Isolement et fatigue mentale dans la bulle : deux composantes qui ont forcément joué dans la décision de joueurs à bout de nerfs
Le 27 août 2020 à 11:34 par Giovanni Marriette
Le sujet avait déjà été évoqué et, forcément, il revient sur la table quelques heures après l’une des décisions les plus marquantes de l’histoire de la Grande Ligue. Les événements récents liés à l’affaire Jacbob Blake dans le Wisconsin ont poussé les joueurs NBA à agir, évidemment. Mais la bulle d’Orlando a aussi joué un rôle important, à ne pas sous-estimer.
Aussi étrange que cela puisse paraître pour certains, jouer en NBA est un métier. Un métier certes grassement payé, mais un métier tout de même, avec les tracas qui l’accompagnent parfois. DeMar DeRozan ou Kevin Love font par exemple partie de ceux qui ont “osé” parler de leur mal-être ponctuel voire permanent, dans une vie où tout va à mille à l’heure et où l’argent peut pour certains avoir du mal à compenser l’absence de considération et/ou d’humanisme, ou encore le fait de vivre éloigné des siens une grande partie de l’année. Ce sentiment ? Il a évidemment été décuplé cet été pour certains, avec la mise en place de cette bulle anti-COVID. Une bulle qui se devait donc également d’être anti-famille, anti-amis, anti-toute interaction sociale concrète, le prix à payer pour proposer une fin de saison sans bavure sanitaire. Un complexe assez exceptionnel était alors mis en place, vu de l’extérieur un véritable paradis du basketteur à ciel ouvert, mais très vite certaines voix s’élèveront pour affirmer que, non, tout n’est pas si rose dans le quotidien de cette organisation si spéciale :
“Les gens n’en parlent pas beaucoup, mais c’est un challenge pour beaucoup de gars. Le fait d’être dans cette bulle, c’est comme si vous étiez tout le temps au boulot. Souvent, et c’est le cas pour beaucoup de gars, ils veulent couper du basket après avoir joué. C’est impossible ici. Vous sortez pour prendre du bon temps, et puis d’un coup vous voyez Donovan Mitchell et vous vous dites, ‘Je n’ai pas envie de voir sa tronche maintenant’. Mais c’est comme ça. Je veux vraiment attirer l’attention sur le sujet de la santé mentale, l’anxiété, et les différentes formes de dépression dans ce genre de contexte et d’endroit comme cette bulle. Nos athlètes ont probablement du mal avec ça et n’ont pas suffisamment confiance pour en parler librement. […] Je sais qu’ils diffusent des images avec des tables de ping-pong, des piscines et ce genre de choses. Mais c’est difficile d’être ici, loin de sa famille et isolé du reste de la société.” – Jaylen Brown
Un été étrange qui joue sur le mental des joueurs donc, mais aussi et c’est logique… sur leurs performances. Paul George avait par exemple évoqué ce sujet de l’anxiété due à la bulle comme l’une des raisons de sa maladresse sur le terrain, encore une preuve du danger potentiel d’être confronté à la solitude H24 :
“La bulle a pris le dessus sur moi. J’étais au fond du trou. J’étais comme absent. C’était difficile. Honnêtement, j’ai sous-estimé la santé mentale. J’avais de l’anxiété, un peu de dépression. Le fait d’être enfermé ici. J’étais tout simplement absent. Games 2, 3, 4, j’étais absent. Un grand merci aux personnes qui m’ont soutenu. J’ai senti la différence mardi. J’ai parlé avec un psy, le psy de l’équipe. Mon énergie, mon humeur, ça avait changé. C’est tout ce dont j’avais besoin.” – Paul George
On est donc d’accord, le cadre est idyllique, de l’extérieur tout ça ressemble à une Reality TV grandeur nature, mais à l’intérieur certains se rongent les ongles. Pas de femme, pas d’enfant, pas d’amis, pas de famille, et pour seul lien à dehors… des smartphones et forcément des breaking news loin d’être enivrantes. Car au-delà du simple contexte sanitaire, le mouvement Black Lives Matter est sur toutes les lèvres, pour une majorité de joueurs il est même prioritaire à Orlando. C’était écrit, partout, cette reprise devait – aussi – servir à éveiller certaines consciences sur ce qui se joue de nos jours (et depuis toujours) aux Etats-Unis. Des messages, partout, tous les jours, dans le but de changer les mentalités et de lutter contre des inégalités qui pourrissent et coûtent des vies. Vous voyez où on veut en venir ? Des joueurs isolés, livrés à eux-même malgré un focus sportif pouvant évidemment aider à respirer un peu, et donc ce nouveau drame à Kenosha, exactement le genre d’horreur contre lesquelles les joueurs NBA souhaitent lutter. Est-ce qu’en des temps “normaux” la réaction de la communauté NBA aurait été différente ? Probablement pas, car les NBAers semblent aujourd’hui avoir pris conscience du poids de leur voix. Est-ce que l’isolement et le contexte spécial de cette reprise a joué sur la décision des joueurs ? Probablement. Plus de temps pour y penser, plus d’occasions de se croiser, d’en parler, d’agir. Une goutte d’eau bien gluante qui fait déborder un vase déjà un peu trop puant, et donc le combo usure mentale/isolement/ras-le-bol qui débouche sur cette décision commune et historique hier soir, forcément en lien avec cet été si… particulier.
Voilà où on en est. Une bulle et ses particularités qui ne demeurent pas le problème le plus “important” des joueurs mais qui aura malgré tout joué un rôle prépondérant dans le choix des joueurs, Bucks en tête, de décider de ne plus jouer au basket. Décidément, cette année 2020…