Lance Stephenson et les Pacers : une histoire d’amour, de haine, de soufflette et de bonheur partagé avant tout
Le 24 déc. 2019 à 10:20 par Bastien Fontanieu
Ce n’est pas le meilleur joueur, ou le premier à être cité, lorsqu’on parle de la décennie 2010 des Pacers. Ce n’était pas le plus doué ou le plus impactant. Mais le plus marquant ? Certainement. Dans l’Indiana, Lance Stephenson a mis son empreinte à jamais, pour le meilleur… et pour le pire.
Il y a des joueurs comme ça, des athlètes un peu dans l’ombre, qu’on ne peut s’empêcher d’adorer ou de détester malgré leur rôle secondaire. Ce sont des grandes gueules, des vilains, des bosseurs à qui rien ne fût promis mais qui ont senti qu’ils pouvaient se faire un nom dans leur sport. Plusieurs voies sont possibles pour ce faire, soit par la longévité, l’attitude, la façon d’être ou de penser. Mais il y a aussi une voie que les plus grands joueurs de l’histoire connaissent bien : celle des ennemis personnels. Michael Jordan avait son John Starks. Kobe Bryant a eu son Raja Bell. Russell Westbrook s’est amusé avec Patrick Beverley, quand ce n’était pas Kevin Durant. Du coup, pour LeBron ? Plusieurs choix existent, notamment avec un certain DeShawn Stevenson qui a trollé le King sans demi-mesure, que ce soit à Dallas ou Washington. Mais l’homme aux célébrations épiques doit forcément s’incliner devant le seul, l’unique, Lance Stephenson. Véritable crack du circuit mineur qui tenait tête à O.J. Mayo, Lance était attendu en NBA avec son swag new-yorkais et sa grande bouche bruyante. Stephenson puait l’asphalte de Gotham, chaque fois qu’il passait c’est limite si on entendait Nas is Like à fond les caisses derrière lui. Regard sombre, épaules en avant, la démarche confiante, le bouc impeccablement taillé. Et quoi de mieux, quinze ans après la rivalité Knicks – Pacers dictée par Reggie Miller et Patrick Ewing, que de voir un garçon de New York atterrir… dans l’Indiana. L’histoire ne pouvait mieux démarrer.
Elle se fera de manière discrète, d’abord, chez ces Pacers dont le leader de l’époque s’appelle Danny Granger. En 2012, soit quelques mois après le fameux choke de LeBron lors des Finales NBA face aux Mavs, Miami joue Indiana en demi de Playoffs mais Stephenson n’est pas sur les radars de qui que ce soit. Dix minutes par match en saison régulière, trois minutes par match en PO, bonjour le banc. Et c’est du banc, justement, que viendra son premier fait d’arme. LeBron aux lancers, 1-1 dans la série, fin de troisième quart-temps, le King s’élève sur la ligne et rate son tir. Réaction de Lance ? Un choke sign à deux mains, planté sur son cou comme pour indiquer à James que sa spécialité est de fondre comme neige au soleil lorsque la pression monte. Le replay de Stephenson se foutant de la gueule de LeBron va faire le tour de la planète basket, une rivalité est née. Indiana perd 4-2 sa série, ce n’est que partie remise. C’est l’année suivante, justement, que tout commence à changer pour Lance. Son temps de jeu triple, ses responsabilités aussi, les Pacers cartonnent et retrouvent… le Heat, en finale de conférence cette fois. Mais en plus de cette évolution individuelle et collective vient l’évolution émotionnelle, de toute une région pour son emmerdeur number one. Les fans d’Indiana adorent Lance, soutiennent ses célébrations, louent l’injection de testostérone quand il entre sur le terrain. Ce n’est plus une blague, Stephenson a un réel impact sur les siens, et cette équipe veut faire tomber Miami dans le dernier carré. Dans cette série, Born Ready va toucher les sommets mainstream, entre flop sur le parquet, mimiques pour emmerder LeBron et fameuse soufflette avant remise en jeu, reprise un peu partout sur la sphère people quand ce n’est pas le planking du génie. Personne ne vient contester la suprématie du King sur le basket, personne sauf Lance Stephenson. Le peuple aime l’histoire de David contre Goliath, et inutile de vous dire qui remplit quel rôle. La défaite est là au bout dans cette finale de conférence, mais tant pis, le travail d’emmerde a été fait et les Pacers ont tenu dans cette bataille qui annonce des retrouvailles un an plus tard.
Cela tombe bien, Pacers et Heat vont remettre les couverts en 2014 avec une équipe d’Indiana encore plus forte, sur le papier. Lance est royal, incontrôlable, mais de manière positive. Son impact est énorme sur le jeu, lui qui en vient même à titiller du triple-double et faire tomber défenseur après défenseur. Titulaire indiscutable pour la deuxième saison de suite, Born Ready est né pour ce moment, celui de la gloire. Stephenson arrive deuxième dans la course à la Progression de l’année, derrière Goran Dragic. On parle même de lui comme d’un potentiel All-Star quand le mois de février approche. Mais hélas, Evan Turner oblige, la saison si prometteuse des Pacers va prendre un coup, Lance et son nouveau coéquipier en venant aux mains. Tout a changé, Indiana n’a plus le même karma, l’alignement des planètes si bien pensé est désormais foiré. Les Pacers s’inclinent, et vient évidemment le moment fatidique, celui des négociations contractuelles. Le peuple veut Stephenson, mais Stephenson veut autre chose. Il veut Michael Jordan, il veut Charlotte, il veut de gros billets verts et une franchise sur ses épaules, ce qui est plus ou moins de la folie quand on y repense. Le test chez les Hornets sera un désastre, pendant que Paul George sera absent chez les Pacers après s’être fracturé la jambe avec Team USA. Putain de karma. Si proches, si bien, et désormais si loin du but. Dans l’Indiana, on se souvient de Stephenson avec émotion, car on le sait loin du coeur et clairement gavé par l’attitude des Pacers vis-à-vis de sa prolongation contractuelle. Moi ? On me donne pas satisfaction ? Et puis quoi encore. Un boudin qui va durer deux ans, juste assez de temps pour passer par Charlotte, Los Angeles, Memphis, New Orleans et Minnesota. Et puis, soudain, une nouvelle main tendue venant… de l’Indiana.
“Quand ils m’ont appelé, j’ai failli pleurer,” se souvient le bonhomme, sourire en coin. Lance rêvait de rejouer chez les Pacers, ne pensant pas que sa carrière prendrait un tel chemin. Mais humble dans son parcours, le joueur sait qu’il doit la mettre en veilleuse et aider sa franchise de coeur à retrouver les Playoffs. Son retour à la BankersLife FieldHouse ? Il la décrit comme le retour de Jordan en NBA, ce qui représente la phrase la plus Lance de toute sa carrière. Et ce retour du prince se fera dans un tonnerre d’applaudissements, dans un match remporté face aux Raptors avec la manière. Stephenson est merveilleux, il danse balle en main, chauffe le public, et s’embrouille même avec DeMar DeRozan ainsi que PJ Tucker parce que le phénomène a scoré alors qu’il n’y avait plus qu’à écouler l’horloge. Swag is back, Lance sera là pour aider les Pacers à sa façon, même sans Frank Vogel pour le guider en sortie de banc. Le sweep est sévère au premier tour, surtout face à LeBron. Mais tant pis, le maillot jaune est trop doux à porter et la franchise a signé un contrat de trois ans avec son enfant chéri. La saison suivante, tout change puisque Paul George s’appelle désormais Victor Oladipo. Tant mieux, au final. Car en sortie de banc, et avec le nouveau franchise player en place, les Pacers vont être une des darling de toute la NBA. Stephenson régale en 6ème homme, jusqu’aux Playoffs où Indiana va tenir tête à… LeBron, en 7 matchs. Le temps que James et son emmerdeur préféré se prennent la tête, le temps que les caméras fixent les deux hommes en attendant une ultime altercation. Tout ça est passé désormais, à tel point que Lance va rejoindre le King à Los Angeles quelques semaines après la fin de saison. Un blasphème dans l’Indiana ? Oui, un peu, mais ce n’est pas ce qu’on retient de tout ça. Ce qu’on retient, c’est l’histoire de ce kid au coeur gros comme ça, qui a défié un mastodonte et représenté plus de caractère qu’un paquet de joueurs passés dans la franchise en 10 ans, alors que rien de tout cela était prévisible.
L’histoire de Lance Stephenson chez les Pacers est assez remarquable, d’un point de vue sportif. Mais si on dépasse ce cadre et qu’on demande aux fans ce qu’ils ressentent pour Born Ready ? C’est probablement encore plus fort. Lance a marqué Indiana à tout jamais. Vous en voulez la preuve, regardez la prochaine fois qu’il entrera dans la BankersLife FieldHouse et apparaîtra sur l’écran géant. Ovation garantie pour lui.