La persévérance de Reggie Bullock : une caractéristique valable aussi bien sur qu’en dehors des parquets

Le 02 sept. 2019 à 08:20 par Clément Hénot

Reggie Bullock
Source image : YouTube

Si Reggie Bullock est aujourd’hui un joueur reconnu en NBA pour son travail et sa capacité à rendre bien des services en NBA, il le doit à un travail de sape qu’il n’a jamais arrêté depuis son entrée dans la ligue. Une persévérance et une continuité dans l’effort qu’il met toujours sur le parquet mais également en dehors. Explication.

Lors de son année rookie chez les Clippers, personne ne pensait voir Reggie Bullock avoir une place ancrée en NBA, et encore moins avec un temps de jeu conséquent et avec un vrai rôle à jouer. Le frère de Sandra est certes passé par les Tar Heels de North Carolina, mais n’y a pas signé des stats ronflantes lors de ses trois ans sur le campus universitaire. Il signait par exemple 13,9 points et 6,5 rebonds de moyenne, ce qui ne sont pas des chiffres gigantesques, aussi honorables soient-ils. Suite à ce cursus universitaire, Bullock est choisi en 25ème position par les Clippers en 2013. Sauf qu’à cette époque, les Voiliers sont estampillés “Lob City” avec Chris Paul à la baguette pour envoyer sur orbite les deux marsupiaux que furent (et sont toujours) Blake Griffin et DeAndre Jordan. Mais au delà de ces individualités, l’effectif est bien fourni et chaque poste est doublé voire triplé et des joueurs d’expérience comme  Matt Barnes, Antawn Jamison et Jamal Crawford sont là pour apporter de l’expérience à un groupe malgré tout très jeune. Parmi ces vieux briscards, Bullock ronge son frein sur le banc en ne prenant part qu’à 68 matches lors de ses deux premières saisons chez les Clippers.

Reggie Bullock est finalement envoyé chez les Suns en 2014 mais comme dirait CJ en VF “Ah mince, rebelote”, il ne joue que quelques matches et enchaîne les allers-retours entre Phoenix et le Jam de Bakersfield, en ligue de développement dans laquelle il s’éclate en scorant quasiment 24 points par match. Insuffisant pour convaincre les Suns de le conserver, et quand on n’arrive pas à convaincre une franchise comme les Suns de te conserver, c’est le moment où tu peux légitimement te demander si tu dois continuer ou non le basket. Il est transféré à Detroit pendant l’été 2015, mais vous connaissez ce bon vieux dicton “jamais deux sans trois” n’est-ce pas ? Eh bien celui-ci va se matérialiser de nouveau dans le Michigan : Bullock retourne en ligue de développement, cette fois avec les Grand Rapids Drive, où il fait également péter les stats avec 29 points de moyenne, mais il n’a pas beaucoup l’occasion de se montrer à Detroit, ne jouant là aussi que 68 matches pour ses deux premières saisons à Motor City.

La saison 2017 ne commence guère mieux : Reggie Bullock est contrôlé positif à la marijuana pour la troisième fois de sa carrière, et cela équivaut donc à une suspension de cinq matches. Malgré tout, l’énergumène va se métamorphoser : plus déterminé que jamais, Bullock revient avec le couteau entre les dents pour montrer qu’il vaut plus qu’une poignée de minutes de temps à autres. Armé de cette rage, il parvient à faire son trou en étant enfin débarrassé des petits bobos qu’il peut avoir de temps à autres (il s’était flingué le genou à North Carolina puis en 2016 à Detroit et a également eu quelques soucis à la hanche). Il s’impose comme titulaire chez les champions NBA 2004 en démarrant 52 des 62 matches auxquels il prend part en 2017-2018 et signe 11,3 points à plus de 44% du garage. Le gamin qui n’en est plus vraiment un semble enfin avoir trouvé son rôle, moyennant une certaine période d’adaptation nécessaire au monde professionnel, mais cette fois la bête est lancée. Connaissant enfin son rôle, il décide de se concentrer sur ce qu’il sait faire, et malgré la saison décevante des Pistons qui finissent à la neuvième place avec 43 défaites pour 39 victoires, le joueur fait l’unanimité sur le terrain après ses soucis physiques et avec les drogues.

Bullock a le profil d’un 3 and D et dans cette configuration, peu de meilleurs exemples qu’Avery Bradley existent pour apprendre le métier, et ça tombe bien : il s’en est beaucoup inspiré lors de leur collaboration et les deux zouaves ont régulièrement donné leur corps à la science sur le parquet afin que les Pistons retrouvent leur identité défensive et soient de nouveau craints lorsqu’il s’agit d’attaquer contre eux. Reggie Bullock a été “au bon endroit au bon moment” selon ses propres mots, mais il a également dû s’employer pour garder sa place dans la ligue, et s’il a quitté les Pistons aujourd’hui, il a également rendu de fiers services aux Lakers en 2019 pendant 19 matches, et il espère pouvoir le faire avec les Knicks désormais, chez qui il a signé. Mais il devra d’abord patienter de longs mois après avoir été opéré d’une hernie discale qui l’a privé de 60% de son salaire : initialement, son contrat était de 21 millions sur 2 ans, mais au vu des antécédents médicaux et de cette annonce, il a signé pour la même durée mais pour 13 millions de moins. On connaît désormais la détermination de Reggie et on se doute qu’il va tout faire pour revenir, car s’il est aussi persévérant et bosseur, c’est également à cause d’un certain événement…

En effet, en 2014, Reggie Bullock a eu l’immense douleur de perdre sa sœur transgenre Mia Henderson, âgée de 26 ans au moments des faits. Née Kevin Long en 1987, la jeune femme a été poignardée sauvagement dans un quartier sombre de Baltimore où règnent drogues et prostitution. S’il a logiquement pu être effondré par une telle nouvelle, le joueur a fait en sorte de sortir plus fort de cet événement tragique afin de rendre fier sa défunte sœur. Plus encore, il honore quotidiennement sa mémoire en se battant corps et âme pour la communauté LGBT. Au début, Bullock ne semblait pas totalement comprendre ce choix, refusant même que sa sœur assiste à ses matches de basket et y faisant référence au genre masculin, jusqu’à se tromper sur son tatouage (depuis rectifié) qui honore sa mémoire sur le mollet. Mais aujourd’hui, comme sur le parquet, l’ancien Piston a mûri et s’engage totalement pour cette minorité en prônant la tolérance, tout en gardant en mémoire ce précieux conseil que lui avait donné Mia à l’époque, à qui il faisait toujours référence en utilisant le genre masculin.

“Il m’a toujours dit de rester moi-même et de prendre soin de ma famille. Il était heureux de ce qu’il était et n’était pas inquiet du regard des autres à son égard. Pour moi, une personne qui sait s’isoler des autres sans se préoccuper de leur jugement est une personne très forte.”

“Je ne me permettrai jamais de juger quelqu’un juste parce qu’il a un mode de vie différent du mien.”

Aujourd’hui, le joueur est très engagé, ayant participé à la Pride à New York en 2018 en compagnie de Michael Beasley et John Henson entre autres, mais aussi Treyson son fils de 5 ans. Il souhaite voir les consciences évoluer et prend clairement position pour cette minorité, conscient que sa voix porte. Il souhaite par exemple qu’une équipe NBA joue un jour dans un maillot arc-en-ciel, symbole des LGBT.

Reggie Bullock puise donc une véritable force au fond de lui-même sur le parquet, qui constitue également un hommage à sa défunte sœur. Alors que ce tragique événement aurait pu le faire sombrer pour de bon, il s’est accroché, a persévéré, a transpiré à grosses gouttes pour devenir le joueur qu’il est aujourd’hui. S’il n’est pas une superstar, ni même un All-Star, nul doute que Mia doit être fière de son œuvre, sur et en dehors des parquets.


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