Les Raptors sont-ils plus forts qu’en 2019 ? Impossible sur le papier… et pourtant
Le 13 avr. 2020 à 15:10 par Benoît Carlier
Au début de la saison, tout le monde a l’air lucide au Canada. Encore sur leur petit nuage après un été à parader dans les rues, les Raptors savent parfaitement qu’un dur retour à la réalité les attend une fois la bannière dévoilée au plafond de la Scotiabank Arena. Le rêve est terminé et il est déjà temps d’entamer un nouveau cycle à Toronto. Mais peut-on vraiment parler de reconstruction pour une équipe qui améliore encore son bilan ? C’est la question à laquelle on va tenter de répondre aujourd’hui.
Adieu Kawhi et merci pour tout. Applaudissements aussi pour Danny Green venu prendre sa bague avant de partir rejoindre Los Angeles à la poursuite d’un autre anneau. Des départs qui n’ont malheureusement pas pu être comblés par Masai Ujiri dont la priorité était de prolonger coute que coute Pascal Siakam pour aborder la suite plus sereinement avec déjà un potentiel franchise player autour duquel construire. En faisant all-in la saison précédente, le président nigérian a remporté son pari mais il a aussi compromis l’avenir de la franchise à court terme. Il faut filer 33 millions de dollars à Kyle Lowry, 25 à Marc Gasol et 23 à Serge Ibaka ce qui ne laisse pas beaucoup de marge pour faire venir un remplaçant digne de ce nom au MVP des Finales. Les Raptors font donc appel à des role players peu cotés en espérant que la progression de Spicy-P se poursuive pour prendre le relais de The Klaw aussi bien dans le leadership que dans les stats. Dans le même temps, l’Est s’est sensiblement renforcé à Brooklyn, Philadelphie ou Miami tandis que les Bucks sont toujours aussi forts et qu’il ne faut pas enterrer Boston ou les Pacers. Dans toutes les projections, Toronto est annoncé entre la quatrième et la septième place de sa Conférence sans que les fans eux-mêmes puissent parler de manque de respect tellement l’équipe a pris cher sur le papier.
Sauf qu’entre le papier et la réalité, il y a parfois un monde. Surtout avec un génie comme Nick Nurse à la tête du schmilblick. Pas question pour le nouveau sélectionneur du Canada de tirer un trait d’avance sur cette saison. Il a un ratio de victoires à maintenir. Le cerveau qui n’a qu’un an d’expérience derrière lui sait ce qu’il doit faire pour mener son équipe jusqu’au titre. Le genre de phrase qui ne fait pas rire dans le milieu, sauf quand elle est prononcée pour Tyronn Lue. D’ailleurs, si on suit la trajectoire des deux derniers entraîneurs à avoir soulevé un trophée dès leur saison rookie (la marionnette de LeBron et Steve Kerr), c’est une défaite en Finales NBA qui attend Toronto cette année, soit beaucoup mieux que les prévisions des spécialistes. Mais apparemment, l’infirmier ne lit pas trop la presse et part du constat suivant : si les Dinos ont terminé deuxièmes de la saison régulière avec un Leonard à temps partiel (31 matchs ratés), ils peuvent faire au moins aussi bien si leur star Camerounaise réussit sa transition en tant que franchise player. Chiche ?
Pour y parvenir, le double N va aller au bout de sa démarche défensive en tentant de créer un rempart infranchissable devant son panier. Sans le meilleur two-way player du monde, le défi est de taille mais pas de quoi effrayer les Raptors qui peuvent toujours compter sur de sacrés spécialistes. Lorsqu’ils sont tous en pleine forme – ce qui n’est pas gagné comme on le verra après – ils peuvent compter sur un backcourt solide avec Fred VanVleet en chien de garde sur la petite star adverse et Kyle Lowry en soutien crédible. Dans le frontcourt, OG Anunoby est quasiment là pour le seul but de freiner le meilleur ailier tandis que Pascal Siakam et Marc Gasol sont également très concernés par leur mission de protecteurs d’arceau. Un cinq qui va tout de suite donner le ton d’une saison sous le signe des barbelés même si les têtes vont beaucoup changer sur le terrain. Il faut dire que Chris Boucher, Serge Ibaka, Norman Powell, RHJ ou même Patrick McCaw sont aussi connus pour leurs aptitudes de ce côté du terrain. Première case cochée pour Nick Nurse qui est donc à la tête de l’équipe la plus imperméable de la Ligue avec 106,5 points encaissés par match en moyenne et 105,2 toutes les 100 possessions. Premier domaine où la version 2020 des Raptors fait mieux qu’en 2019.
Pourtant, on ne peut pas dire que le karma ait beaucoup épargné les champions en titre avec des longues périodes d’absence pour tous les joueurs importants de l’équipe. Quand le load-management n’est pas volontaire, ce sont les blessures qui s’en chargent. On peut limite parler d’acharnement à ce niveau-là mais il en faut plus pour déstabiliser les Canadiens qui vont aligner pas moins de 15 starting line-ups différentes sans connaître de grosse galère pour gagner. Big Spain out ? Air Congo fait la saison de sa vie en intérieur moderne quand il n’est pas en train de concocter des petits plats sur YouTube. Calorie ou FVV sur le téco ? C’est Norman Powell qui step-up pour s’offrir un premier titre de joueur de la semaine à partager avec le King. L’image est forte. Même le rookie non-drafté Terence Davis toque à la porte du cinq majeur avec des moyennes de 21,5 points et 9,5 rebonds lors de ses deux premières titularisations. Pas tout mal pour un… shooting guard. Bref, le deuxième mot magique à Toronto est l’adaptation et à ce petit jeu-là Nicolas l’infirmier est une nouvelle fois le big boss.
Le système est si bien en place que tout le monde connait son rôle lorsqu’il est sur le terrain. Tous les joueurs sont interchangeables et le moral semble au beau fixe dans cette équipe qui a l’habitude de surprendre du monde depuis l’année dernière. Le dernier exploit en date à Toronto ? Une série de quinze victoires consécutives soit quasiment un mois d’invincibilité évidement synonyme de record de franchise mais aussi de record national tout sport confondu dans les grandes ligues professionnelles majeures en Amérique du Nord. Lorsque l’on met tout cela bout-à-bout, que l’on ajoute une saison taille patron de Spicy-P et un vrai rôle de vétéran idéalement taillé pour Kyle Lowry, cela donne une nouvelle saison de domination pour les Raptors qui n’ont que les Lakers et les Bucks avec plus de victoires qu’eux au classement au moment de ce break imprévu aux trois quarts de la saison. Avec 46 succès pour 18 défaites, les champs sont même sur les bases pour égaler ou améliorer leur record de franchise qui date de 2017-18 (59-23) et donc battre leur bilan d’il y a un an. A l’Est, cela donne toujours une place de dauphin derrière les Bucks, leurs victimes des dernières Finales de Conférence. Si bien que l’on est forcé de compter les Raptors comme des candidats crédibles à leur propre succession si la saison va jusqu’à son terme.
On n’en n’est pas encore là mais Toronto a déjà fait un immense doigt d’honneur à tous les pronostics qui les voyaient s’affaiblir durant l’été. Sous l’impulsion de Nick Nurse et d’un Pascal Siakam qui a surpassé les attentes en s’offrant au passage une première étoile de All-Star cette année, les Raptors ont montré qu’ils étaient bien plus que les heureux coéquipiers de Kawhi Leonard en 2019. Il se passe vraiment quelque chose au nord de la frontière US et on ne l’avait pas encore dit mais il ne faut jamais sous-estimer le cœur d’un champion.