Star de demain – Marvin Bagley III : trop pressé de rejoindre la NBA pour attendre un an de plus au lycée
Le 10 févr. 2018 à 10:30 par Benoît Carlier
Chaque année, ils sont plusieurs centaines à s’inscrire à la Draft pour tenter d’y décrocher un spot dans l’une des 30 franchises NBA. Mais au milieu de ce vivier de jeunes talents, quelques joueurs tirent déjà leur épingle du jeu et sont promis à un grand avenir chez les pros. Parmi eux, Marvin Bagley III, qui pourrait profiter de l’indécision de Luka Doncic et de la blessure de Michael Porter Jr. pour terminer major de la promotion 2018.
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Aîné d’une fratrie de trois garçons, son grand-père maternel est un ancien numéro 2 de Draft. Sélectionné par les Pistons en 1964, Joe Caldwell a un jour été décrit comme le meilleur défenseur du monde par Julius Erving, le Doctor J en personne. La famille a toujours été un point de repère pour Marvin qui confesse que ses parents n’ont manqué qu’un seul de ses matchs de toute sa vie, lorsque son petit frère, Marcus, jouait à la même heure. Sa mère était allée supporter son cadet alors que son père le surveillait en tribune. Pourtant, la relation des Bagley avec les médias se trouve à des années lumières de celle de la Ball Family par exemple. Pour son coéquipier des Blue Devils, Grayson Allen, au micro d’Elizabeth Merrill d’ESPN, MB3 a une relation fusionnelle avec sa famille qui lui permet de ne pas prendre la grosse tête, loin de la télé-réalité.
“Il sort toujours avec ses frères, sa mère et son père. Il s’entoure uniquement de personnes qui vont le prendre pour ce qu’il est et ne pas le traiter comme une superstar. Je suis sûr que ses frères le cherchent et se moquent de lui aussi. Je pense que tout ça l’aide à garder les pieds sur terre.”
Il y a quelques années, alors qu’il vient récupérer son fils après son premier jour de primaire, Marvin Jr. réalise que sa progéniture est déjà beaucoup plus grande que tous les autres enfants de son âge. Il se dit que ne pas l’inscrire dans un club de sport serait un gros gâchis et c’est tout naturellement que son choix se porte sur le basket où la taille joue évidemment beaucoup. Alors que certains entraîneurs réalisent la pépite qu’ils ont entre leurs mains et lui demandent de dominer sous le cercle, la paternel veille au grain pour que Marvin III apprenne tous les fondamentaux qui lui seront tant utiles par la suite. Plutôt que de prendre exemple sur les pivots dominants, il s’inspire énormément de Kobe Bryant, Michael Jordan ou Kevin Durant. Une démarche qui coïncide avec une époque où les postes ne sont plus cloisonnés et où même les grands doivent être capables de s’écarter derrière l’arc. Souvent, les parents du jeune prodige ont une relation conflictuelle avec les clubs qui ne partagent pas leur vision et cherchent les trophées à tout prix. C’est ainsi que le prospect explique à Adam Figman de SLAM avoir porté un certain nombre de maillots durant sa jeunesse.
“Certaines équipes m’empêchaient de progresser. C’est à ce moment-là que mes parents intervenaient et nous avons bougé dans beaucoup d’équipes différentes comme ça. Je suis incapable de dire dans combien d’équipes j’ai joué.”
L’histoire va se répéter jusqu’au lycée où, après une saison solide dans un championnat de seconde zone, Marvin Bagley III et ses parents décident de quitter la Corona del Sol High School basée à Tempe pour s’inscrire à la Hillcrest Prep Academy de Phoenix, toujours dans l’Arizona. L’école n’est pas plus réputée d’un point de vue académique mais le père y dégotte un poste d’assistant coach qui lui permet de continuer à suivre la progression de son fils au quotidien dans un cadre professionnel. Dans le même temps, la famille Bagley parvient à convaincre DeAndre Ayton de quitter son lycée pour les rejoindre dans l’Arizona. Mais les deux prospects n’ont pas le temps de développer des automatismes que Marvin Bagley et l’ensemble de sa famille sont déjà sur le départ. Après quelques mois à la Hillcrest Prep Academy, le niveau des cours de l’école est remis en question par la NCAA qui songe à ne pas accepter ses étudiants au plus haut niveau universitaire. Les Bagley décident de jouer la sécurité et déménagent à Chatsworth en Californie au mois de décembre 2016 pour rejoindre la Sierra Canyon School. Mais un nouveau rebondissement vient stopper la carrière de Marvin qui se voit interdit de compétition par la fédération californienne à cause de son transfert en cours de saison pour des raisons sportives. Le prospect est donc autorisé à s’entraîner avec l’équipe mais doit rester sur le banc durant les matchs. Le futur NBAer est revenu avec Seth Davis de Sports Illustrated sur cette période difficile de sa vie pendant laquelle il a changé d’école à trois reprises en l’espace de six mois pour se retrouver spectateur des matchs de son équipe.
“Des fois j’étais vraiment frustré tellement j’avais envie de jouer. J’ai même pleuré de ne pas pouvoir participer aux matchs, c’était très dur !”
Pour s’évader un peu, l’ado écrit des paroles sur un carnet. Grand fan de musique depuis sa plus tendre enfance, son père l’a éduqué au rap. Sous le blase MB3Five, il sort quelques tracks à droite à gauche. Aujourd’hui, sa chaîne Soundcloud ne présente que ses deux morceaux les plus aboutis. C’est un aspect de sa personnalité qu’il revendique souvent alors qu’il travaillerait actuellement en secret sur un projet avec d’autres anciens joueurs de Duke dont la sortie est prévue aux alentours de la March Madness. En attendant un feat avec Damian Lillard, certains producteurs américains lui prédisent même deux carrières. Des mots qui risquent de faire rougir Tony Parker…
“J’aime faire de la musique. Depuis que j’ai cinq ou six ans, je chante dans ma chambre, j’écris et j’écoute beaucoup de musique. Beaucoup de gens me voient juste comme un joueur de basket et j’ai ressenti le besoin de montrer une autre facette de ma personnalité. […] Je peux faire de la musique et essayer de connecter les gens du monde entier. C’est vraiment mon but. […] Mon dernier son date de ma saison blanche, lorsque je n’ai pas pu jouer de toute l’année. A cette époque, j’ai eu le temps d’écrire plusieurs chansons pour m’exprimer autrement que sur les terrains. Cette chanson parle de cette période qui était assez difficile pour moi. Je suis très fier d’avoir pu en écrire une chanson.”
Outre cette frustration de ne pas jouer lors de sa saison sophomore, MB3 perd de précieuses occasions de se montrer aux différents recruteurs NBA mais aussi en NCAA. Finalement autorisé à jouer lors de la saison 2016-17 à Sierra Canyon, il tourne à 24,9 points et 10,1 rebonds de moyenne et attire enfin l’attention des scouts. Le 14 août dernier, alors qu’il lui reste un an avant de terminer le lycée, il surprend tout le monde en annonçant sur SportsCenter qu’il saute un échelon pour rejoindre les Blue Devils dès la rentrée 2017. Pour rendre cela possible et ainsi se rapprocher plus vite de ses débuts en pro, Marvin Bagley doit d’abord terminer ses cours de lycée. Pendant que ses camarades et ses frangins squattent les playgrounds ou partent à la plage entre potes, il passe ses journées à bosser ses cours en ligne. Un choix difficile mais motivé par le fait de pouvoir rejoindre la NBA un an plus tôt et ainsi commencer à toucher un salaire de quelques millions de dollars annuels avec douze mois d’avance. Il est revenu sur cet été studieux avec Brant Wilkerson-New de Greensboro.
“Quand j’ai vu tous les cours la première fois, je me suis dit ‘Ça va vraiment faire beaucoup.’ Mais je savais que je devais me concentrer et rester focus pour ne pas faire les choses normales que font les adolescents de mon âge durant l’été. […] J’ai plus ou moins tiré un trait sur tout mon été pour pouvoir rejoindre cette équipe. Avec le recul, je suis content de l’avoir fait.”
En quelques semaines, le phénomène efface plusieurs records de Duke, certains datant des années 1960. Il devient ainsi le premier joueur des Blue Devils à enchaîner deux matchs à plus de 30 points et 15 rebonds, culminant même à 32 unités et 21 prises dans la victoire face à Florida State. Avec 34 points en prolongation contre Texas, il égale aussi le record de J.J. Redick pour un freshman. Quand David Robinson vous compare à Tim Duncan, vous pouvez être plutôt confiant pour la suite de votre carrière. Et ce ne sont pas les mots de Mike Krzyzewski qui vont venir contredire tout ça.
“C’est le joueur le plus unique que nous ayons eu à Duke durant les 38 années que j’ai passées ici. Il a tout ce qu’il faut. Sur certains aspects, Kyrie Irving était semblable mais Kyrie s’est blessé après huit matchs. […] Du haut de ses 2 mètres 10, c’est un athlète incroyable. J’ai entraîné des joueurs NBA pendant onze ans avec USA Basketball et il court aussi bien que le top 2 ou 3 de tous les joueurs que j’ai coachés. Ce n’est pas un bon coureur, c’est un coureur incroyable. Et il est excellent pour enchaîner les sauts. En d’autres mots, il a à peine touché le sol qu’il rebondit à nouveau. Il veut apprendre, il n’a pas de démons. C’est un bon jeune, il est intelligent et a un moteur incroyable. Il n’a jamais eu de mauvais jour. C’est un trésor, vraiment. Il va être l’un des meilleurs joueurs en NBA durant sa carrière.”
Amoureux, Coach K ? Presque ! Pourtant, Bagley est l’un des seuls joueurs de son niveau à ne pas avoir évolué avec Team USA. Invité à plusieurs reprises, il n’est jamais venu aux rendez-vous avec les espoirs de la sélection américaine. Un choix étrange mais tout le monde n’a pas fréquenté autant d’écoles et d’équipes dans sa jeune carrière, ni même bossé ses cours pendant tout l’été pour rejoindre la NBA avec un an d’avance. Il faut connaître ses priorités dans la vie, celle de Marvin Bagley III est de rejoindre la NBA au plus vite.
Quand Marvin joue avec ses potes James et Chris pendant l’été à la Drew League
Highlights à Duke
Source texte : SLAM, Sports Illustrated, SB Nation, ESPN, Greensboro