La méthode Pat Riley : une décennie de hauts, de bas, de coups de poker, de coups foirés et d’excellence à Miami
Le 30 déc. 2019 à 14:55 par Bastien Fontanieu
Le nom inspire le respect. La silhouette, de même. Mais se rend-t-on compte de la décennie que vient de vivre Pat Riley ? Boss incontestable du Heat, l’homme aux cheveux gominés est passé par tous les états, de l’amour à la haine en passant par la désillusion et la joie. Story.
Comme un symbole. Comme un symbole de sa régularité dans l’effort, de son abnégation, de ses idées parfois critiquées mais souvent adoubées. Au moment où ces lignes sont écrites la franchise de Miami est sur le podium de la Conférence Est. Et il y a quasiment dix ans, au début de la décennie ? C’est également sur le podium de la Conférence Est que se situait le Heat. La decade s’ouvre et se termine avec Riley, telle est la loi. Celle d’un homme qui irait jusqu’au bout du monde pour l’emporter, un compétiteur-né que Michael Jordan lui-même respectait pour son vice et sa dalle. Vous pensez vraiment que Miami va chuter ? Guess what, motherfucker. Cheveux impeccablement remis en arrière, sourire malin et regard perçant, Patrick James Riley analyse le terrain et trouve une faille. L’idée, ici, est de revisiter cette décennie. Car celle vécue par le patron du Heat est assez incroyable quand on y repense. Sortez votre meilleure gomina, votre plus beau costard Armani et vos cigares cubains, on part à Sud-Plage pour revivre les 10 dernières années du parrain.
Tout commence à l’été 2010, chronologie oblige, et événements marquants aussi. Quelle idée folle, quelle entrave au code des joueurs respecté jusqu’ici. Rassembler trois futurs Hall of Famers, trois franchises players dans la même équipe, êtes-vous sérieux ? Le projet est diabolique, l’exécution et les résultats le seront tout autant. LeBron James décide de rejoindre Dwyane Wade et Chris Bosh en Floride, pour créer une faille dans l’histoire de la NBA. Fuck les règles, on est là pour gagner, et personne n’est plus désespéré que LeBron lorsqu’il s’agit de rejoindre la famille des vainqueurs. En parfaite entente compétitive avec Riley, l’ailier va démarrer l’ère des Heatles et enchaîner les Finales NBA. 2011 (woops), 2012, 2013, 2014 (woops) : 4 de suite, deux bagues, et un patron qui retrouve le sommet de la Ligue, fièrement. Depuis 2006 et le titre obtenu face à Dallas, Pat n’en pouvait plus de vivre dans le ventre-mou de la NBA. Ce n’est pas un standard d’excellence pour un des cerveaux les plus respectés de l’histoire. Il fallait recréer une identité, sale, dure, mauvaise, méchante, une image qui inspire la peur, qui oblige les adversaires à se dire, et merde on joue Miami demain. Fils de col-bleu, Riley transpire cette méthode du biceps. Et cette étiquette, Pat va la coudre jour après jour en faisant confiance à des hommes qui respectent sa vision des choses : à l’ancienne, bosseurs, sans compter les efforts, chaque jour. Un jeune assistant-vidéo qui devient coach et protégé du grand manitou ? Et pourquoi pas tiens, Erik Spoelstra est jeté dans le grand bain et remporte deux bagues en proposant les prémices du small ball et en harcelant ses joueurs sur la dépense quotidienne. Udonis Haslem est conservé dans le coin, car il faut une grande gueule championne qui remette les choses en ordre quand ça ne va pas. Eux deux seront là pour toujours, c’est une assurance, jamais Riley ne les lâchera. Ce serait comme cracher dans le miroir.
Et Dwyane Wade alors ? Légende du Heat, meilleur joueur de l’histoire de la franchise, Wade fait aussi hélas partie de cette deuxième partie de décennie, celle qui enfonce les fans de Miami dans un long et sombre tunnel. Après la gloire vient le désespoir. LeBron retourne à Cleveland, Chris Bosh a des problèmes de santé, Dwyane veut aller voir ailleurs. Du moins, pense-t-on. Car le respect qui était accordé d’office à Riley depuis des lustres est remis en question en cette année 2016. Comment ça, LeBron est parti ? Mais que s’est-il dit en coulisses ? Et Dwyane ? Dwyane Wade, Monsieur Miami, qu’a-t-il bien pu se passer pour que l’enfant de la maison veuille déménager à Chicago ? La lumière d’antan autour de Pat n’est plus, les vautours rodent autour de son bureau afin d’obtenir des aveux, des confessions, quelque chose qui prouve sa culpabilité et son échec dans le maintien du Heat doublement champion quelques années plus tôt. Mais de qui parle-t-on ? De Riley, d’un homme à la fierté démesurée, un daron à qui on ne la fait pas, pas comme ça. Façon Denzel Washington dans Training Day, Pat est furieux dans sa propriété privée. You think you can do this to me ?! La rage est réelle, il la racontera avec humilité par la suite. Mais pas avant d’avoir prouvé à ceux qui doutaient de lui qu’il reste un des hommes les plus brillants que ce sport a connu. LeBron et Wade, en premier, peuvent se coller des excuses là où ils pensent, je vais remettre le Heat tout en haut de la planète basket à ma façon. Ce entêtement initial laissera place, après discussion avec sa famille notamment, au pardon. L’ancien agent de Dwyane, Henry Thomas, décède au sein de cette période troublante. Le joueur se rend aux funérailles, Riley également. Les deux hommes se toisent, hésitent, pensent à tout ce qu’ils ont à reprocher à l’autre. Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Tant de bons moments vécus ensemble, tant d’amertume maintenant que Dwyane porte des couleurs qui ne lui vont pas, celles des Cavs. Peut-on enterrer la hache de guerre et finir l’aventure comme il se doit ?
Ces funérailles sont un véritable déclic pour Pat, la fin d’une ère bien sombre. Les mauvais choix se sont d’ailleurs enchaînés dans le front office, comme affectés par cette instabilité émotionnelle réelle. Il y avait des paris, Hassan Whiteside, Dion Waiters, Luol Deng, mais aucun ne prend vraiment sur la durée. Il y a des éclaircies, car tout n’est pas noir ou blanc intégralement, Josh Richardson et Justise Winslow en sont la preuve. Sauf que le Heat que dessine Riley dans sa tête n’est pas là. Ce Heat insupportable et prometteur, ce Heat qui mouille le maillot et attire les plus grands joueurs, il est encore en construction. Le retour de Wade à Miami dans un transfert au buzzer lors de la deadline de 2018 est un élément déclencheur. Il a du potentiel, le rookie Bam Adebayo. Quelqu’un veut parier sur le potentiel de Derrick Jones Jr ? Duncan Robinson a un sacré bras, on va partir sur Tyler Herro à la Draft car personne n’a l’air de voir en lui ce que moi je vois. Coups de poker, coups de poker, coups de poker. On y est, le chemin fût long et rempli d’obstacles, mais le Heat qu’envisageait Riley arrive enfin. L’opération construction et séduction est telle que Jimmy Butler veut devenir le leader de cette armée de l’ombre. Premier agent-libre majeur qui signe à Miami depuis des lustres. YES ! Riley est intenable en conférence de presse, dorlotant sa star et montrant son plus beau visage, celui, ému, d’un homme qui a toujours cru en sa vision et se retrouve à nouveau à la table des grands. Et à ses côtés, comme depuis le premier jour, Erik Spoelstra et Udonis Haslem sourient, fiers de leur boss qui n’a jamais lâché. Nous sommes à l’aube de la décennie 2020, une décennie qui réservera encore plein de surprises au Heat et à Pat Riley. Mais après être passé par la tristesse, la maladie, le choc, le triomphe et la peur, le boss de Miami peut bomber le torse. Car lui seul sait ce qu’il nous réservera dans les années à venir. Et s’il y a bien un template sur lequel on peut se baser, c’est celui-ci : on risque d’être encore surpris et en bien par l’homme gominé.
De LeBron à Kendrick Nunn en passant par Goran Dragic, Chris Bosh, Norris Cole et autres, le Heat a connu un paquet de soldats, de saisons glorieuses, et d’années compliquées. Un seul homme est resté à bord, tout du long, sans vraiment flancher et en restant le compétiteur qu’il a toujours été : Monsieur Pat Riley. Que les habitants de Miami dorment tranquille, tant que le parrain veille le business ira sur les plages de South Beach.