LeBron James et son combat avec l’Histoire – Chapitre 1 : vivre après Jordan, un sacré poids
Le 04 juin 2015 à 16:50 par Bastien Fontanieu
Les Finales sont devant nous, sagement installées à table et prêtes à attaquer le plat tant attendu. Mais comme la tradition le veut, un petit bénédicité s’impose afin de bénir le bon basket qui nous sera proposé : l’occasion parfaite pour prendre un peu de recul concernant LeBron James, un phénomène venu de Cleveland.
C’est un des sujets qui traverse le plus les rivières de la planète basket, actuellement. LeBron contre Jordan, Jordan contre LeBron, une comparaison à laquelle on a droit depuis plusieurs années mais qui s’intensifie de toute évidence au fur et à mesure que la saison progresse. Sorry, que chaque saison progresse. Avec une sixième finale bientôt jouée en carrière, soit autant que le numéro 23, les débats les plus enflammés prennent place sur toutes les plateformes possibles et imaginables, afin de hiérarchiser ces deux monstres sacrés de la balle orange. Cette insatiable envie de ranger les joueurs dans des cases et les performances dans des boîtes est propre à chaque fan, chaque petit garçon ou petite fille qui a trié, au moins une fois dans sa vie, ses voitures ou ses barrettes par ordre de préférence. C’est la nature humaine qui veut ça. On aime bien cataloguer, on adore classer. Quel est ton film préféré de tous les temps, qui est meilleur entre Batman et Superman, que choisir entre chocolat et vanille. Mais plus qu’une simple histoire de goût ou d’attache sentimentale, c’est surtout dans la création des arguments que les plus belles plaidoiries sont présentées, une façon vitale de protéger publiquement sa position en blindant son esprit d’arguments, de contre-arguments et de contre-contre-arguments. Et que LeBron le veuille ou non, son exceptionnelle carrière sera toujours comparée à celle de Jordan. Comparée ou rabaissée ? Telle est la question qu’on peut se poser.
Car si les plus simples amateurs de balle orange sont capables d’admettre la domination actuelle du natif d’Akron d’un point de vue physique, technique et mental, la comparaison effectuée avec MJ est souvent erronée, puisqu’elle cherche à mettre les deux hommes dans le même classement. Sauf que ce celui-ci n’existe pas, n’existe plus. Non, on ne peut plus mettre qui que ce soit dans la même phrase que Jordan lorsqu’on évoque les différentes carrières, tout simplement car ce dernier a créé son propre classement. Une hiérarchie divine de 1 à 1, entre lui et lui-même. Ce sort, en quelque sorte auto-infligé par la communauté basket qui ne s’est toujours pas remis de sa légendaire aventure, est fait pour durer, pour se cimenter, afin d’écraser la concurrence et redescendre tout athlète ambitieux qui souhaiterait toucher les étoiles. Soyons sérieux, ou plutôt honnêtes, quelques secondes. Si un blond de 198 centimètres et 105 kilos remportait 6 titres en 6 finales, scorait plus de 30.000 points et devenait une icône planétaire, que répondrait notre chère planète dans sa grande majorité ? Meh, copieur. Erf, Jordan l’a fait dans une époque plus dure. Lol, combien de godasses a-t-il vendu ? Véritable dieu vivant pour nous pauvres pêcheurs, Michael a aussi bien gratifié la NBA de moments légendaires comme il a cadenassé les générations futures, de façon totalement involontaire. On ne compte plus les phénomènes qui souhaitaient tout donner et réaliser leurs rêves, avant d’être rabaissés par la comparaison automatique, ce péage obligatoire dont on ne semble vouloir se détacher.
Et c’est là que LeBron intervient. L’erreur ? Probablement celle d’avoir pris le numéro 23, balancé du talc avant chaque match et tatoué ‘l’Élu’ dans son dos. Et encore, le terme d’erreur est à utiliser avec des pincettes, quand on voit la carrière offerte par James. Mais en s’étiquetant ainsi, le cyborg s’est rangé dans le mécanisme mentionné ci-dessus, ce jugement divin qui vous suit jusqu’à la fin des temps. Non, LeBron, tu as perdu une Finale donc tu n’es plus éligible car Jordan a réalisé le parcours parfait en juin. Relisons cette phrase, et réalisons l’absurdité de celle-ci. Veut-elle dire que le prochain joueur qui pourra regarder Michael dans les yeux au minimum 30 secondes devra avoir réalisé un 6/6 en Finale et claqué des statistiques affolantes dans tous les compartiments du jeu ? L’heure est peut-être venue pour certains passionnés de prendre ce recul nécessaire, ce moment d’arrêt dans nos réflexions quotidiennes, afin de réaliser le joueur que nous avons actuellement sous les yeux. On ne va pas tourner 500 ans autour du pot : LeBron est probablement, déjà, un des 5 meilleurs joueurs de l’histoire.
Tatata, on vous voit venir avec vos fourches ! Sortons du mécanisme habituel qui consiste à comparer les palmarès, et regardons ensemble ce qu’on a sur le terrain. Le basket, la balle, une paire de godasses et un short. Du jeu, du palpable, pas de chiffres. Pour hiérarchiser, volontiers, mais pas maintenant. James est une erreur de la nature, un athlète exceptionnel qui -comme le dirait ce cher Charles Barkley- fait tout aussi bien que Jordan sauf qu’il est encore plus grand, plus costaud, plus lourd et pourtant plus rapide. La vision du jeu, les qualités de leadership, la gestion de la pression médiatique et des blessures, sommes-nous tous capables de concevoir la chance que nous avons de voir évoluer un type pareil ? Oui, il y a des qualités de scoring et un killer instinct probablement moins évident que chez un certain numéro 23, mais dans tous les autres compartiments du jeu…
La tentation permanente sera de vouloir joindre les deux hommes dans le même classement, le même catalogue. La NBA fonctionne ainsi aujourd’hui, nous fans aussi. Seulement on propose une petite alternative : celle d’apprécier les belles choses à leur juste valeur. Le simple fait que LeBron est un joueur incroyable, et qu’à l’aube d’une Finale qu’il pourra peut-être perdre, on a sous nos yeux un joyaux au sommet de son art. Just-think-about-it.
Source image : http://sports-kings.com/