, mais ne s’apparente plus qu’à un point lumineux fébrile qui clignote de façon irrégulière. Depuis plus d’une décennie, la production d’Electronic Arts est éclipsée par un concurrent rayonnant et parvient tout juste à nous évoquer la nostalgie de ce qu’elle fut de la fin des années 90 jusqu’au début des années 2000 : l’étoile brillante de la simulation de basketball. Une licence en fin de parcours ?

Le trou noir

Après un NBA Live 2005 studieux, la licence va brutalement empiler les bulletins pitoyables. Même si les causes de ce décrochage sont multifactorielles, c’est un camarade de classe qui va coller NBA Live dans la sauce. La sortie de la Xbox 360 ouvre les portes de la septième génération de consoles à la fin de l’année 2005. Un an auparavant, Electronic Arts a paraphé un contrat d’exclusivité avec la NFL. Par conséquent, 2K Games décide d’abandonner sa licence NFL 2K laissant son concurrent seul sur les terrains de football américain. Sur le papier, cette initiative permet à EA d’assoir un peu plus sa domination sur le marché des jeux-vidéo de sport. En pratique, elle précipitera sa chute.

Les efforts se concentrent amplement sur Madden NFL 06 qui ne saurait être un échec. Bien qu’excités à l’idée de tirer profit des performances de la nouvelle console de Microsoft, les programmeurs subissent une pression infernale. Des virages stratégiques en interne ainsi que des complications techniques empêchent les équipes de bûcher sur les bases des jeux précédents. De surcroit, des erreurs commises lors du processus de création plombent l’avancée de cette entreprise chaotique. Dans la course à la perfection, les développeurs se heurtent à leurs ambitions chimériques. La culture d’entreprise devient méphitique à mesure que les deadlines approchent à pas de géant selon un rapport publié dans le magazine Rolling Stone. Lors de la présentation diffusée à l’occasion de l’E3 (célèbre salon dédié au jeu-vidéo) tenu cinq mois avant la sortie prévue au lancement en grandes pompes de la Xbox 360, le jeu demeure injouable en coulisses. Les ressources financières, matérielles et humaines cannibalisées par Madden NFL impactent durement les autres productions. Car des projets annuels, EA Sports en est gavée comme une oie : FIFA 06, MVP Baseball 06, NASCAR 06, Tiger Woods PGA 06, NCAA Football 06 et, bien entendu, NBA Live 06.

Le développement catastrophique de Madden NFL 06 sabote celui de la licence NBA Live dans les grandes largeurs. Elle connaitra des difficultés similaires : la copie Xbox 360 exige de reprendre la programmation depuis le début. Si NBA Live 06 sur PS2 peut se féliciter d’avoir rempli son contrat, la version efflanquée Xbox 360 se mange tacles sur tacles. Le jeu de basket jouit d’un emballage graphique impeccable mais l’ensemble manque cruellement de fluidité et de naturel. Par pénurie de temps et de moyen, son contenu si riche a été siphonné jusqu’à la moelle pour ne laisser qu’une coquille vide d’intérêt. Le mode Dynastie a fait ses valises, le Slam Dunk Contest est absent, les go-to-moves des joueurs sont restés à quai… Une fois la manette en main, le jeu réussit la prouesse d’être lent et de quand même éprouver de ralentissements ! La caméra semble s’évertuer à sans cesse zoomer au mauvais endroit au mauvais moment… La liste des anomalies pourrait s’étirer jusqu’à mes 70 ans. Le média IGN résume ce pétard mouillé magistralement :

“Le jeu ressemble clairement à un top prospect mais Kwame Brown en était également un et vous avez vu ce que ça a donné.”

Avec son mini-jeu récréatif, l’écran de chargement est l’unique élément qui surnage. Une autre raison explique aussi cette sortie de piste. Le pacte privilégié passé avec la NFL se retourne contre NBA Live. La série NFL 2K mise au placard, Crystal Games n’a plus que trois licences de sport à gérer : NHL 2K, MLB 2K et NBA 2K. Cette dernière, qui suit déjà une courbe ascendante, bénéficie d’un investissement massif. L’épreuve de la transition de la sixième vers la septième génération est aboutie sans accro. Sur le plan technique, NBA 2K5 monte objectivement sur la plus haute marche du podium pour la première fois. Histoire d’enfoncer la clou, l’éditeur 2K Games vend tous ses titres à 20 dollars pièce… Un choix marketing efficace pour s’offrir une part une grosse part gâteau en séduisant les indécis et fans déçus.

NBA Live 07 ne redresse pas la barre nonobstant le retour du mode Franchise et du concours de dunks. Les fondations bâties à la va-vite sur lesquels repose la licence ne permettent pas de créer un gameplay de bonne facture, à peine tolérable. Les éditions PlayStation 3 et Xbox 360 sont incapables de tenir leur rang et à bien des égards la différence avec la version PlayStation 2 est inexistante. Sur le parquet, vos coéquipiers prennent des décisions incompréhensibles, les contrôles brouillons pâtissent de latence, les animations ont été finies à la hache, le mode online rame à contre-courant. Bref, la douche est froidasse ! A 50 brouzoufs, la blague ne fait plus rire personne. Genre personne en fait.

NBA Live 08 et NBA Live 09 arborent un visage moins palot. La progression est franche. Certains défauts récurrents, la conduite de balle par exemple, bénéficient de patchs rendant le tout moins pénible à jouer. Ces deux éditions, quoiqu’un peu radine en substance, peuvent se targuer d’être très convenables. Les mécaniques du jeu au poste bas fonctionnent brillamment. Il en va de même pour les pick-and-roll truffés de subtilités plaisantes. Pas d’illusions cependant, on voit toujours des mecs courir comme des poulets sans tête, toujours des lay-ups de poussins. On joue bel à NBA Live après tout. A présent la licence souffre davantage de la comparaison avec NBA 2K que de ses propres tares.

L’étoile filante

C’est alors qu’un évènement inattendu va permettre à NBA Live de franchir un cap. Jusqu’alors Gameplay Director pour NBA 2K, James Wang est épris de lassitude et décide de lui-même de changer de crèmerie. Une aubaine miraculeuse. Affublé d’une cape de superhéros, James va transformer le cirque Pinder en un lieu propice à la création d’un jeu-vidéo. De cet homme providentiel, EA Sports va acquérir toutes les pièces essentielles au bon fonctionnement du processus de développement.

Enfin, la licence retrouve jouabilité qui tient la route, des rencontres réalistes, des idées neuves. Elle peut en découdre avec NBA 2K sans tomber comme une pierre au premier Ultimawashi. NBA Live 10 crève l’écran ! La communauté chante et danse la résurrection de leur champion sur Internet ! L’ambiance sonore et les mouvements des spectateurs animent des matchs lors desquels les joueurs savent à nouveau se passer le ballon dans les mains ! Les mécaniques de jeu offrent un plus large contrôle sur les schémas tactiques. Les déplacements de vos comparses s’inscrivent dans des stratégies logiques amenées à libérer des espaces en attaque. Parfois, les joueurs sortent des limites, parfois ils tentent des tirs inappropriés parce que voilà hein, ils ont oublié d’avaler leur comprimé de Juvamine, mais l’expérience respire la justesse. L’inédit mode en ligne Adidas Live Run invite 10 joueurs à se connecter pour se dépouiller en 5 contre 5. Même des modes dont neuf zèbres sur dix se fichent à l’instar FIBA World Championship sont accueillis à bras ouverts, pourvu que l’innovation soit au rendez-vous ! NBA Live 10 est une cure d’authenticité rafraichissante !

Et là, au plus haut de l’effervescence, après l’ascension d’un col hors catégorie, James se barre.

Il rejoint son ancienne écurie dont les méthodes de travail lui manquent. Un camouflet mention “The Decision” dur à avaler. NBA Live 10 est un triomphe qui cache des désaccords profonds. La préparation du numéro suivant met en lumière des décisions contestables prises par la direction, selon James Wang. Alors que tout le monde semblait avoir trouvé sa place, les effectifs sont remaniés. Dans le cadre d’une interview accordée à IGN, il exprimera les regrets de son départ de Visual Concept. Un retour en arrière qui précipite EA au fond du gouffre.

Le retour sur Terre

Pourquoi l’éditeur n’a pas été en mesure de capitaliser sur le succès inespéré, voire chanceux, de NBA Live 10 ? Comment justifier qu’il n’est pas été capable de garder les habitudes et les recettes concoctées par son ex-employé ? Nourris par des ambitions louables mais sans doute démesurées, EA débarrasse complètement la table. La renverse complétement. L’étiquette “NBA Live” est inexplicablement déchirée, dites coucou NBA Elite 11 ! Ah bah non en fait, seule une démo buggée au 15ème degré voit le jour. A l’image d’un Andrew Bynum crucifié qui tape une T-pose effrayante dans le rond central, le jeu est criblé de glitchs abracadabrants. Le cœur de la maniabilité se polarise désormais sur l’utilisation quasi obsessionnelle des sticks analogiques. La passe, le shoot, les courses, les dribbles, changer la couche de son quatrième enfant, tout se joue aux sticks. Un choix indéfendable qui finit par planter l’ultime clou du cercueil de NBA Elite 11 après un défilé infini d’annonces de report (une version de NBA Elite est sortie sur iOS et 24 heures après tout le monde avait oublié). A la place, EA propose une mise à jour des effectifs de la saison 2010-11 pour NBA Live 10. Pour l’anecdote, de très rares copies du jeu Playstation 3 circulent. C’est pourquoi NBA Elite 11 fait partie des épisodes les plus dispendieux de la série.

Et puis… silence radio. Pendant ce temps, Visual Conceps se fend tranquilou-pilou d’un NBA 2K11 absolument royal avec son Altesse Jojo en couv’ suivi d’un NBA 2K12 qui régale tous les fans de basket sains d’esprit. A l’occasion de la tenue du All-Star Weekend d’Orlando de 2012, EA émerge finalement d’une grasse matinée à rallonge d’un an et demi en annonçant un reboot complet de NBA Live ! Kyrie Irving aurait lui-même eu un aperçu de NBA Live 13. Pourtant, à la fin de l’été, Andrew Wilson, vice-président d’EA met fin au suspens :

“Créer de grands jeux n’est pas simple. Nous n’en sommes pas à ce stade avec NBA Live 13. […] Plutôt que de lancer le jeu en plein milieu de la régulière nous préférons temporiser et se concentrer la création d’un bon jeu pour l’exercice qui arrive.”

Après trois années blanches, un NBA Live 14 sauvage apparait. La réaction est foudroyante : EA se mange une attaque Tonnerre envoyée par toute la communauté. Coup critique, ça dégage. Le nouveau venu accuse un gameplay inutilement complexe animé par une IA visiblement restée en vacances à Punta Cana. Des collectifs déséquilibrés survolent la Ligue en Crocs avec des collectifs déséquilibrés, entre autres bizarreries. Les comparaisons graphiques effectuée à côté de NBA 2K14 mettent en exergue la distances Terre – Lune aller-retour qui sépare les deux titres. Les critiques et les notes lapidaires qu’essuie le jeu ne viennent pas exclusivement du jeu en lui-même car, cela dit, l’expériences globale peut être définie comme passable. Passable mais inacceptable après trois années de développement, d’annulations et de disquettes en tout genre. EA donne l’impression de larguer un NBA Live à la ramasse avec l’espoir de gratter quelques pépètes au passage.

NBA Live 15 et 16 ne témoigne pas d’une quelconque envie d’EA d’apporter une alternative crédible à NBA 2K. En soi, la licence a su balayer les gros défauts dont elle était victime mais l’inattention aux détails la condamne nécessairement. Une myriade de petites omissions brise le cou de l’immersion et renvoie le sentiment de jouer à un jeu-vidéo, dans le sens péjoratif du terme. Le mode Dynasty ne permet pas d’inclure ses futurs tours de draft dans les échanges. De plus, il est impossible de signer une extension de contrat à un joueur. Des choses banales, basiques. L’IA singe les dirigeants des Knicks à chaque intersaison ou presque en se faisant escroquer un trade sur deux comme. Les rares inspirations pâtissent d’un manque d’exécution navrant. C’est le cas du mode Big Moment qui vous replonge dans les highlights mémorables de la saison précédente en contrôlant le héros. Prenons un exemple cité à de nombreuses reprises : le shoot au buzzer de Damien Lillard pour éliminer les Rockets des Playoffs 2014. Souvenez-vous du Moda Center qui entre en éruption en expulsant la joie intense de son public !  Souvenez-vous en bien car NBA Live ne vous aidera pas. Après le tir, vos coéquipiers vous tapotent l’épaule tel qu’ils le feraient après avoir sauvé une touche. Si l’absence de Mike Tirico au micro d’ESPN est fâcheuse, comment ne pas penser qu’EA aurait pu mieux faire ?

Sur les planches, le jeu peine à être réaliste. La kyrielle d’animations ne s’enchainent pas de façon limpide. Très vite, vous martyrisez le championnat en apprenant à exploiter les failles de l’intelligence artificielle. Quand un mouvement fonctionne, la tentation de le reproduire indéfiniment est irrésistible. Automatiquement, tout devient facile, trop facile. Il y aurait tant de points à ajouter. Pour autant, il ne s’agit là “que” de finitions sur lesquelles se repencher. Finalement, EA n’est pas loin de fournir une bonne simulation de basket car les fondamentaux sont robustes. Par ailleurs, le mode en ligne Ultimate Team est une réussite bien que les joueurs de se bousculent pas sur les serveurs. NBA Live 17, quant à lui, voyant ses grands frères se faire bizuter par le monde entier, préfère éteindre son réveil et traîner au lit. Entre temps, NBA 2K16 boucle sa première semaine avec 4 millions de galettes vendues.

La traversée d’un ciel nébuleux

L’hégémonie de NBA 2K prend une ampleur galactique. A l’heure à laquelle certains joueurs ne poncent que les modes online, cette domination outrageuse constitue un réel problème pour NBA Live. A-t-elle encore sa place sur le marché de la simulation de basket ou devrait-elle simplement s’éteindre ? Au vu du diagnostic de la décennie, NBA Live, qui semble vivre au rythme d’un battement cardiaque sur deux, ne laisserait pas un vide cyclopéen si elle devait être débranchée. Et pourtant…

Lorsqu’on joue à NBA Live 18 et NBA Live 19, force est de constater que malgré la crise EA Sports dispose des ressources pour offrir un produit concluant. Le mode The One invite à mettre dans la peau d’un avatar toute la durée d’une carrière mérite son approbation générale. La gestion de l’aventure s’étend au-delà des stades et passe par la communication avec votre entourage ou les médias à travers des interviews. Comble du réalisme, même Stephen A. Smith est in-sup -por-table quand il commente la trajectoire que prend votre parcours ainsi que vos choix. La personnalisation de votre joueur se montre extra flexible. Elle permet de créer précisément le type de baller souhaité grâce un système de classes et sous-classes largement utilisé dans les RPG. Par ailleurs, la vitesse de level up est rapide comparée à celle de NBA 2K. NBA Live 18 inaugure aussi l’éclosion de la WNBA dans les jeux de basket.

Pour la énième fois, on se retrouve à goûter cuvées décentes mais qui n’ont manqué de soleil. Certains modes n’évoluent pas, les animations sont en difficultés, vous connaissez la musique. NBA Live ne s’assoit pas à la table de NBA 2K mais pas non plus à celle des autres franchises d’EA. Elle récupère fréquemment des innovations apportées à NHL et Madden NFL avec une éternité de retard. Du reste, ceci atteste qu’EA Sports peut donner vie à d’excellent jeux de sport. Les effort consentis demeurent insuffisants. Début 2020, affirmant vouloir se focaliser sur la next-gen, EA annule NBA Live 2020. Et on aura beau zoomer aussi loin dans l’immensité via le télescope Hubble, s’il existe un NBA Live 21 quelque part, celui-ci se situe au-delà de l’horizon cosmologique. La Playstation 5 et Xbox Series, quant à elles, attendent au supermarché du coin.

Comme pour une majorité d’industries, le consommateur ne sort gagnant de la suprématie d’un unique acteur. Les récents épisodes depuis le hit NBA 2K16 déçoivent. Avec 60 tours d’avance sur EA, Visual Concept se reposer sur ses acquis. Ces dernières années, le studio est accusé de sortir des mises à jour au prix fort et d’avoir recours excessivement au système de microtransactions. La présence d’un concurrent performant amènerait indubitablement de la fraîcheur. Les espoirs qui gravitent autour de NBA Live s’estompent peu à peu. L’attraction de NBA 2K est trop puissante quand l’étoile NBA Live s’approche de l’extinction.

Article proposé par Gauthier Deba, rédacteur bénévole et spécialiste jeux vidéo, parce que la vie est plus belle quand on balance des gros pixels orange dans un cercle de forme rectangulaire.

Le gros tableau NBA Live (partie 2)

La chute

 NBA Live 062005Windows, Xbox, Playstation 2, GameCube, PSP, Mobile, Xbox 360
 NBA Live 072006Windows, Xbox, Playstation 2, PSP, Mobile, Xbox 360
NBA Live 082007Windows, Playstation 2, PSP, Xbox 360, Playstation 3, Wii
NBA Live 092008Playstation 2, PSP, Mobile, Xbox 360, Playstation 3, Wii
NBA Live 102009Playstation 3, PSP, Xbox 360, iOS
NBA Elite 112010Playstation 3, iOS
NBA Live 142013Playstation 4, Xbox One
NBA Live 152014Playstation 4, Xbox One
NBA Live 162015Playstation 4, Xbox One
NBA Live Mobile2016Android, iOS
NBA Live 182017Playstation 4, Xbox One
NBA Live 202019Playstation 4, Xbox One

Sources texte : Rolling Stone, IGN, Jeuxvideo.com et EA Sports


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