Un week-end à Boston – Story #2 : Cravache, Kyrie

Le 07 mars 2019 à 09:07 par Bastien Fontanieu

kyrie irving
Source image : NBA League Pass

Quatre défaites de suite la semaine dernière et la planète basket s’inquiète pour Boston. Kyrie Irving, lui, a toujours le regard imperturbablement bovin de celui qui attend les Playoffs, en croyant toujours que la terre est plate. Infiltré au TD Garden à l’occasion de la réception des Wizards, TrashTalk a essayé d’en savoir plus sur le réel potentiel des Celtics : en se posant juste derrière son banc.

– Par Brieux Férot, à Boston –

Les rues sont recouvertes de neige, et les tee-shirts en vente – si si – à la sortie du métro annoncent la couleur. Lebron is a douche. Un modèle qui, selon le vendeur, “marche encore mieux depuis qu’il est arrivé aux Lakers”. Les maillots de son ancien coéquipier, Kyrie Irving, eux, sont sur toutes les épaules des ballers du Massachusetts. Et dans les travées toujours bruyantes et criardes du TD Garden. Dans une atmosphère de kermesse, un seul joueur ne sourit pas. A la sortie du vestiaire, Kyrie Irving arrive le dernier, le regard ailleurs. Il se prépare très sereinement à éviter une cinquième défaite de suite. “Si je suis inquiet des récentes difficultés ? Non, pourquoi ? (…) Il s’agit d’un passage durant la saison régulière…” Irving est confiant. A Boston, il renvoie encore plus l’image d’un joueur esseulé et qui ne montre aucune émotion. Esseulé, il semble l’être. Il s’isole dès qu’il faut rentrer sur le terrain, en début de match ou après chaque temps-mort, c’est un fait. Ce soir-là, il marque aussi le premier panier du match tout seul. Idem lorsqu’il drive puis lâche l’assist parfaite pour Tatum.

2 minutes de jeu et déjà +6. Sauf que si Kyrie aime avoir la main sur le match, il n’a pas du tout prévu de faire dépendre l’équipe de sa personne. Et c’est bien là tout son talent. Lui, l’Australien de naissance, ménage ses efforts à la cool. Il avance en décidant du rythme, scanne vite et bien, évalue les forces en présence de ses adversaires du soir avant de se mettre en branle. D’abord, il essaie de mettre sous contrôle son adversaire direct, le studieux tchèque Satoransky. Irving le suit à la trace dans le premier quart-temps et se démultiplie : rebond offensif, défensif, balle grattée, contre-attaque. Et balle perdue, aussi : selon Irving, Marcus Smart n’était pas assez rentré ligne de fond. Il lui fait savoir. Petit geste. Moue dubitative. Du Irving tout craché : impossible pour le néophyte de savoir à l’œil nu que le type est le leader de son équipe.

Le jeu reprend. Hayward gère la mène, se recoiffe en pleine phase de jeu et donne la balle à Irving. Qui lâche une passe Jason Williams style avec rebond pour un dunk de Horford. Irving cherchera souvent Horford dans ce premier quart-temps, du regard aussi, sans même toucher beaucoup de ballons, ni prendre beaucoup de shoots. Pendant quelques minutes, il se fait oublier, sur l’aile ou caché derrière un adversaire. C’est le moment qu’il choisit pour mettre Tatum sous pression, lui demandant de couper, de dédoubler, de jouer entre les lignes. Le doigt pointé vers un intervalle potentiel, il y a un peu de Thiago Motta chez Irving : à hauteur de parquet, il est visuellement évident que le rythme du match est fixé par lui sans même avoir besoin de mettre la main sur le ballon. La balle lui revient finalement. Il fixe et joue ligne de fond, pour Theis qui vient de rentrer. Et qui, sous la direction d’Irving, enchaînera une série de trois paniers. 25-12, avant de boucler le premier quart-temps à +10 (30- 20). Irving sort, s’assoit sur le banc et ne parlera plus du tout à ses coéquipiers avant la pause.

En milieu de deuxième quart-temps, il finira par remplacer Hayward. Assist, direct. Puis temps mort, durant lequel il erre seul au milieu des cheerleaders avant une brève discussion avec Beal. Le joueur des Wizards l’intéresse. C’est que Beal se régale – 29 points, 11 rebonds, 6 passes au final -, et façon Jim Jackson old school, donc sans forcer. Irving, lui, rate des shoots, un lay-up aussi. Un 3-points dans un fauteuil le remet d’aplomb. Avant la mi-temps, il veut reprendre la main. Il coupe dans la raquette, revient, s’excuse auprès de Tatum, puis marque. Il assure et rassure. 49-45 à la pause, avec la sensation que le match peut durer des heures et qu’Irving fera très précisément toujours ce qu’il faut pour rattraper le coup en toute discrétion.

L’équipe des Celtics ne vit pas mal, elle le fait juste à l’image de son leader : avec flegme.

Au troisième quart-temps, Beal va continuer son one man show mais Irving va, lui, tenter pas mal de trucs. Qu’il va rater : passe lobée pour Morris, travail à la mène sans résultat, rebond qui lui échappe, et Beal qui met le turbo. Le banc des Celtics se marre, car il connaît son agence tous risques. Irving en slalom, Irving pour Horford, ou encore Irving qui remet un coup de pression à Tatum. L’ailier de Duke sera même rappelé à l’ordre, avec le sourire, par Marcus Smart pour qu’il vienne écouter Brad Stevens lors d’un temps mort alors qu’il s’était isolé sous sa capuche au bout du banc. L’équipe des Celtics ne vit pas mal, elle le fait juste à l’image de son leader : avec flegme. Aucun joueur ne sent le besoin d’en rajouter. Et sur son vélo d’échauffement caché dans un coin, Al Horford est dans le même mood. Avec 13 points et 12 passes, Kyrie Irving filera sur le banc sans sourciller : -3 pour son équipe dans le troisième quart-temps mais +10 dans le dernier. Entre temps, il aura dû une nouvelle fois bouger Tatum – qui s’est alors très vite fendu d’un fade away – avant de reprendre Theis. Les Wizards passeront certes devant, mais Theis se fera aussi sec chambrer par Smart le cul sur sa chaise : l’énergie et le dunk à deux mains de l’Allemand réveilleront le Garden.

Irving, lui, est parti s’asseoir par terre, au bout du banc. Beal continue de marquer, sans provoquer la moindre admiration sur le banc des Celtics. Brown en fade away, puis Hayward en contre-attaque, tiennent la boutique. C’est le moment choisi par la franchise pour afficher le Noise Meter sur le grand écran. Le bruit est alors aussi dingue qu’à Oakland en Playoffs, et en une seule minute, les Celtics plient le match, 97-88. Si Irving concédera sa cinquième faute sur rebond offensif, c’est lui qui, par ses crossovers et un cassage de rein avant un 3-points de Marcus Smart, offrira les seuls moments de grâce balle en main, distillés avec parcimonie.

107-96 au final et un jeu en équipe, avec sept joueurs à plus de dix points. La fin de saison sera sans douleur, plutôt l’occasion d’observer et de se tester. L’heure aussi de se rappeler la fin de l’analyse d’avant-match d’Irving, qui avait ponctué sa mise au point: “Je ne vois personne nous battre en sept matchs…” Plutôt lucide et sans détracteurs au sein de son équipe…


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