Steve Nash au Hall of Fame : Don Nelson va introduire son discours, comme il a véritablement lancé sa carrière

Le 07 sept. 2018 à 14:31 par Aymeric Saint-Leger

Steve Nash Dirk Nowitzki
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Quand on évoque le coaching en NBA, des grands noms viennent en tête assez naturellement. Un des premiers patronymes est celui de Don Nelson, qui a exercé en tant que head coach pendant 31 saisons dans la Grande Ligue. Un des instigateurs du run-and-gun, qu’il a d’ailleurs popularisé. Il a vu défiler quelques légendes sous ses yeux. Parmi elles, il y en a une qu’il a révélé, dont il a réussi à déceler et à exploiter le talent incroyable, un certain Steve Nash. Vingt ans après lui avoir fait confiance, Donnie va présenter celui qu’il a mis sur les rails du Hall of Fame, lors de son intronisation au temple de la renommée.

Aujourd’hui âgé de 78 ans et passant une paisible retraite à Hawaii, Don Nelson va devoir faire un tour dans le Massachusetts ce soir, pour venir faire le speech d’introduction de Steve Nash au Hall of Fame. Les deux hommes possèdent une histoire commune dans la Grande Ligue, longue de seulement six ans. Ainsi, pourquoi un tel choix de la part du Canadien ? La question se pose. On aurait pu s’attendre à Mike D’Antoni, qui l’a fait exploser au plus haut niveau. Mais l’actuel coach des Rockets n’est pas au temple de la renommée, condition sine qua non pour pouvoir présenter les nouveaux lauréats de cet honneur. Cependant, attention, le choix de Donnie n’a pas été effectué par défaut, loin s’en faut. Le coach et le splendide passeur ont passé six saisons à collaborer sous le sceau des Mavericks, de 1998-99 à 2003-04. Le meneur y forme un Big Three solide avec Dirk Nowitzki et Michael Finley. Malgré tout, le meilleur résultat de Dallas dans cette période sera une Finale de Conférence. Rien de fou au niveau des résultats… Ainsi, quel est ce lien qui relie tant Don Nelson au natif de la Colombie Britannique ? Le vieux sage est celui qui a vraiment lancé sa carrière, dans le sens où il lui a permis de commencer à s’exprimer, mais surtout, il lui a fait prendre conscience de son potentiel, de ses responsabilités, et a posé les bases du joueur que l’on connaît aujourd’hui.

Steve Nash débarque en NBA en 1996, après quatre ans de fac à Santa Clara. Il est choisi en quinzième position par les Suns. Bien que prometteur, le fan de soccer possède un temps de jeu réduit, et n’est pas efficace. Il ne dépasse pas les dix points de moyenne sur ses deux premières saisons, et ne délivre pas plus de 3,4 caviars par rencontre sur son année sophomore. Autant dire que ça sent un peu le sapin pour un petit Canadien sorti de nulle part qui représentait un pari lors de sa sélection à la Draft. Indésirable, il finit par ne plus entrer dans les plans de Danny Ainge, coach de Phoenix de l’époque, et on se demande bien qui va vouloir d’un babtou freluquet qui a des pourcentages moyens. La réponse ? Don Nelson. Il va ainsi réaliser un été 1998 de fou furieux. Lors de la Draft, le coach et GM de Dallas choisit le regretté Robert Traylor en sixième position. Les Bucks prennent eux Dirk Nowitzki en numéro 9 et Pat Garrity en pick 19. Un échange est réalisé, choix 6 contre choix 9 et 19. Alors que les Soleils ne voulaient plus de Steve Nash, ils acceptent de le transférer contre ce Pat Garrity. No disrespect, mais Robert Traylor = Dirk Nowitzki + Steve Nash (qui ne vaut pas mieux qu’un 19ème choix), il y a un petit beug dans l’équation, non ? Et bien à l’époque, pas tant. Les joueurs européens sont considérés en majorité comme de potentiels busts. Oui oui, même le Wunder Kid. L’enfant du Canada est lui considéré comme un pari, un gars qu’on hésite à mettre titulaire, qui serait plus un back-up correct. Quoi qu’en disent les observateurs, Donnie a rassemblé ces pièces dans le Texas, et va commencer leur réel développement.

Le coach des Mavs voit beaucoup de qualités en Steve Nash : vision de jeu, audace, anticipation, capacités au shoot. Cette dernière va avoir du mal à s’exprimer vraiment sur ses deux premières années dans la franchise du néo-propriétaire, Mark Cuban, qui débarque au tout début de l’année 2000. Il ne dépasse pas les dix points, ni les dix shoots par rencontre lors de ses deux premières années à Dallas, malgré des pourcentages plus que corrects. Donnie commence à s’agacer lors de l’exercice 1999-00, et passe quelques savons à son meneur. Paumé, Nash dit qu’il a besoin de l’aide du coach. Donnie lui répond que c’est lui qui a besoin de l’aide du meneur. Le technicien finira par crever l’abcès, en essayant de faire bouger les choses avant l’été, alors que le Canadien va disputer les JO avec son équipe nationale à Sydney. Don Nelson ne l’a pas épargné mais pour que ça marche, il fallait imposer cela au meneur.

“Je ne lui ai pas demandé. Je lui ai dit qu’il devait changer ou que j’arrêterais de le faire jouer. Je lui ai dit ‘Tu es un de mes meilleurs shooteurs et tu ne shootes pas, je ne comprends pas.’ Donc je lui ai dit que j’allais le mettre à l’amende lors de chaque match où il ne prendrait pas au moins dix shoots. Je l’ai clairement blessé, mais il a essayé de changer après cela. Il est devenu All-Star et n’a pas arrêté jusqu’à ce qu’il remporte deux trophées de MVP.”

C’était sans doute dur à comprendre et à encaisser pour l’homme qui était né pour délivrer des passes décisives, qu’il était aussi là pour exercer son sublime talent de shooteur.

“Nellie était vraiment dur avec moi, mais il croyait vraiment beaucoup en moi. Il avait plus de foi et de confiance en moi que j’en avais pour moi-même. […] C’est lui qui m’implorait de scorer. Et ça a été un moment fondamental de ma construction, parce qu’une fois que j’ai pu trouver l’équilibre entre la création et le scoring, ça a ouvert tant de possibilités pour mes coéquipiers et moi. […] Ma nature est juste de passer, passer, passer – de donner. Nellie a fini par me faire comprendre que c’était des conneries, que je nous pénalisais en faisant ça. Il m’a poussé dans mes retranchements, sans vraiment me le dire de but en blanc, afin de me faire réaliser que j’étais égoïste.”

Uh, oh. Faire trop de passes, être trop altruiste, c’est être égoïste ? Oui mon p’tit père. Ce qui peut paraître comme un paradoxe est pourtant bien la source des maux du meneur et des Mavs en général. Et ça, Don Nelson a su le déceler, le déclarer, faire réagir son point guard, de la manière la plus positive possible. Au retour des JO, regonflé à bloc, le message est passé. Le déclic est là, la machine se met en marche (peut-être du fait du changement de millénaire, ou du bug de l’an 2000 ou ce que vous voulez) d’une saison à l’autre. Son volume de shoots par rencontre passe de 6,5 à 11,3, celui des points de 8,5 unités à 15,6. Le pourcentage reste toujours aussi bon, il s’améliore même : 48,8% sur l’exercice 2000-01, dont 40,6% du parking. Et tiens donc, son nombre de passes augmente, de 4,9 à 7,3 par opposition. Et oui, plus de danger et de réussite au shoot signifie une défense plus rapprochée, donc plus d’espace pour les copains. Et ça, quand en plus on a des yeux derrière la tête, ça facilite la tâche. Ces standards d’au moins dix tentatives et quinze points par rencontre, il les gardera quasiment tout au long de sa carrière, jusqu’à ses 36 ans. Donnie a su débloquer Steve au niveau mental, et sur le parquet. Comme le dit si bien Steve Kerr dans une interview accordée à Yahoo! Sports, Nelson est celui qui a su mettre en avant les capacités offensives sans limite de Steve Nash.

“Nellie était vraiment le gars qui lui a donné l’opportunité dont il avait besoin lorsqu’il l’a signé à Dallas pour jouer dans ce style, en duo avec Dirk Nowitzki. Il l’a fait se lâcher et démontrer tout son potentiel offensif.”

Ça y est, Don Nelson avait ouvert la voie à l’un des plus beaux magiciens et techniciens de la balle orange. Par la confiance qu’il lui a accordé, la pression qu’il a exercé, en le poussant hors de sa zone de confort. Malgré un style de jeu qui lui correspondait plutôt bien, Steve Nash n’explose pas encore complètement. Mais il a compris, a conscience des responsabilités de son rôle, et du frein que son altruisme systématique pouvait être pour sa franchise. Si les solides fondations ont été posées par Donnie pendant des années à Dallas, c’est bien à Phoenix où va se construire l’édifice. Après l’architecte Nelson, à l’été 2004, le Canada Kid va rejoindre le bâtisseur Mike D’Antoni. Il n’a eu qu’à trouver le système de jeu qui correspondrait le mieux au fantastique meneur. Le numéro 13 va former, dans la seven seconds offense or less du coach des Suns un des plus beaux duos de la Ligue avec Amar’e Stoudemire. Le plus beau show des années 2000, il est là. La tactique est parfaite, ça court dans tous les sens, ça délivre du caviar à tout bout de champ. Steve Nash shoote environ douze fois par rencontre sur sa période Phoenix, et ne dépasse pas les 19 points de moyenne sur une saison. Il enchaîne par contre les exercices en double-double, ce qui le rendra troisième meilleur passeur de l’histoire, et lauréat par deux fois du trophée de MVP de saison régulière, en back-to-back s’il vous plaît. Le run-and-gun poussé à l’extrême, c’était fait pour lui. Ce qu’avait installé Don Nelson, Mike D’Antoni l’a mis en pratique, l’a perpétué, mais ne l’a pas fait évoluer. Pousser son meneur à shooter encore plus, il aurait pu le faire. Avec le recul, il déclare d’ailleurs qu’il aurait du l’obliger à prendre au moins huit tirs des vestiaires par rencontre. Des regrets, il y en a aussi chez le Canadien, qui aurait finalement souhaité marquer plus. Mais ce qui est fait est fait, on ne peut plus rien changer.

La renommée de Steve Nash aurait pu être encore plus manifeste, si lui-même ou Mike D’Antoni l’avait poussé un peu plus. Le Canadien peut quand même se satisfaire de sa carrière, qui va être honorée seulement quatre ans après son arrêt. Surtout, il peut remercier celui qui prononcera son discours d’introduction ce soir. Don Nelson, c’est celui qui l’a sorti d’un mauvais pas, qui lui a fait confiance, qui l’a fait changer, et qui l’a tout simplement mis sur les rails du Hall of Fame. Two-Time sait tout ce qu’il doit à Donnie. C’est lui qui a engendré la domination du meneur à la mène des Suns, lui qui a façonné ce magicien pétri de talent qui avait juste besoin de pouvoir se lâcher, et s’exprimer. Si ça aurait pu être encore plus éclatant pour Nash, ça aurait aussi pu l’être beaucoup moins. Et c’est Nelson qui a empêché que cela arrive. Merci et mille respects à Don Nelson, l’architecte d’un des plus beaux prototypes de meneur all-time.

Sources texte : Yahoo ! Sports, New York Times, thecomeback.com