Le mini-ball des Rockets, la toute dernière expérience signée Mike D’Antoni : Mr. Pringles fait all-in, ça passe ou ça casse !
Le 09 févr. 2020 à 15:54 par Nicolas Meichel
Depuis environ deux semaines, on parle pas mal des Rockets et de leur nouvelle philosophie de jeu. Vous savez, ce small-ball poussé à l’extrême où les intérieurs traditionnels n’ont pas vraiment leur place. Cette philosophie a été confirmée par les mouvements de Houston lors de la récente trade deadline. Clairement, Daryl Morey et Mike D’Antoni tentent un coup de poker ici, et c’est à quitte ou double.
Quelque part, du côté du Toyota Center de Houston, il y a un panneau “Interdit aux personnes faisant plus de 2m”. On est au bord de la discrimination dans la franchise texane aujourd’hui, où les grands sont visiblement bannis, exception faite pour ceux qui savent shooter à 80% à trois points bien évidemment. Depuis fin janvier, les Fusées ont décidé de pousser le small-ball encore plus loin, en jouant véritablement sans intérieur. Genre aucun quoi. Zéro. Voici en gros le starting lineup aligné par Mike D’Antoni depuis quelques matchs. James Harden, Russell Westbrook, Eric Gordon, Danuel House et P.J. Tucker, avec ce dernier dans le rôle de “pivot”. Il y a eu des variations à cause de quelques absences mais en gros, c’était ça. Le plus grand joueur dans le lot ? House, avec… 1m98. On n’avait pas vu ça depuis le début des années 1960. Et si vous pensiez que c’était uniquement un petit kiff avant le break du All-Star Weekend, vous avez vite compris que les Rockets étaient très sérieux avec leur nouvelle philosophie au vu de leurs mouvements à la trade deadline. Parce qu’avant la date butoir de jeudi, le manager général Daryl Morey a participé à l’énorme transfert impliquant quatre équipes – à savoir Houston, Denver, Minnesota et Atlanta – et pas moins de 12 joueurs. Au cœur de ce trade, il y a les Rockets, qui ont lâché le pivot suisse Clint Capela ainsi que l’intérieur vétéran Nene pour récupérer le convoité Robert Covington, joueur qui évolue au poste 3/4 et considéré comme un solide 3 & D. Outre Covington, les Rockets ont également récupéré Jordan Bell, mais comme ce dernier est un intérieur, il a tout de suite été envoyé à Memphis contre Bruno Caboclo, un ailier. Aujourd’hui, quand on regarde l’effectif des Rockets, il reste tout simplement deux joueurs de raquette, Isaiah Hartenstein et le papy Tyson Chandler.
Ce changement de direction de la part des Rockets s’explique notamment par leur première partie de saison irrégulière. Malgré des grosses ambitions, Houston a connu des hauts et des bas jusqu’ici et avant ce passage dans l’ère de l’ultra small-ball, les hommes de Mike D’Antoni restaient sur six défaites en neuf matchs pour un bilan global de 28 victoires pour 17 revers, synonyme d’une décevante sixième place à l’Ouest à égalité avec Dallas. Pas vraiment ce qu’espérait Daryl Morey quand il a décidé de transférer Chris Paul pour récupérer le grand pote de James Harden, Russell Westbrook. Depuis le début de la saison régulière 2019-20, le fit entre Brodie et sa nouvelle équipe a souvent montré de grosses limites. Westbrook faisait certes ses stats mais l’équilibre collectif n’était pas là. Depuis quelques semaines, Russ a clairement haussé son niveau de jeu mais les Fusées n’ont pas vraiment décollé, et Houston a ainsi estimé qu’il fallait tenter quelque chose de radical pour espérer avoir une chance de jouer le titre. Et pour l’instant, il faut dire que les résultats sont plutôt encourageants sur le plan purement comptable. Avec leur cinq très petit, les Rockets ont joué six matchs au total. Leur bilan ? Cinq victoires pour une défaite. Les hommes de MDA ont perdu face aux Suns vendredi soir mais ils ont battu le Jazz à Utah (sans James Harden et Russell Westbrook d’ailleurs, et en back-to-back qui plus est), les Mavericks à la maison, puis les Pelicans, les Hornets et surtout les Lakers au Staples Center, eux qui possèdent pourtant une grosse raquette (Anthony Davis, JaVale McGee, Dwight Howard). Cette victoire 121-111 face au leader du Wild Wild West – qui était le premier match de Robert Covington avec Houston – a impressionné et a surtout conforté les Rockets dans leurs convictions. À Los Angeles, on a notamment vu un Covington très précieux des deux côtés du terrain en sortie de banc (14 points, 8 rebonds à 4/7 du parking), un Russell Westbrook possédé pour son retour à la maison (41 points à 17/28), et une équipe de Houston qui a fait mal derrière l’arc (19/42) tout en limitant l’attaque des Angelinos en fin de match. Le genre de performance complète sur laquelle une équipe peut construire, surtout quand elle change de philosophie.
Maintenant, il faut dire que l’échantillon reste faible. Ça fait six rencontres seulement et il faudra voir ce que ça va donner sur la durée, et notamment en postseason. Parce que toute la question est là finalement. Est-il possible de gagner des séries de Playoffs avec un cinq ultra small-ball ? Forcément, les doutes sont présents, surtout qu’on n’a jamais vraiment vu ça auparavant. On peut en effet se demander si Houston est capable de tenir face à des équipes qui possèdent des piliers à l’intérieur, genre Utah avec Rudy Gobert, les Lakers avec Anthony Davis, ou les Nuggets avec Nikola Jokic. Comment ne pas se faire bouffer au rebond et défendre ces gars-là ? Parce qu’on aime bien les qualités défensives de Robert Covington et P.J. Tucker, qui sont des références, mais 15 centimètres de moins, ça reste 15 centimètres de moins. On dit parfois que ce n’est pas la taille qui compte, mais là ça peut clairement se retourner contre Houston. On peut se demander aussi qui va devoir changer son style de jeu par rapport à l’adversaire dans ce genre de confrontation, quelle équipe va payer ses faiblesses ou faire la différence grâce à ses forces. En Playoffs, le rythme a tendance à se ralentir, avec plus de jeu sur demi-terrain, ce qui ne joue pas forcément en faveur des Rockets, qui sont deuxièmes à la pace et dont l’objectif est d’envoyer un maximum de missiles de loin tout en trouvant des paniers faciles près du cercle. On sait que c’est toujours risqué de s’appuyer sur son adresse extérieure. Si Houston ne plante pas de loin, ça va vite devenir compliqué.
L’avantage pour les Fusées, c’est qu’elles peuvent être finalement assez imprévisibles en attaque et mobiles en défense, où les Rockets auront la possibilité de beaucoup switcher grâce à leur polyvalence. En jouant sans vrai intérieur squattant la peinture et avec un shooteur en plus, ça change évidemment pas mal de choses offensivement, notamment pour un mec comme Russell Westbrook. Quand la menace extérieure est plus élevée, ça signifie que le spacing l’est également, et qu’il y a donc plus d’espaces en conséquence. Et qui dit plus d’espaces dit plus de possibilités pour attaquer le panier, domaine dans lequel Russ peut évidemment faire beaucoup de dégâts, que ce soit en transition ou sur jeu placé en profitant notamment de match-ups favorables. Et le mini-lineup de Houston peut également pousser les équipes adverses à moins faire jouer leurs bigs, ce qui avantage forcément les pénétrations de Westbrook et James Harden. En parlant du Barbu, le fait de posséder une menace supplémentaire au tir va peut-être lui permettre d’affronter moins de prises à deux, ou alors ça peut augmenter les chances de voir Houston mieux profiter de ces dernières. Clairement ici, on est dans le basket total, mais alors total de chez total, où les postes n’existent que sur le papier. Une sacrée expérience.
Une expérience sortie tout droit du laboratoire Daryl Morey & Mike D’Antoni. On connaît le côté innovateur du premier, et l’amour du run-and-gun et des trois points du second. Là, c’est un peu l’expérience ultime pour ces deux-là, l’expérience YOLO par excellence. Après l’explosion de la dynastie Warriors durant l’été, cette saison 2019-20 est considérée comme une campagne cruciale pour les Rockets et un nouvel échec en Playoffs sonnerait sans doute la fin de l’aventure MDA. Pour rappel, D’Antoni avait refusé une extension durant l’intersaison et se retrouve aujourd’hui dans sa toute dernière année de contrat. Du coup, il se dit sans doute que c’est le moment ou jamais pour se faire un kiff et pousser ses convictions jusqu’au bout. Les Rockets ont décidé de jouer le tout pour le tout en essayant de maximiser le talent de leurs joueurs, peu importe si ça signifie évoluer sans le moindre intérieur de métier. C’est un vrai pari, soit ça passe, soit ça casse.
On va suivre tout ça de près pendant le reste de la saison régulière, et puis évidemment en Playoffs. Les Rockets font tapis sur leur style de jeu et on avoue que c’est assez excitant dans le sens où ça peut faire des dégâts, dans un sens comme dans l’autre. Les Fusées de Houston peuvent poser beaucoup de problèmes, mais elles peuvent aussi se crasher violemment.