Le jour où Kevin Willis et Charles Barkley ont joué leur 1000ème match, ensemble et sous le même jersey : destins croisés
Le 10 mars 2019 à 08:53 par Alexandre Martin
Ils ont presque le même âge, ils sont de la même Draft mais ils ont eu des carrières et des aventures bien différentes en NBA. Pour autant, pendant deux saisons, Charles Barkley et Kevin Willis ont évolué sous le même jersey – celui des Rockets. Ils se sont ainsi retrouvés à jouer leur 1000ème match sur les parquets de la grande ligue, ensemble et avec les mêmes couleurs sur les épaules. Voilà qui n’est pas banal et qui mérite que l’on s’intéresse de plus près aux destins croisés de ces deux personnages que beaucoup d’éléments rapprochent, ou opposent.
Le 19 juin 1984, l’incontournable cérémonie de la Draft NBA se tenait à New York. Ce soir-là, 228 joueurs répartis sur dix rounds ont été choisis, dont seulement 56 fouleront véritablement les planches moelleuses de notre bien-aimée Association. Parmi eux, Charles Barkley en cinquième position derrière le quatuor composé d’Hakeem Olajuwon, Sam Bowie, Michael Jordan et Sam Perkins. Et en onzième place, c’est l’ami Willis qui fut sélectionné par les Hawks. Nous avons donc deux spécimens suffisamment bien reconnus et estimés par les scouts NBA pour finir dans le top de l’une des meilleures cuvée de Draft de l’histoire. Inutile de vous présenter Charles Barkley… Il détruisait déjà tout ce qui se trouvait sur son passage dans l’Alabama – que ce soit au lycée à Leeds ou à l’université d’Auburn – avant de débarquer chez les pros du côté de Philadelphie. Avec des mentors comme Julius Erving, Mo’ Cheeks et surtout Moses Malone, Barkley le déraisonnable mangeur de pizzas va vite devenir The Round Mound of Rebound, The Chuckster ou tout simplement Sir Charles. Un ailier-fort pas très grand pour son poste (1m98 selon les organisateurs, 1m94 selon la police) mais trèèèèèèèèès costaud, très rapide, très teigneux et très doué offensivement. Un monstre qui, en seize saisons, va en finir quinze d’affilée en double-double points/rebonds de moyenne, un record qui tient toujours au moment où ces lignes s’écrivent ou qui va devenir le plus petit joueur à avoir été meilleur rebondeur de la ligue sur une saison avec 14,6 prises par soir sur l’exercice 1986-87.
Des rebonds, Kevin Willis en a capté quelques brouettes également. 11901 exactement ce qui le place, à ce jour, parmi les 25 rebondeurs les plus boulimiques de tous les temps (Barkley est 19ème). Il faut dire que Willis le Californien s’est vite adapté à la NBA après avoir fait son lycée et son cursus universitaire dans le Michigan. Il est resté discret lors de sa saison rookie lors de laquelle il majoritairement été utilisé en sortie de banc du côté d’Atlanta. Mais dès sa saison de sophomore, ce bon Kevin deviendra titulaire au poste d’ailier-fort. Celui que l’on surnomme aussi bien Devo que Fresh ou T-Rex va dès lors opposer ses 213 centimètres munis de 110 kilos de muscles ainsi que sa technique sans fioriture aux intérieurs adverses. Et les dirigeants des Hawks ne vont pas avoir à s’en plaindre. Sur la saison 1986-87, pendant que Barkley envoie du record, Willis pose tout de même 16 points et plus de 10 rebonds de moyenne. Sérieux. Il sera tenu éloigné des terrains sur tout l’exercice 1988-89 à cause d’une blessure au genou mais il en faut plus pour l’arrêter et dès son retour, il retrouve sa place dans la rotation. Il monte en puissance et réalisera sa meilleure saison en 1991-92 avec 18,3 points et 15,5 rebonds par soir qui lui ouvriront les portes du All-Star Game pour seule fois de sa carrière. Willis a lors 29 ans et va enchaîner par trois très gros exercices de 1992 à 1995 (toujours entre 17 et 19 unités par match avec une bonne douzaine de rebonds). Pourtant, en quête de meilleurs résultats, les Hawks vont l’échanger et l’envoyer à Miami. Car Willis est un combattant, un énorme bosseur capable de scorer depuis le poste bas ou dans un périmètre raisonnable à mi-distance mais, dans une escouade qui veut aller loin en Playoffs, il ne peut prétendre être la première option.
Dans le même temps, Charles Barkley montre lui qu’il peut porter une équipe jusqu’au titre ou pas loin en tout cas. Après avoir fait d’énormes dégâts avec les Sixers sans réussir à sortir de l’Est en Playoffs mais en obligeant la ligue à changer les règles (Barkley’s rule), Baby TGV sera MVP avec les Suns en 1993 et mènera les Cactus jusqu’en Finales. Sans succès. Il insistera pendant trois autres années dans l’Arizona, entouré de gars solides comme Kevin Johnson, Dan Majerle, Cedric Ceballos ou encore A.C. Green pour ne citer qu’eux. Sauf que plus jamais les Suns ne gagneront l’Ouest. Et quand, à l’été 1996, les Rockets proposeront un package autour de Sam Cassell et Robert Horry pour récupérer Sir Charles, Phoenix acceptera. C’est là que les destins de Charles Barkley et Kevin Willis vont se recroiser. Car, le jour même où le trade de Barkley vers Houston a été validé, devinez qui signait avec les Rockets en tant qu’agent-libre… C’était le 19 août 1996 et les deux hommes vont donc partager la rotation intérieure avec un certain Hakeem Olajuwon pendant deux saisons à partir de là. Charles Barkley et Kevin Willis vont même jouer pas mal de matchs en tant que titulaires ensemble lors de l’exercice 1997-98 dont Hakeem The Dream ne jouera que 47 rencontres. Et c’est ainsi que nous en arrivons au 10 mars 1998. Ce soir-là, les Rockets reçoivent les Mavericks dans un derby texan dont ils sont largement favoris et qu’ils gagneront. Barkley va démarrer sur le banc mais sera le joueur le plus utilisé côté Fusées (36 minutes). Il plantera 14 points et gobera 17 rebonds pour son 1000ème match pendant que, pour son 1000ème match également, son coéquipier Kevin Willis enverra 20 unités et 12 rebonds en 30 minutes. 1000ème match ensemble, sous le même jersey et chacun son double-double points/rebonds, à 35 ans !
Si Charles Barkley ne durera pas tellement longtemps après 1998, Kevin Willis continuera à jouer jusqu’à ses 44 ans puisqu’il ne prendra sa retraite officielle (sa deuxième) qu’en 2007, après 1424 matchs de saison régulière. Le Chuckster sera plus tard intronisé au Hall of Fame ce qui ne sera pas le cas de Willis mais grâce à sa longévité, ce dernier a quelque chose dont Barkley rêve : une bague de champion, acquise depuis le bout du banc des Spurs en 2003.
Barkley, le gars des petites villes du Sud des États-Unis et Willis, le citadin passé de la Californie au Michigan avant la NBA. Charles, l’OVNI à la discipline parfois incertaine et Kevin, l’intérieur classique et ultra sérieux… Deux histoires que rien ne semblait pouvoir relier après un point de départ commun en 1984 mais qui se sont pourtant recroisées 12 ans plus tard, pile au 1000ème épisode.
22 novembre 1991. Charles Barkley (Sixers) : 35 points et 14 rebonds.
Kevin Willis (Hawks) : 27 points et 23 rebonds.