Le dysfonctionnement des Cavs – Partie 2 : Collin Sexton, chouchou du boss mais bouc émissaire des vétérans

Le 05 nov. 2018 à 11:17 par Bastien Fontanieu

Source: Youtube

Suite à un dossier-bombe sorti par Joe Vardon sur The Athletice weekend, il fallait bien qu’on se penche sur les Cavs et qu’on décortique les infos envoyées au lance-flammes par le reporter américain. Entre clash internes, dysfonctionnement profond et avenir flou, voici la deuxième partie de ce zoom dédié à la “franchise” de Cleveland.

 – PARTIE 1 –

Parce qu’une franchise en parfait bordel est une franchise qui flingue aussi bien son présent que son avenir, penchons-nous maintenant sur le dernier rookie sélectionné par les Cavs lors de la Draft 2018. Mesdames et messieurs, voici Collin Sexton. Sorte de pitbull des parquets, qui est issu d’une relation très intime entre Patrick Beverley et Lou Williams, l’ami Sexton est une mobylette qui a fait le bonheur d’Alabama en NCAA l’an dernier, et qui était annoncée dans les 10 premiers choix de la Draft 2018. Pour rappel, si certains ont la mémoire un peu courte, les Cavs étaient propriétaires du pick des Nets via le trade de Kyrie Irving à Boston, ce qui offrait plusieurs possibilités au management de Cleveland. Enfin, une seule possibilité, mais cachée sous plusieurs angles. Renforcer l’effectif autour de LeBron en transférant le précieux pick de Draft en question, ou bien l’utiliser avec intelligence pour construire un bel avenir suite au départ du King. Pas con, le GM Koby Altman sentait la carotte venir et c’est donc sans trembler qu’il conservait son bijou en prévision de la Draft 2018. Une décision qui lui donnera raison, au passage, puisque LeBron fait aujourd’hui le bonheur des Lakers. Nous sommes donc le 21 juin 2018, c’est le grand soir pour de nombreux joueurs souhaitant réaliser leurs rêves en NBA, et c’est au tour de Cleveland de choisir son joueur. En 8ème place, et avec un réel besoin de création balle en main, les Cavs décident de sélectionner Collin Sexton. Le soir-même, pas de quoi en faire une caisse, l’avenir semble prometteur pour cet énorme compétiteur qui doit prendre la relève avec le numéro de Kyrie Irving et aura suffisamment de temps pour faire ses preuves. Nous sommes à l’ouverture de l’été, la Summer League se déroule sans la moindre anxiété, la première saison régulière de Sexton approche avec excitation dans les rues de Cleveland. Problème ? En un petit mois de compétition, les débuts de Collin en NBA ont été assez catastrophiques, et la situation des Cavs d’une manière globale n’a rien arrangé : voici un petit aperçu de l’ambiance en coulisses, entre jalousie et désintérêt total.

Il est devenu de plus en plus évident qu’à chaque fois qu’un vétéran des Cavs parlait de jeunes joueurs ne connaissant par leur rôle, ou ne sachant pas comment gagner en NBA, il parlait de Sexton. D’une manière générale au sein de la franchise, la pensée autour de Sexton est qu’il “ne sait pas jouer”. Il ne sait pas défendre sur pick and roll. Il ne sait pas comment mettre en place ses coéquipiers en tant que meneur. Il joue 25 minutes par soir, en tournant à 11,1 points, 2,2 passes et 2,1 balles perdues par soir, en tirant à 22% de réussite à distance.

A un moment donné lors du dernier match joué ce samedi, le meneur titulaire et vétéran qu’est George Hill a dit à Sexton qu’il lui apprendrait à défendre. Le problème, c’est que peu de monde pense dans le vestiaire que Sexton l’écoutera. Vous souvenez-vous de ce papier dans lequel il était affirmé que les Cavs adoraient Sexton ? Et bien c’était vrai, mais à l’époque. Et ils ne pensent pas qu’il s’agit d’un mauvais gars aujourd’hui. Ils savent qu’il n’a que 19 ans et qu’il n’a joué qu’un an au niveau universitaire. Ils pensent toujours que c’est un garçon sympa. Mais ils voient ses défauts sur le terrain, ils savent qu’il va avoir du temps de jeu, et ils sont découragés quand ils voient qu’après chaque défaite, Sexton ne semble pas préoccupé par leur présence.

Il faut aussi souligner le fait que Sexton n’a jamais connu de dysfonctionnement comme celui par lequel les Cavs sont en train de passer en ce moment. Comme on le sait tous, lorsqu’il y a un souci dans le vestiaire des Cavs, tout peut s’embraser en l’espace de quelques minutes. Et Sexton n’a jamais connu de telles défaites. Son coach, Tyronn Lue, que sa famille connaissait bien avant même qu’il ne joue en université, a été viré au bout de 6 matchs.

Welcome to the jungle. Difficile de savoir par où commencer, quand on voit le merdier dans lequel se situe le rookie. Il y a ce qu’il souhaite faire, ce qui lui est demandé de faire, et l’image qu’il véhicule. Autant d’éléments à prendre en compte, pendant que vous êtes au-dessus d’un volcan en éruption, à 19 ans. Car là est bien la base, celle par laquelle on doit peut-être démarrer : Collin Sexton n’a que  19 ans. Il est donc normal, au premier abord, qu’il ne sache pas comment bien jouer en NBA. Déjà que n’importe quel joueur à cet âge doit être habituellement en galère (comment ça Luka Doncic), si en plus vous lui ajoutez le jeu très risqué de Sexton et basé sur de l’instinct plutôt que de la discipline balle en main, les impressions peuvent être trompeuses. Mais l’attitude, voilà ce qui gène les vétérans des Cavs, quels qu’ils soient. On a envie de dire “quel culot“, quand on sait qu’un bon paquet d’anciens à Cleveland ne fait même pas correctement son taf, pendant que Sexton montre un minimum de motivation et d’énergie en sortie de banc. Sauf que la NBA est une institution avec des règles très précises, dont le respect des vétérans dès le premier soir. Tu apprends avec un ancien à tes côtés, et tu dois mériter ton temps de jeu tout comme tes responsabilités. Ainsi, voir Sexton obtenir autant de choses aussi tôt alors qu’il est à côté de la plaque, cela peut gêner des joueurs qui ont tout connu dans cette Ligue et ne vont pas laisser un bleu leur passer devant.

Tout cela vient, ensuite, de la situation globale des Cavs d’un point de vue décisionnaire. Dès le premier jour où vous pénétrez dans le royaume de Dan Gilbert, vous vous retrouvez dans un endroit où les choix du propriétaire passent devant ceux de tout le monde. Inutile de faire le CV ou le casier judiciaire de Gilbert depuis des lustres, lui qui a enchaîné les bourdes et n’a jamais souhaité se retrouver en-dessous des joueurs, du GM ou du coach dans la hiérarchie des personnes à féliciter pour de bons résultats. Avec un melon énorme placé sur ses épaules, le propriétaire de la franchise était et est un grand fan de Collin Sexton, on vous laisse donc imaginer ce que cela pouvait donner lors des discussions en coulisses. Alors comme ça, on veut être compétitif ? Beh t’es gentil mon Tyronn mais tu vas retourner ta petite veste et annoncer aux vétérans que la place sera donnée aux jeunes cette saison. Le jouet préféré de Dan Gilbert est son tout nouveau rookie. Si vous prenez le patron, qui met la pression sur le GM Koby Altman, vous avez un premier chaînon flingué. Ensuite, vous attendez que ce chaînon impacte le suivant, c’est-à-dire la relation entre le GM et le coach Tyronn Lue. Une fois que le coach a tout changé suite aux décisions de son supérieur, vous n’avez qu’à demander une seule improvisation pour le renvoyer. Résultat, quand Tyronn Lue, souhaitant relancer la machine, a réintégré des vétérans das sa rotation, c’est la guillotine qui lui a été offerte un beau dimanche d’automne. Et a retiré, au passage, un mentor important pour un Collin Sexton débarquant dans un bordel indescriptible.

Que Collin Sexton ne sache pas jouer selon certains, c’est une chose. On en a vu un paquet, de rookies dont la première saison était violente avant de se reprendre par la suite. Et Sexton a tout ce qu’il faut entre ses mains pour réaliser une superbe carrière en NBA. Mais entre les préférences de son proprio, les besoins de son entraîneur, l’avis des fans et les critiques de ses coéquipiers, Collin n’est pas prêt de démarrer son aventure sur la moindre plateforme de stabilité. Courage, rook, et à toi de jouer, surtout. Car du temps de jeu, il y en aura à foison cette saison, que cela plaise aux vétérans ou non.

Source : The Athletic


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