Interview Benjamin Biolay x TrashTalk : “Steve Nash est l’une des rencontres les plus cool de ma vie”

Le 23 sept. 2019 à 14:50 par Alexandre Martin

Benjamin Biolay Couv
Source image : TrashTalk

Même débordé et très pris dans le cadre de la sortie du film “Chambre 212“, prévue pour le 9 octobre prochain, Benjamin Biolay – grand fan de basket pour celles et ceux qui ne le sauraient pas – nous a accordé une longue entrevue. A travers une vraie belle discussion autour de grands sujets comme la Coupe du Monde de nos Bleus, Boris Diaw, Steve Nash et les Suns qu’il a côtoyés, Yao Ming, son “5 Majeur” ou encore la Dream Team 92, Biolay l’artiste nous montre son côté amateur très avisé en matière de balle orange. 

TrashTalk : Bonjour Benjamin, merci d’avoir pris un peu de temps pour parler basket avec nous. 

Benjamin Biolay : De rien, je t’en prie. 

TT : On sait que tu es quelqu’un qui aime beaucoup le basket, qui suit la NBA notamment donc première question toute simple : d’où cela te vient-il ? Tu as joué ? En club ? 

BB : J’ai joué avec les gars de mon quartier quand j’étais jeune et même moins jeune, mais jamais en club. Ma soeur aînée elle, a joué en club quand elle était jeune parce qu’elle est grande. Et puis ça me vient de la fin des années 80, avec Canal+ même sans y être abonné. J’ai été fasciné par ces joueurs, ça me faisait rêver. En finale de conférence, à l’Est tu avais les Bulls et les Pistons qui se défonçaient. C’était avant 92, un peu avant la Dream Team. La Dream Team c’était un rêve absolu, j’ai adoré voir ça.

TT : Tu as eu du George Eddy dans les oreilles toi aussi forcément ?

BB : Oui. Du Jacques Monclar aussi !

TT : Du coup, c’est une vraie passion si je comprends bien. Par exemple, tu rentres de concert et tu te mates un match de basket. Tu fais ça ?

BB : Oui ça m’arrive. C’est ça qui est bien pour moi avec le décalage horaire parce que la journée et le soir, je n’ai pas le temps de regarder le télé mais la nuit ça m’arrive. Après ça dépend de l’affiche. Je ne vais pas me coltiner des matchs pourris…

TT : Ça dépend de la fatigue aussi j’imagine.

BB : Ce qui est le plus dur, c’est de passer la mi-temps ou le troisième quart-temps parfois.

TT : Le trois heures et demie / quatre heure du mat’ là ?

BB : Ouais voilà. Si le match t’a porté, s’il y a des joueurs qui t’ont porté, ça va.

TT : Tiens tout à l’heure, tu parlais de Jacques Monclar, j’ai vu que tu as joué les consultants pour Canal NBA sur Sport+ une fois. Tu as fait quoi exactement ?

BB : Oui oui, avec Jacques et avec George (Eddy) aussi, j’avais fait des capsules. Je n’avais pas commenté le All-Star Game mais j’avais commenté l’avant-match du premier All-Star Game de Tony qui était à Houston, en 2006. Boris (Diaw) était consultant aussi. Et on était tous à Houston pour fêter ça.

TT : Bon, ça doit être cool comme expérience !

BB : Ah ouais, c’est marrant à voir le All-Star (Game). Après au niveau basket, il ne se passe rien mais au niveau show, c’est énorme.

TT : Oui, et puis il y avait Tony sur le terrain et il avait du monde autour… Du Kobe, du Shaq.

BB : J’ai vu tout le monde…

TT : Tu as vu tout le monde ? Tu les as rencontrés ?

BB : Oui tout le monde, Magic… Tout le monde car j’étais dans la family room avec Boris.

TT : Top ! Tu les connais un peu les Français du coup ?

BB : Boris ? Ouais, ouais ! Je connais un peu Nicolas (Batum) et Tony. Je les connais tous un peu. Je suis allé à des entraînement de l’équipe de France, tout ça.

TT : C’est bien d’avoir des joueurs accessibles n’est-ce pas ?

BB : Très ! C’est une très bonne fabrique l’INSEP, pas que d’un point de vue sport. Je trouve que ces garçons du basket ont une certaine classe et de belles valeurs.

TT : Tu as aussi écrit quelques chroniques pour BasketNews dans les années 2000…

BB : Oui c’est cool. Après je n’ai pas pu continuer, faute de temps.

TT : Sur quoi écrivais-tu ?

BB : Un peu de tout. Le premier papier que j’avais fait c’était sur la progression de Boris, parce qu’il était pas encore assez connu. C’était l’année où il allait devenir MIP et je disais qu’il était en train de tout fracasser, de prendre une vraie ampleur.

TT : Quand tu as un coach qui te met dans les meilleurs conditions, ça aide…

BB : Et les coéquipiers aussi ! J’avais passé un peu de temps à Phoenix à l’époque avec Boris. On passait du temps à la ville avec Steve Nash qui était son ami.

TT : Il a l’air sympa lui aussi !

BB : Il est génial. C’est une des rencontres les plus cool de ma vie Steve Nash. Comme être humain, c’est un mec génial. Très complet, on a parlé culture, films. Et puis, il est marrant avec ses délires sur Tottenham et les Hotspurs. Enfin, c’est un type extraordinaire, vraiment.

TT : Ouais ? J’adore le joueur mais je ne connais pas le bonhomme.

BB : Ah bah le mec… Je dirais qu’il est encore meilleur comme être humain que comme athlète.

TT : OK !! Parce que le joueur est loin d’être dégueu…

BB : Le joueur était formidable. Il connaissait son corps à la perfection. A l’entraînement, il ne branlait rien Steve.

TT : Hahaha ouais ?

BB : Sur les trois entraînements que j’ai vus, il a balancé deux ou trois briques, mais c’est tout, je te jure. Mais c’était plus de la stratégie qu’autre chose (ces entraînements). Les gars étaient rincés, ils avaient joué la veille. C’était vraiment que quelques shoots pour se réveiller et un peu de tactique. […] J’ai vécu un truc très drôle un jour. Mike D’Antoni leur disait : ‘On ne prend pas assez de fautes’. Il leur apprenait à simuler en fait. Je me suis retrouvé devant une espèce de court de théâtre-basket, c’était génial. Il (D’Antoni) disait que statistiquement, c’était pas normal, que ces joueurs ne jouait pas assez les fautes. ‘quand vous vous faites toucher montrez-le’ il leur disait. Au début, tu te dis que c’est spécial quand même. Mais après, tu voyais qu’il avait réussi son coup. Dès que quelqu’un frôlait Amar’e, il pleurait après.

TT : Pourtant Amar’e… Costaud le monsieur.

BB : Ah ouais. Quand tu vois la bête se réveiller le matin… c’est impressionnant. […] De toute façon, toute cette équipe des Suns avec Leandro (Barbosa), Raja Bell… C’était top. […] J’ai aimé les Suns avec Barkley mais j’ai adoré quand Shaq y a joué aussi. J’ai toujours suivi les Suns. Au début des années 90, ils étaient très bons donc on les voyait.

TT : Oui car on ne pouvait pas voir tant de matchs que ça à l’époque.

BB : Et c’était pas plus mal hein ! On voyait quasiment que des bons matchs du coup. Quand tu vois les purges que tu peux te taper en NBA. Tu vois, je conseille à tout le monde d’aller voir du match de Playoffs, quitte à aller voir des matchs de NBA. Un match de NBA (en saison régulière), si on n’a pas checké s’il y a un enjeu, ça peut être d’un ennui sidéral. Quand c’est les Playoffs, ce n’est plus la même affaire. Ils ne jouent plus pareil le types.

TT : L’intensité n’est pas du tout la même.

BB : Ce n’est plus le même sport.

TT : Justement, à propos d’intensité, est-ce que tu as suivi la Coupe du Monde qui vient de se finir ?

BB : Oui carrément.

TT : Qu’est-ce que tu en as retenu ? La France qui bat les Etats-Unis ?

BB : Ouais… Mais c’est vrai que c’était une équipe de bras cassés. Y’avait des bons joueurs mais enfin bon… Non mais la France j’ai trouvé ça génial leur parcours. Ils ont vraiment su passer le flambeau Tony et Boris. On sent ce même esprit (de la gagne). Alors que la France a perdu deux de ses plus grands joueurs historiques, elle s’en sort super bien. Après l’Argentine… Fallait annihiler Luis Scola, c’est un monstre. Il a beau avoir 150 ans, c’est un monstre. […] Et puis l’Argentin, on le connaît ce pays dans tous les sports de ballon, si tu veux te les coltiner, il faut que tu sois prêt à mourir. Eux ils sont prêts à mourir pour leur pays.

TT : Voilà. On a foiré l’Argentine…

BB : Ça arrive. C’est quand même une équipe jeune. L’expérience tu ne peux pas la remplacer. Là le fait qu’il n’y avait plus Tony, Boris c’est très significatif sur ce début de match.

TT : Bon mais on est quand même contents ?

BB : On est plus que contents. On est fiers, on est heureux. […] Et puis surtout ça y est, on a un grand gars dessous qui joue bien. Avoir un grand, ça ne nous est pas arrivé souvent. C’est hyper important d’avoir un grand.

TT : Une très belle Coupe du Monde au final. On les attend de pied ferme aux JO de 2020.

BB : J’y crois beaucoup !

TT : Et ça risque d’être autre chose côté américain…

BB : Tu sais la Dream Team, c’est arrivé à la suite d’une aventure comme ça (une compétition internationale complètement ratée, ndlr). Ils se sont faits éclater (en 1988), ils ont dit c’est la dernière fois. On envoie les vrais.

TT : La Dream Team, tu as suivi toi aussi en 1992 j’imagine ?

BB : Ah bah évidemment ! J’ai halluciné de voir tous ces gars-là dans la même équipe. Je me disais : “mais comment c’est possible d’avoir autant de légendes dans la même équipe ?”. Quand ta rotation au poste 5, c’est David Robinson…

TT : C’était impossible de jouer cette équipe. D’ailleurs, on peut dire qu’elle représente un énorme changement.

BB : Oui et elle a même failli être parfaite. Parce que Shaq c’était un peu grillé avec sa Fédé mais sinon c’était lui à la place de Christian Laettner, ça aurait été génial.

TT : C’était vraiment incroyable cette Dream Team 1992, un vrai tournant. Le sport en lui-même a beaucoup évolué depuis.

BB : Ça ne défend plus ! Je trouve que ça ne défend plus. Sur la défense, je suis impressionné (par les différences entre les 90’s et aujourd’hui) parce que c’était vraiment pas la même affaire. Le meilleur joueur du monde (Michael Jordan hein, ndlr), il était aussi meilleur défenseur.

TT : Là tu me parles de Jordan. Est-ce qu’il y a Jordan et ensuite les autres joueurs de basket pour toi ? Ou est-ce qu’il y en a d’autres pour toi ?

BB : Il y en a plein d’autres… De toute façon, y’a plein de joueurs tellement fous. Pete Maravich par exemple, j’adore, j’ai plein de vidéos de lui. Après Jordan, c’est le moment où la culture NBA explose vraiment. Il a tout, il a la marque. C’est un des plus grand athlète de tous les temps mais dire y’a Jordan et les autres, non. Rien que dans la Dream Team, Y’a déjà Magic et Bird quoi ! […] Et Wilt Chamberlain, avec tous ses records. 

TT : Allez, on va revenir un peu sur les joueurs actuels. Si je te dis Stephen Curry ?

BB : J’aime bien ! C’est la perfection. Après dans les joueurs actuels, j’ai plus de tendresse pour LeBron James. Pour l’athlète et la personnalité. Ce qu’il est, ce qu’il représente dans le monde. J’ai énormément d’admiration pour lui. Il est un peu le trait d’union en plus (entre la génération Jordan et celle qui arrive, ndlr). Il a été drafté en 2003, ça fait quand même super longtemps qu’il est là. Il a joué avec beaucoup d’anciens. Après James Harden j’aime beaucoup aussi. […]  “The Carter Effect”, tu l’as vu le documentaire sur l’arrivée de Vince Carter à Toronto ? Vince Carter, lui aussi c’est une légende ! 

TT : Bien sûr que c’est une légende Vince Carter ! Et par exemple, un mec comme Kevin Durant ?

BB : Je m’en bats les couilles. Il est parfait et tout, c’est une véritable machine de guerre mais il ne m’a jamais fait vibrer.

TT : Ok. Et son ancien pote, Russell Westbrook ?

BB : J’adore ! J’aime bien tout ce qu’il représente.

TT : Donc toi tu vas essayer de regarder les Rockets de près cette année ?

BB : Oui. Ils ont toujours eu de belles équipes Houston je trouve. Même quand il y avait Yao, je regardais alors que c’était le joueur que j’aimais le moins au monde.

TT : Ah bon ?? Pourquoi ?

BB : Parce que je trouvais ça douloureux pour lui, c’était pas fluide, cette espèce de souffrance… Tout le story-telling autour, il a été décrit comme un extra-terrestre, je sais pas, il y a un truc qui m’a toujours choqué. J’ai toujours trouvé le monde très raciste avec Yao. Il a été présenté – comme ils avaient fait à l’époque avec Manute Bol et Georghe Muresan – comme des demeurés par qu’ils font 2m30 et qu’ils viennent d’un pays peu connu pour ses basketteurs.

TT : Ok je vois. Pour finir tranquillement… Au début je voulais te demander ton 5 majeur all-time mais je voulais changer un peu…

BB : Oui et puis c’est le genre de trucs où tu peux changer d’avis toutes les deux minutes (rires).

TT : Donc du coup, tu vas me donner ton “5 majeur Biolay” ! Je vais te proposer 5 adjectifs et tu vas mettre un joueur en face. Si je te dis chanteur, tu peux mettre un joueur en face ?

BB : Bien évidemment, je te mets Allen Iverson. Il a fait plusieurs albums, des mixtapes. Il y a un album dans lequel je parle de lui et de Kobe. Sur Trash Yéyé. Je suis fan d’Iverson ! C’est mon gars Allen. C’est magique, il est tout petit. Tu te demandes comment il fait son chemin au milieu de ces monstres. Et puis sa vie… Pour moi, c’est un héros.

TT : Si je te dis chef d’orchestre ?

BB : Bah, Steve. Steve Nash.

TT : Poète…

BB : Je dirais Jordan parce qu’il vole.

TT : Cinématographique ?

BB : Le Shaq.

TT : Et pour finir. L’artiste.

BB : Magic. Les no-look pass, le Showtime… Mais j’aurais pu te dire Petrovic aussi. Je trouve qu’on a perdu un immense joueur quand il s’est planté en voiture. […] Quelle machine de guerre lui !

TT : Merci Benjamin en tout cas !

BB : Kukoc aussi. De toute façon, j’adore les Yougo, ils sont tellement bons… Oh de rien, un plaisir de parler basket !

Comme vous pouvez le sentir, cette discussion aurait pu durer des heures… Malheureusement, il faut bien couper le micro à un moment donné. Même s’il est clair que si nous avions eu la journée ou la nuit pour parler basket avec Benjamin Biolay, nous n’aurions pas vu le temps passer.