Russell Westbrook 2016-2017 : la plus grosse saison statistique individuelle de l’histoire ?

Le 04 avr. 2017 à 18:32 par Alexandre Martin

Russell Westbrook
Source : Screen YouTube

Le basketball est un sport collectif bien évidemment, mais il est également un sport individuel qui se joue à plusieurs et dans lequel les statistiques sont omniprésentes, qu’on le veuille ou non. Russell Westbrook fournit, cette saison, des chiffres qui excitent les plus matheux d’entre nous tout en donnant le tournis aux fans et un gros mal de crâne aux futurs votants pour le MVP. Mais ce trophée n’est pas le sujet du jour, nous aurons bien le temps d’y revenir. Il s’agit aujourd’hui de rendre honneur – une fois de plus – à l’exercice en cours de Monsieur Westbrook en le comparant avec les plus belles lignes de stats jamais envoyées dans l’histoire en régulière. La bête d’OKC est-elle en train de tout casser ? 

Nous avions déjà un peu ouvert cette voie dès la fin du mois de novembre, alors que l’ami Russell s’apprêtait à entrer dans le mois de décembre en triple-double de moyenne, ce que seul Oscar Robertson avait fait avant lui (en 1961-1962). Quatre mois plus tard, les stats sont bel et bien là. Elles sont stratosphériques, inédites. Elles méritent qu’on s’y attarde. Alors, avis aux allergiques des chiffres et aux adeptes du “le basket c’est pas de stats”, ce papier est aussi pour vous, pour tenter d’attirer votre attention sur la dimension historique évidente de la saison 2016-17 de Russell Westbrook. Et pour cela, il faut commencer par reprendre les chiffres de quelques unes des plus hallucinantes saisons individuelles posées dans l’histoire de la ligue (sorry KG, sorry David, sorry Hakeem). Il faut les regarder sous plusieurs angles, tenter de les remettre dans leurs contextes, en expliquer les différences. Commençons par faire un tour d’horizon avant de se lancer dans quelques interprétations…

Wilt Chamberlain 1961-62

  • Stats majeures : 50,4 points, 25,7 rebonds, 2,4 passes décisives (on imagine une tonne de contres également mais non comptabilisés) en 48,5 minutes de moyenne / 39,5 tirs pris par match (50,6%) / PER : 31,7.
  • Pace des Philadelphie Warriors : 131,1 (1er sur 9).
  • Sur 36 minutes : 37,4 points, 19 rebonds, 1,8 passes

Remarques : les saisons 1962-63 et 1963-64 de Wilt sont énormes également. C’est 1961-62 qui a été retenu car c’est la plus dingue avec une moyenne de points affolante – le match à 100 points au milieu – à l’image de la carrière de Wilt. Et puis, il y a ces 48,5 minutes de temps de jeu moyen, plus de 50 points et plus de 25 rebonds de moyenne. Ce sont des chiffres que nous ne reverrons plus.

Oscar Robertson 1961-62

  • Stats majeures : 30,8 points, 12,5 rebonds et 11,4 passes décisives en 44,5 minutes de moyenne /22,9 tirs pris /PER : 26 / 41 triple-doubles.
  • Pace des Cincinnati Royals : 124,9 (5ème sur 9).
  • Sur 36 minutes : 25,2 points, 10,1 rebonds, 9,2 passes décisives.

La même saison, Big O avait envoyé du record, notamment deux que Westbrook est en train d’aller chercher. Le triple-double de moyenne et le nombre de triple-doubles sur une saison. Rien que pour cela, Robertson est dans la discussion pour la ligne de stats la plus grosse de l’histoire. Il a par ailleurs récemment adoubé le meneur du Thunder. Entre professionnel du triple-double, on se comprend.

Kareem Abdul-Jabbar 1975-76

  • Stats majeures : 27,7 points, 16,9 rebonds, 5 passes décisives, 1,5 interception, 4,1 contres en 41,2 minutes de moyenne /21,1 tirs pris (52,9%) /PER : 27,2.
  • Pace des Lakers : 108 (3ème sur 18)
  • Sur 36 minutes : 24,2 points, 14,7 rebonds, 4,4 passes décisives, 1,3 interception, 3,6 contres.

La carrière de KAJ est tellement régulière (17 saisons à plus de 20 points par match dont 12 en double-double de moyenne) qu’il n’est pas évident d’en sortir une du lot. Entre ses débuts à Milwaukee où les contres n’étaient pas comptabilisés et la suite où il score un peu moins mais où l’on voit mieux sa polyvalence, 1975-76 est vraiment une référence avec cette ligne de stats impressionnante, notamment en termes d’alliage entre scoring, rebond, passes et contres…

Larry Bird 1986-87

  • Stats majeures : 28,1 points, 9,2 rebonds, 7,6 passes décisives, 1,8 interception en 40,6 minutes /20,2 tirs pris (52,5%) + 50-40-90 /PER : 26,4 / 5 triple-doubles.
  • Pace des Celtics : 98,6 (19ème sur 23).
  • Sur 36 minutes : 24,9 points, 8,2 rebonds, 6,8 passes décisives, 1,6 interception.

La ligne est un tout petit peu moins impressionnante mais il faut bien prendre en compte que le grand Larry a déposé ces stats tout en tournant et en devenant le premier membre du club du 50-40-90. 50% au tir, 40% à 3-points et 90% aux lancers pour ceux qui se demandent. Du coup, ça replace la saison du blondinet celte dans une toute autre dimension.

Michael Jordan 1988-89

  • Stats majeures : 32,5 points, 8 rebonds, 8 passes décisives, 2,9 interceptions. 40,2 minutes de moyenne / 22,2 tirs pris (53,8%) / PER 31,1 /15 triple-doubles.
  • Pace des Bulls : 97 (23ème sur 25).
  • Sur 36 minutes : 29,1 points, 7,2 rebonds, 7,2 passes décisives, 2,6 interceptions.

Les saisons 1987-88 et 1989-90 de Jordan sont monstrueuses également. Comme pour Wilt ou comme quelques autres de la liste, il a bien fallu en ressortir une de la masse. Cet exercice 1988-89 est clairement le plus complet de Mike avec une moyenne globale qui se rapproche du triple-double et un pourcentage au tir assez ahurissant quand on sait comment les défenses l’attendaient (MVP la saison précédente).

Shaquille O’Neal 1999-00

  • Stats majeures : 29,7 points, 13,6 rebonds, 3,8 passes décisives et 3 contres en 40 minutes de moyenne /21,1 tirs pris (57,4%) / PER : 30,6.
  • Pace des Lakers : 93,3 (14ème sur 29).
  • Sur 36 minutes : 26,7 points, 12,3 rebonds, 3,4 passes décisives, 2,7 contres.

Inarrêtable. Le gros Shaq a fait partie de ces types que personne ne pouvait stopper ni même contenir. La ligne de chiffres qu’il présente en 1999-00 en est une des preuves. Stats opulentes et variées, grosse réussite au tir, O’Neal dominait fort et propose une deuxième présence de pivot au milieu de tous ces joueurs extérieurs.

Tracy McGrady 2002-03

  • Stats majeures : 32,1 points, 6,5 rebonds, 5,5 passes décisives, 1,7 interception en 39,4 minutes de moyenne / 24,2 tirs pris (45,7%) / PER : 30,3.
  • Pace du Magic : 93,1 (5ème sur 29)
  • Sur 36 minutes : 29,3 points, 5,9 rebonds, 5 passes décisives, 1,5 interception.

C’est la meilleure saison de T-Mac et quelle saison ! Offensivement intenable, le swingman du Magic a sali les feuilles de stats soir après soir avec une régularité folle. Meilleur marqueur, meilleur PER, du rebond, de la passe. L’ami Tracy peut se targuer d’avoir envoyer un exercice parmi les meilleurs jamais enregistrés.

Dwyane Wade 2008-09

  • Stats majeures : 30,2 points, 5 rebonds, 7,5 passes décisives, 2,2 interceptions, 1,3 contre en 38,6 minutes de moyenne / 22 tirs pris (49,1%) / PER : 30,4.
  • Pace du Heat : 89,9 (22ème sur 30).
  • Sur 36 minutes : 28,2 points, 4,7 rebonds, 7 passes décisives, 2 interceptions, 1,2 contre.

On aurait presque tendance à l’oublier mais il fut un temps où D-Wade était Flash, cet arrière insaisissable aussi meurtrier en attaque que capable de défendre le plomb. Prolifique au scoring et à la création tout en proposant des stats défensives très sérieuses, Wade était au four et au moulin. Et ça lui allait fort bien.

LeBron James 2009-10

  • Stats majeures : 29,7 points, 7,3 rebonds, 8,6 passes décisives, 1,6 interception et 1 contre en 39 minutes de moyenne / 20,1 tirs pris (50,3%) / PER : 31,1 /4 triple-doubles.
  • Pace des Cavs : 91,4 (25ème sur 30).
  • Sur 36 minutes : 27,4 points, 6,7 rebonds, 7,9 passes décisives, 1,5 interception.

En 2009-10, nous sommes clairement au milieu de l’apogée statistique de King James même s’il continue aujourd’hui à régaler à ce niveau. Dans son style bien particulier et pas si loin du triple-double de moyenne, la ligne de stats de LeBron est dingue. Et le plus dingue c’est qu’elle n’est pas tellement plus élevée que ses moyennes en carrière…

Stephen Curry 2015-16

  • Stats majeures : 30,1 points, 5,4 rebonds, 6,7 passes décisives, 2,1 interceptions en 34,2 minutes de moyenne / 20,2 tirs pris (50,2%) + 50-40-90 / PER : 31,5 /2 triple-doubles.
  • Pace des Warriors : 99,3 (2ème sur 30).
  • Sur 36 minutes : 31,7 points, 5,7 rebonds, 7 passes décisives, 2,3 interceptions.

On ne devient pas MVP unanime par hasard. Avec plus de 400 tirs primés rentrés sur l’exercice tout en intégrant le club du 50-40-90, le meneur des Warriors a signé une saison hors du commun. Et pas seulement en termes de scoring ou de pourcentage au tir. Il y a du rebond, de la passe, du vol de balle. Et le tout en ne jouant “que” 34 minutes.

Russell Westbrook 2016-17

  • Stats majeures : 31,9 points, 10,6 rebonds, 10,4 passes décisives en 34,8 minutes de moyenne / 24,2 shoots pris (42,5%) /PER : 30,6.
  • Pace du Thunder : 98 (8ème sur 30)
  • Sur 36 minutes : 33 points, 11 rebonds, 10,8 passes décisives, 1,7 interception.

Evidemment, il y a ces 5,6 pertes de balle par match et ce pourcentage au tir plutôt moyen. Mais le reste est phénoménal, d’autant plus quand on le ramène à 36 minutes. La moyenne en triple-double sur la saison est quasiment acquise et le record de 41 triple-doubles devrait tomber au vu du calendrier à venir. Il reste 6 matchs dans le planning du Thunder. Dans l’ordre, Oklahoma City va recevoir les Bucks puis aller chez les Grizzlies, les Suns, les Nuggets et les Wolves avant de finir la saison sur la réception de Denver. Westbrook en est à 40 et cela parait peu probable qu’il ne puisse pas envoyer au moins un voire deux triple-doubles d’ici la fin de la saison.

Que retenir et que conclure de cette orgie de statistiques ?

Le panel a volontairement été élargi à des gars comme Kareem Abdul-Jabbar, Larry Bird, Dwyane Wade ou encore Tracy McGrady auxquels on ne pense pas forcément d’emblée dans ce genre de discussion. Et pourtant, ils ont leur mot à dire et permettent également de varier les plaisirs statistiques tout en répartissant mieux le débat tout au long de l’évolution de la Grande Ligue. Jabbar est la figure de proue des années 70, Bird est un monstre des années 80. Les cas de Wade et McGrady sont différents puisqu’ils font plus figure de solistes un peu esseulés, en tous cas pour les saisons retenues. On s’aperçoit d’ailleurs, que – sans surprise – pour envoyer une énorme ligne de stats, il vaut mieux être dans une équipe plus faible où tous les ballons vous arrivent si vous dominez plutôt que faire partie d’une grosse écurie qui domine et où les ballons vous arrivent forcément moins souvent.

Vous constaterez que parmi les stats utilisées, celles sur 36 minutes ont été retenues. Ce n’est pas toujours l’indicateur le plus pertinent, surtout lorsqu’il s’agit de transposer les chiffres d’un gars qui ne joue que 12 minutes pour imaginer ce qu’il donnerait si on augmentait son temps de jeu. En revanche, dans les cas présents, l’idée est de bien mettre en avant que la plupart de ces fabuleuses saisons ont été réalisées avec des moyennes de minutes très élevées. Sauf pour Stephen Curry et Russell Westbrook… Cela répond bien évidemment à la nouvelle tendance qu’ont les coachs à vouloir gérer minutieusement le physique – et donc le temps de jeu – de leurs stars. Mais cela joue plutôt en faveur de Westbrook qui se retrouve avec une ligne de stats complètement dingue sur 36 minutes. Et vous l’aurez noté, en 1961-62, malgré la pace très élevée, Robertson n’est pas en triple-double de moyenne sur 36 minutes.

La pace, parlons-en pour finir. Il s’agit du nombre de possessions jouées en moyenne par une équipe sur 48 minutes. Il s’agit du tempo si vous préférez, de la vitesse à laquelle va la NBA. Dans les années 60, le jeu allait beaucoup plus vite qu’aujourd’hui. Dans les années 70 et 80 aussi. Il n’y a finalement que dans les années 90 et les années 2000 que le jeu allait significativement moins vite. Et encore, les différences ne sont pas si énormes qu’on veut bien nous le laisser croire parfois. En effet, en 1996, la pace moyenne était à 91,8 et lors de la saison actuelle, nous sommes à 96,4. C’est supérieur mais cela n’a rien à voir avec les rythmes pratiqués des années 60 aux années 80. C’est surtout le style des équipes et des joueurs qui a changé et qui donnent parfois une impression de vitesse.

C’est en ça que ce qu’est en train de faire Westbrook est dingue. C’est là que l’on rentre dans l’inimaginable. Car quand on mixe tous ces critères et qu’on remet dans le contexte d’une NBA à 9 équipes les performances de Wilt Chamberlain notamment, il n’est pas du tout incohérent de mettre la cuvée 2016-17 de Russell Westbrook très haut dans la discussion de la meilleure saison statistique de l’histoire.Voire tout en haut…