Jason Kidd au Hall of Fame : flashback sur un triple-double d’un autre âge, tellement significatif du joueur qu’il était
Le 07 sept. 2018 à 10:44 par Clement PLB
L’introduction au Hall of Fame de Jason Kidd cette nuit est l’occasion de revenir sur l’un des matchs les plus mémorables de sa formidable carrière. Sous le maillot des Nets, il va réaliser une performance monstrueuse, un triple-double à 38 points, 14 rebonds et 14 assists, à une époque où cet accomplissement était beaucoup plus rare qu’actuellement. Et malgré cela, il repartira ce soir-là avec une défaite sur le score inimaginable de 161 à 157 après une double prolongation, face au run-and-gun des Suns d’un autre meneur légendaire, Steve Nash. Tiens, tiens…
Nous sommes le 7 décembre 2006 au soir, pour un match de saison régulière comme il y en a eu des milliers d’autres auparavant. Ce game oppose les Suns et les Nets, deux équipes bien plus enthousiasmantes qu’actuellement, emmenées par deux des meilleurs meneurs des années 2000 et de l’histoire, Jason Kidd et Steve Nash. Un match emballant sur le papier, qui va devenir complètement fou. D’un côté les Suns, version Mike D’Antoni et pratiquant donc le run-and-gun à outrance, ce style si caractéristique que Mr. Pringles prône, favorisant les contre-attaques et les transitions. En gros l’objectif est de trouver un shoot ouvert le plus rapidement possible, du parking ou au cercle, afin de scorer avant la mise en place de la défense adverse, dès la récupération du ballon. Cela entraîne forcément un grand nombre de possessions pour chaque équipe, sachant qu’en plus la priorité n’était clairement pas la défense côté Suns, mais plutôt de repartir à toute allure de l’autre côté du terrain. Avec Steve Nash à la baguette, les Suns disposaient d’un formidable maître à jouer pour ce style, passeur extraordinairement créatif et précis, capable de d’approvisionner toute l’escouade texane en shoots ouverts, alley-oops, dunks, lay-ups aussi bien en transition que sur jeu placé où son duo sur pick-and-roll avec Amare Stoudemire faisait des ravages. Rajoutez à ça l’un des shoots les plus efficaces de l’histoire, un handle et une vista parmi les tous meilleurs et le meneur canadien claque ce soir là 42 points, 13 assists et 6 rebonds. Une ligne de stats à couper le souffle sublimée par la victoire finale, que notre Boris Dieu national arrachera lors de la double-prolongation.
De l’autre côté les Nets, coachés par Lawrence Franck, à vocation plus défensive, pour lequel ce match va laisser des traces indélébiles. Abattu, il dira ces mots :
“Maintenant, nous sommes la 23ème défense”. Il a alors gémi et a ajouté: “Oh mon Dieu, 161 points.”
Encore dans le New Jersey, les Nets de l’époque s’articulaient autour d’un Big Three composée de Vince Carter, Jason Kidd et Richard Jefferson. Vinsanity scorait, Kidd prenait les rebonds et distribuait et Jefferson complétait notamment au scoring. Ça défendait dur, et en attaque ça se projetait vite vers l’avant, afin de maximiser le potentiel athlétique de la team, notamment Carter et Jefferson, sublimé par la qualité de passe de Kidd. Du alley-oop en regardant le cercle dans les yeux, des dunks dévastateurs, des passes aveugles, dans le dos, avec effet, à une ou à deux mains, il y avait régulièrement du spectacle dans le New Jersey. Mais ce soir là les Nets oublient leurs principes défensifs et donnent libre cours à leur folie offensive. Les Nets ont le matos pour répondre au défi offensif proposé par les Suns, drivé par un J-Kidd relativement vieillissant (33 ans) mais galvanisé dans son match-up. Car à l’instar de Nash, Kidd est un passeur génial, le deuxième plus prolifique de l’histoire derrière l’inamovible John Stockton, mais il est surtout bien plus complet, autant offensivement que défensivement. Ce match lui rend particulièrement hommage, puisqu’il démontre par les stats et la réalité du terrain son côté all-around avant-coureur. Son énorme triple-double digne d’un autre temps l’inscrit un peu plus dans la légende de cette ligne de stats, puisqu’il égale ce soir là le troisième meilleur total (78) à égalité avec Wilt Chamberlain. Total qu’il continuera à améliorer jusqu’à la fin de sa carrière pour finir avec 107 triples-doubles en carrière et être seul à la troisième place (plus pour longtemps…). Rebondeur hors-pair pour son poste, défenseur redoutable, deuxième meilleur voleur de ballons de l’histoire toujours derrière Stockton, shooteur émérite du parking, il est le véritable précurseur des LeBron James, Russell Westbrook et autre James Harden de par ce côté all-around.
Mais au jeu de celui qui score le plus, ce sont bien les Suns qui sont les plus forts, Jason Kidd et ses Nets devant s’incliner après un formidable combat de 58 minutes. Car après avoir pris un premier coup sur la tête lorsque Nash égalise du parking à 4 secondes de la fin du match suite à un relâchement coupable de Mikki Moore, la sortie pour 6 fautes de Vince Carter n’arrange pas les affaires des Nets. Tentant le tout pour le tout, Lawrence Franck aligne notamment un cinq ultra small ball lors de la deuxième prolongation, qui fonctionne offensivement mais finit par coûter le match. Car notre divin Boris national, bénéficiant d’un match up ultra favorable face à Kidd, l’enfonce proprement pour s’offrir un panier tout en toucher, alors que les deux équipes étaient à égalité 157-157. Les Nets ne reviendront pas et s’inclinent donc 161 à 157, soit 318 points marqués, le quatrième total de tous les temps, avec 34 changements de leader et 21 égalités. Un match complètement dingue, au scénario renversant, qui a marqué la carrière des deux meneurs de légende opposés ce soir là. Pour la petite anecdote, Jason Kidd passera la semaine suivante sur la table de massage, incapable de s’entraîner, suite à l’effort démentiel fourni.
L’un des matchs les plus marquants de l’histoire, une orgie offensive mais aussi un vrai thriller qui a marqué la carrière de Jason Kidd. Malgré la défaite il fut un formidable perdant. Il pourra se consoler en se disant qu’au final, même si ce match il l’a perdu, il finit par remporter un titre avec les Mavs en 2011, contrairement à son adversaire victorieux, intronisé en même temps que lui mais puceau forever en terme de bague.
Source texte : New York Times