La prochaine fois, peut-être qu’on écoutera Kyrie Irving aka “The Disruptor” différemment, sans préjugés

Le 27 août 2020 à 15:04 par Nicolas Meichel

Kyrie Irving 18 février 2020
Source image : YouTube

La NBA a vécu un moment historique hier soir. Avec la grève des Bucks suivi par le report de plusieurs rencontres de Playoffs, les joueurs ont frappé un grand coup dans la lutte pour la justice sociale. Une action très forte qui arrive de nombreuses semaines après l’appel d’un certain Kyrie Irving, qui avait contesté les motivations derrière la reprise de la saison NBA. 

Il y a un peu plus de deux mois, le 13 juin 2020, Adrian Wojnarowski laissait son costume de news breaker pour enfiler celui d’accusateur : “Kyrie Irving, the disruptor”. Pour ceux qui ont du mal avec la langue de Shakespeare, ça se traduit par “Kyrie Irving, le perturbateur”. Voilà les propos utilisés par le Woj pour qualifier Uncle Drew dans un article publié sur ESPN suite à une réunion réunissant environ 80 joueurs, au cours de laquelle Kyrie – la star des Nets et surtout l’un des vice-présidents du syndicat des joueurs (NBPA) – s’était clairement positionné contre une reprise de la saison NBA à Orlando. Une réunion ayant eu lieu une semaine après un call de la NBPA, où Kyrie avait participé au vote à l’unanimité en faveur de la reprise, et où ça discutait jacuzzi, boissons et sponsors. De quoi s’emmêler les pinceaux mais au final, pour Irving, la reprise était synonyme de distraction, le basket devait absolument passer au second plan. Alors qu’il était blessé et forfait pour le reste de la campagne 2019-20, Irving avait envoyé un message fort à ses pairs, avec comme objectif de les convaincre de ne pas reprendre pour véritablement prioriser le combat pour la justice sociale en réponse à la mort de George Floyd, sous le genou d’un policier de Minneapolis : “Je ne suis pas pour aller à Orlando. Je ne suis pas pour le racisme systémique et toutes ces conneries. Ça ne me semble pas honnête. Je suis prêt à tout lâcher pour vaincre l’injustice sociale”. Des mots qui pèsent, suivis par des actes ici et . Aujourd’hui, après la grève des joueurs de Milwaukee et le report de plusieurs matchs de Playoffs suite à l’affaire Jacob Blake dans le Wisconsin, le discours de Kyrie Irving résonne d’une façon complètement différente.

ESPN story on Kyrie Irving, the disruptor: https://t.co/02nOKKKjxE

— Adrian Wojnarowski (@wojespn) June 13, 2020

Suite à l’épisode de juin dernier, Uncle Drew s’est pris un flot de critiques dans la tronche. L’article du Woj est un exemple de la manière dont il a été catalogué, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. “Perturbateur”, “égoïste”, “diva”… autant d’adjectifs qui ont été utilisés sur les réseaux sociaux ou dans les médias pour qualifier Kyrie Irving. Victime de sa mauvaise réputation ? Sans aucun doute. Sa théorie “La Terre est plate” lui colle toujours à la peau et le décrédibilise aux yeux de beaucoup de personnes, et son échec cuisant aux Celtics suivi de son départ à Brooklyn a fait passer Kyrie dans le clan des vilains de la NBA. “Leader en mousse, mauvais coéquipier, mauvaise influence dans le vestiaire”, voilà comment il est généralement perçu : un joueur extrêmement talentueux, mais un joueur individualiste qui a voulu sortir de l’ombre de LeBron James pour avoir sa propre équipe avant de se planter dans son rôle de leader. Un mec qui vit dans son monde, et très souvent incompris. Pour cet ensemble de raisons, plus d’importance a été accordée au messager plutôt qu’au message en lui-même. Mais au final, Kyrie Irving – dans son costume de vice-président de la NBPA – a posé les vraies questions cet été. Si la très grande majorité des joueurs voulait reprendre afin de profiter de la plateforme d’Orlando pour faire passer des messages, mais aussi à cause des conséquences potentielles accompagnant une grève générale, les événements d’hier vont clairement dans le sens du discours d’Uncle Drew : “Je suis prêt à tout lâcher pour vaincre l’injustice sociale”, rappelez-vous.

Les T-shirts “Black Lives Matter”, l’inscription sur les parquets, le genou au sol lors de l’hymne national, les messages sur les maillots… c’est bien, mais ce n’était plus assez pour les joueurs après la nouvelle bavure policière dont a été victime Jacob Blake. À juste titre. Car pendant que le monde NBA recommençait à tourner tranquillement chez Mickey, la brutalité policière continuait malheureusement à sévir en dehors de la bulle. Cette énième tragédie du côté de Kenosha a poussé les Bucks à prendre une décision très forte, une décision se transformant en moment historique, afin de provoquer de vrais changements sur le thème de la justice sociale. Kyrie Irving, souvent moqué et ridiculisé pour ses interventions, avait souligné la nécessité de réaliser une action d’une telle ampleur il y a plus de deux mois déjà, quand la Ligue préparait son grand retour du côté de Disney World. Une nouvelle vidéo avec un Afro-Américain brutalisé par des forces de l’ordre, et les joueurs NBA sont finalement arrivés à la même conclusion : on ne joue pas, le basket passe au second plan aujourd’hui, point barre.

“On n’aurait même pas dû venir dans ce putain d’endroit. En venant ici, cela a enlevé la lumière sur les vrais problèmes. On ne peut rien faire à partir d’ici.”

– Le meneur des Bucks George Hill il y a quelques jours, via USA Today

Alors maintenant, difficile à dire comment évoluera la situation dans les prochaines heures et les prochains jours. Peut-être que la saison reprendra, peut-être que les joueurs iront encore plus loin en provoquant l’arrêt pur et simple de la saison. C’est le flou total. Mais peut-être qu’on écoutera Kyrie différemment la prochaine fois, sans préjugés. Nous inclus.