Derrick Rose, le revenant : une performance all-time pour un ancien MVP qui a accumulé les galères

Le 01 nov. 2018 à 19:50 par Nicolas Meichel

Derrick Rose 1er novembre 2018
Source image : NBA League Pass

La nuit dernière, dans le Minnesota, on a vécu un grand moment de basket. Vous savez, ce genre de moment que l’on n’oublie pas quand on est un mordu de la balle orange. Lors de la rencontre entre les Timberwolves et le Jazz, Derrick Rose a explosé les compteurs en claquant 50 points, tout en se montrant décisif en fin de match. Une performance tout simplement énorme lorsqu’on connaît l’histoire du gamin de Chicago.

En l’espace d’une soirée, on avait l’impression d’être de retour en 2011, quand Derrick Rose était au sommet de la planète basket. Ça semble si loin, mais si proche en même temps. Cette année-là, alors qu’il évoluait sous le maillot mythique des Chicago Bulls avec son fameux numéro 1 dans le dos, le meneur sorti tout droit d’Englewood avait enchaîné les performances de malade pour devenir à 22 ans le plus jeune MVP de l’histoire de la NBA. A l’époque, D-Rose était considéré comme le présent et le futur de la Ligue. Tellement talentueux, tellement athlétique, tellement spectaculaire, tellement humble. Il avait tout et semblait destiné à devenir une légende du jeu avec la franchise de sa ville natale. Sa cote de popularité était au top, il était la tête de gondole d’Adidas et les Taureaux venaient de lui offrir un contrat stratosphérique de 94,8 millions de dollars sur cinq saisons. Bref, la totale. Malheureusement, sept ans plus tard, ce titre de MVP représente le sommet d’une carrière qui a clairement déraillé, et non une étape vers l’immortalité. Durant ce laps de temps, Derrick a accumulé les galères, jusqu’à devenir un simple remplaçant dans une équipe de Minnesota caractérisée par des problèmes internes. Vous comprenez donc pourquoi Rose a craqué à la fin de sa formidable prestation face à Utah. Derrière ces larmes, qui ne sont que l’expression physique découlant des émotions, il y a à la fois tous ces moments de souffrance et de frustration engrangés au cours de ces années de merde, mais aussi le soulagement d’un mec qui n’a jamais lâché.

Quand on a été témoin du grand D-Rose, on ressent toujours un pincement au cœur à chaque fois que l’on voit Derrick activer le mode vintage. Mais la nuit dernière, c’était encore plus fort. En le voyant marquer 50 points, soit un record en carrière, face à une équipe aussi forte que celle du Jazz, on a senti nos propres larmes monter, comme si on était dans la peau de ce joueur qui nous a fait rêver avant de connaître une chute vertigineuse. On se souvient tous de ce 28 avril 2012, jour tragique où Rose s’est pété le genou pour la première fois dans le Game 1 du premier tour des Playoffs entre les Bulls et les 76ers. On se souvient tous de cette action où il pénètre dans la raquette avec autorité avant de s’écrouler sous les yeux des fans de Chicago, abasourdis par la tournure des événements. Ce moment marque incontestablement un tournant dans la carrière du bonhomme. En fait, elle marque le début de la fin pour le Derrick version MVP. En effet, suite à cette terrible rupture du ligament croisé antérieur, The Windy City Assassin ne sera plus jamais le même.

En pleine rééducation, il rate toute la saison 2012-13, puis ne joue que dix rencontres l’année suivante à cause d’une déchirure du ménisque dans l’autre genou. Une tuile après l’autre. Ses problèmes de blessures vont faire partie intégrante de sa carrière et vont l’abîmer physiquement mais aussi mentalement. Quand vous basez votre jeu sur la vitesse, les changements de direction et l’attaque du panier, les pépins physiques peuvent vite vous ralentir. Mais surtout, ils peuvent créer un blocage dans la tête. C’est toujours difficile de refaire confiance à son corps après un traumatisme, c’est difficile de se lâcher et jouer libérer. Dans le cas de Rose, on a le sentiment qu’il n’a jamais vraiment réussi à retrouver ce côté intrépide qui le caractérisait avant ce 28 avril 2012. Il ne faut pas oublier qu’après sa rupture du ligament, il a mis beaucoup de temps pour revenir. Malgré l’accord des médecins, Derrick a repoussé son come-back tant attendu sous prétexte qu’il ne se sentait pas encore prêt. Et puis, en 2014, il a déclaré qu’il ne voulait pas prendre de risques avec son corps car il pensait avant tout à sa vie après le basket, ce qui lui a valu un grand nombre de critiques du côté de Chicago. Entre 2014 et 2016, D-Rose a manqué presque cinquante matchs supplémentaires, à cause notamment d’une nouvelle déchirure du ménisque. Au fur et à mesure, la relation entre le héros local et certains fans des Bulls s’est détériorée et le front office de la franchise a finalement décidé de se séparer de lui en l’envoyant à New York.

A partir de là, D-Rose a beaucoup voyagé. Il est resté un an dans la Grosse Pomme, où il a montré qu’il avait encore de beaux restes avant d’être victime d’une… troisième rupture du ménisque en fin de saison. Résultat, une quatrième opération au genou pour lui. Dur dur. Chez les Knicks, il s’est aussi illustré en quittant l’équipe un jour de janvier 2017 sans avertir personne, afin de rejoindre sa mère à Chicago pour des raisons familiales. Un comportement pas très professionnel mais tellement symbolique du chaos entourant le joueur. Après son passage à New York, Derrick a rejoint LeBron James à Cleveland dans le but de remporter une bagouze aux côtés du King. Gros flop. Sous le maillot des Cavaliers, il n’a joué que 16 rencontres au total en 2017-18, la faute à une entorse à la cheville et une absence prolongée durant laquelle il s’est posé la question de savoir s’il ça valait vraiment le coup de continuer à jouer avec toutes ces galères. Transféré à Utah au cours de la trade deadline de février, Rose a immédiatement été coupé par le Jazz, avant d’être repêché un mois plus tard par les Minnesota Timberwolves de Tom Thibodeau, son ancien coach aux Bulls avec lequel il est devenu le MVP de la Ligue. Quatre équipes en deux ans, bonjour le journeyman. Si Thibs n’était pas aussi enclin à reprendre tous les joueurs qui ont évolué sous ses ordres à Chicago, il est fort à parier que Derrick serait actuellement sans équipe fixe.

Pour toutes ces raisons, la performance de la nuit dernière est remarquable. A la fin de la rencontre, le commentateur des Timberwolves a également mentionné, sans doute un peu maladroitement, ses problèmes judiciaires qui font partie des obstacles qu’il a à surmonter dans sa vie personnelle. Pour rappel, Rose se retrouve impliqué depuis 2015 dans une très sombre affaire de viol collectif, dans laquelle il est accusé d’avoir drogué et violé son ex-petite amie avec deux de ses amis d’enfance à Los Angeles en 2013. Bien que blanchi en octobre 2016, Derrick n’est pas forcément tiré d’affaire car l’accusatrice a décidé de faire appel et elle sera entendue le 16 novembre prochain. Cet épisode de la catégorie fait divers n’a évidemment rien à voir avec le joueur en lui-même et sa carrière de basketteur mais c’est une épreuve en plus pour D-Rose, même s’il n’est pas dans le rôle de la victime dans ce cas-là.

Derrick Rose revient de loin, très loin. Avec ses innombrables blessures et les critiques le concernant, il a connu une descente aux enfers depuis 2011, mais il est toujours vivant. Cette performance face au Jazz restera incontestablement l’une des plus belles de sa carrière. Peut-être même la plus belle…


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