Tanking or not tanking : les Hawks ont fait leur choix, pour apprendre à gagner il faut… gagner

Le 16 févr. 2019 à 07:16 par Theophile Vincent

hawks john collins kevin huerter
source image : NBA League Pass

La saison 2018-19 bat son plein et tous les phares sont braqués sur les écuries qui squattent les hauteurs des classements ou celles qui s’accrochent pour continuer l’aventure après la mi-avril. Et si on faisait une petite entorse et qu’on parlait cette fois d’une franchise qui creuse tranquillement son trou dans son coin : les Hawks d’Atlanta. Traînant dans le fond de la Conférence Est, comme à son habitude, la franchise basée en Géorgie surprend cette saison par le jeu qu’elle propose et intrigue par la stratégie entreprise sur le long terme.

A l’aube du 16 octobre 2018, on promettait une bataille enragée digne de Fury entre Chicago, New York, Atlanta et Cleveland qui s’est très rapidement joint à la danse. Sauf que quatre mois plus tard, les Hawks semblent hors-course pour les Playoffs comme pour la course à Zion au first pick de la prochaine Draft, avec neuf matchs d’avance sur des Knicks auteurs d’une saison digne d’un Panzerkampfwagen Tiger (répétez le cinq fois à toute vitesse). On ira pas jusqu’à dire que la saison des hommes de Lloyd Pierce est une grande réussite, mais elle est porteuse d’espoirs en y regardant de plus près. La première chose qui frappe aux yeux quand on s’installe devant cette équipe, c’est la jeunesse et l’inexpérience qui la composent avec Trae Young, Kevin Huerter, Taurean Prince, John Collins ou encore Omari Spellman. La franchise compte sur ses jeunes pour se reconstruire et va jusqu’au bout de la réflexion en installant à la tête de ces petiots Lloyd Pierce, coach inexpérimenté passé par Philly, Memphis ou encore Golden State, mais seulement en tant qu’adjoint.

“Il faut redonner confiance à la jeunesse.”

Elle n’est pas de nous mais de notre raïs à nous : Valérie Pécresse. Force est de constater qu’à Atlanta, on s’efforce d’appliquer cette citation à la lettre puisqu’on fait jouer sans compter les jeunes faucons et qu’on installe sur le banc les vieux briscards comme Jeremy Lin et Vince Carter, à tel point que le premier nommé a même été coupé. Vous l’aurez compris, le but de cette saison pour les Hawks est d’emmagasiner de la confiance, de l’expérience mais surtout une culture de la gagne, car c’est en gagnant que l’on apprend… à gagner. Certaines franchises font depuis toujours le choix d’enchaîner les défaites comme des perles, Atlanta a fait le choix de jouer la gagne tous les soirs parce que c’est bien beau le tanking mais ce n’est pas la garantie de revenir tout de suite dans les hauteurs. Demandez donc aux Knicks qui tankent chaque saison depuis la création de l’écriture.

Tant pis pour le premier choix de la Draft 2019 donc, on lance les faucons dans l’arène pour aiguiser les serres le plus tôt possible et la première chose qui ressort de cette stratégie, c’est le potentiel de l’effectif avec en tête de pont le trio Young-Huerter-Collins. Le premier, comparé assez injustement à Steph Curry, dispose déjà d’une belle mécanique de tir, mais surtout d’un sens de la passe et d’une vision de jeu de grande qualité pour son âge. Le deuxième, comparé parfois à Klay Thompson, est un véritable sniper depuis ses années universitaires, shootant pour sa première année en pro à 39,3% du parking. Le troisième est pour le coup l’exact opposé de Draymond Green, un peu faiblard parfois en défense mais doté d’une panoplie offensive qui fait baver soir après soir. Rapide, explosif, propre, adroit de loin, de près, à mi-distance, insupportable sur pick & roll, John Collins est déjà en train de se faire un nom, un an après son arrivée dans la cour des grands. Vous avez donc ici un Big 3 de bébés englués dans le fond de la Conférence Est, mais qui prouve soir après soir que son potentiel a un sacré plafond, se permettant même de bouger de grosses équipes cette année. N’est-ce pas Bronbron, n’est-ce pas Westbrook ?

Roulez jeunesse ! L’homme qui se cache derrière cette politique “anti-tanking” s’appelle Travis Schlenk, General Manager de la franchise depuis 2017 et ancien dénicheur de talents chez… Golden State. Oui, c’est bien lui qui a notamment contribué aux venues de Curry, Thompson et surtout Green dans la baie d’Oakland. Quelques années plus tard, les Warriors étaient portés par leur Big 3 jusqu’aux Finales NBA, mais aussi jusqu’au record de victoires en saison régulière. Car ce qui revient souvent quand on parle de la réussite de Golden State, c’est la patience et la construction autour de leurs picks de Draft qui leur ont permis de rendre la franchise attractive à nouveau, d’instaurer une dynastie en NBA et de faire jaser dans les chaumières soir après soir. Mister Schlenk prendrait-il donc exemple sur son mentor, lui qui affirme sans sourciller que les Warriors se sont construits par la Draft :

“Evidemment, la Draft donne la meilleure opportunité d’obtenir un talent qui peut changer la franchise. Mais cela implique une certaine chance. Il faut que ce talent soit dans la Draft lorsque vous avez un pick. A Golden State, on a clairement construit les fondations de cette équipe à travers la Draft.”

Après treize années passées au sein de l’organisation désormais double-tenante du titre, Travis Schlenk a été façonné notamment par Bob Myers et serait bien inspiré de tenter un copié-collé de la méthode de son ancien collègue, en donnant les clefs du camion à ses jeunes draftés, en libérant du salary cap saison après saison et en continuant à envoyer ses scouts pour dénicher les meilleurs prospects. A peine débarqué en Géorgie, Travis s’est retroussé les manches et a entamé un grand ménage de printemps en se débarrassant de joueurs confirmés tels que Dwight Howard, Paul Millsap ou encore Tim Hardaway Jr.

“C’était comme si le groupe des Hawks qui était là, leurs meilleurs jours étaient derrière eux. Il y avait une sorte de lente dégringolade chaque année. La question qui doit être posée est : “Est-ce qu’on cherche et on tente d’ajouter une pièce au groupe pour relancer la machine ? Ou est-ce qu’on appuie sur le bouton redémarrer ?'”

Inutile de tenter quelques bricolages, de récupérer quelques joueurs pour stopper l’hémorragie, Travis est du genre à tout péter pour tout reconstruire et il dispose d’un soutien de poids, son ancien collègue et maintenant ami proche, Bob Myers. Ce dernier croit en son ancien associé :

“Il a pris ses fonctions avec la bonne attitude et a bien sûr effectué quelques mouvements immédiatement. Cela ne m’a pas surpris. Un de ses traits de caractère que j’admire, c’est sa fermeté ainsi que sa conviction. Je pense qu’il a un plan et qu’il est en train de l’exécuter. Je n’ai aucun doute sur sa faculté à bien faire les choses et à prendre la bonne direction.”

Le plan d’Atlanta est donc un plan sur le long-terme entièrement fondé sur ses jeunes. Le ménage a été fait l’an dernier, la Draft 2017 et 2018 ont permis de récupérer des talents qui ont de quoi bousculer la hiérarchie d’ici quelques saisons. Bon, à l’heure actuelle quand on parle de la Draft 2018, on a plutôt tendance à se foutre de la gueule des Hawks qui ont pris la décision d’échanger Luka Doncic contre Trae Young et quand on voit (ou admire) la saison du rookie Slovène, on se dit qu’on a assisté au raté du siècle. Mais c’est à relativiser néanmoins. Parce que l’ancien d’Oklahoma, même irrégulier au shoot, est un excellent meneur de jeu qui est déjà en train de prendre de la bouteille. Et parce qu’était inclus dans le deal le premier tour de Draft 2019 des Dallas Mavericks, protégé 1-5. Pas fou le Schlenk. Le choix sera-t-il payant sur le long terme ? Peut-être. Peut-être pas. Mais à l’heure actuelle, la franchise d’Atlanta est entre de bonnes mains et refuse d’entretenir une culture de la défaite. On apprend à gagner en gagnant, point barre. C’est donc all-in sur la jeunesse. Et le mieux dans tout ça ? C’est que ça porte déjà ses fruits. Car même dans le bas du classement, les Hawks jouent avec de l’envie, emmenés par un duo Young-Collins qui risque de devenir rapidement irrésistible. Au point d’attirer, peut-être, une star d’ici peu.

Si le GM d’Atlanta est aussi doué que Bob Myers, les Hawks vont réaliser le three-peat dans moins d’une décennie. On s’enflamme un peu mais on a envie de redonner le sourire aux fans qui ont tant souffert ces dernières saisons, on aimerait leur promettre des jours meilleurs. En attendant, ils peuvent se consoler en regardant leurs petits faucons pratiquer un basket franchement pas désagréable, avec une vraie envie de gagner chaque soir. Parce que, comme dirait Travis Schlenk : “le boulot d’un coach, c’est de gagner les matchs“. Moralité : fuck le tanking. 

Sources : ESPN, The Mercury News