Moses Malone : monstre des raquettes et Président des rebonds

Le 23 mars 2015 à 21:33 par Alexandre Martin

Moses Malone titre 1983
Source image : nba.com

Lors de son intronisation au Hall Of Fame, accompagné par son mentor Moses Malone, le gros grand Charles Barkley nous a gratifiés d’un discours – tout aussi drôle que poignant et bourré d’anecdotes – qui n’a eu que peu d’équivalent malgré toutes les immenses stars qui ont eu l’honneur de pouvoir s’exprimer à leur entrée pour la postérité dans la grande maison de Springfield.

Pour marquer le coup en cette journée si importante pour lui, “Chuck” a voulu que deux personnages – essentiels pour sa carrière – soient présents à ses côtés quand il ferait son speech : Jerry Colangelo et Moses Malone. Quand il parle de Jerry Colangelo, Barkley le décrit comme celui qui lui “a donné une chance de gagner” ce qui est un compliment que l’ancien propriétaire des Suns doit apprécier. Mais quand “Sir Charles” parle de Moses Malone (Barkley est arrivé en tant que rookie aux Sixers quand Malone était le boss), on sent qu’il y a quelque chose de spécial qui lie les deux hommes, quelque chose que seul un monstre du jeu comme Moses peut inculquer à une bête furieuse comme le “Chuckster” :

“Je dis toujours aux gens que celui qui m’a le plus influencé au cours de ma carrière est Moses”, explique Barkley. “Parce qu’il m’a gardé en forme et m’a appris comment travailler dur. […] Il m’a permis d’être au top de ma forme physique et je lui serai toujours reconnaissant pour ça. […] Lui et ‘Doc’ (Julius Erving) m’ont appris à devenir un homme…”

Cet hommage de Barkley est un exemple de plus de l’immense respect qu’a inspiré et qu’inspire encore Moses Malone au sein de la Grande Ligue. Nous parlons ici d’un pivot un peu plus petit (2m08) que ses adversaires directs mais qui compensait allègrement ce déficit de centimètres par 118 kilos de muscles. Très puissant, mobile et doté d’une infinie panoplie de moves au poste bas, Moses a toujours été un cauchemar pour les défenseurs qui ont essayé – souvent en vain – de le contenir. Après deux premières saisons professionnelles passées en ABA chez les Utah Stars puis les Spirits de Saint-Louis, Malone a débarqué en NBA lors de la draft de 1976 où les Blazers le choisirent avant de l’envoyer instantanément aux Buffalo Braves (ancêtres des Clippers à l’époque installés à New York). Les Braves ne lui firent jouer que deux minuscules bouts de matches avant de l’échanger aux Rockets. Visiblement, ces équipes ne croyaient pas vraiment dans le potentiel de cet intérieur…

Pendant plus d’une décennie, chaque soir, Moses a fait un chantier titanesque sous les cercles…

Une grossière erreur car, de 1976 à la fin des années 80, que ce soit sous les couleurs des Rockets, des Sixers, des Bullets ou même des Hawks, Moses Malone va dominer les raquettes NBA avec une violence et une régularité qui ont tout simplement fait de lui l’un des meilleurs pivots de l’histoire. Et pourtant, Dieu sait que ce poste a vu défiler des clients plus que sérieux ! De 1976 à 1990, ce bon Moses va enchaîner 14 saisons en double-double (points/rebonds). Très gros scoreur car très efficace au poste bas donc et pas maladroit dans le périmètre, Malone savait également parfaitement utiliser son corps pour aller chercher les fautes sous le cercle. Il est d’ailleurs le 2ème plus gros marqueur de lancers-francs de tous les temps (8 531) derrière l’intouchable Karl… Malone. Pendant 11 saisons d’affilée, il a envoyé plus de 20 points de moyenne – souvent à 25 points ou plus – avec une pointe à 31 en 1981/1982 alors qu’il croisait régulièrement des garçons comme Kareem Abdul-Jabbar, Robert Parish ou encore Bill Laimbeer dans les raquettes de l’époque.

Mais même s’il est aujourd’hui le 8ème scoreur le plus prolifique de l’histoire NBA (27 409 unités), c’est bel et bien à coup de brouettes de rebonds que Moses Malone va laisser une empreinte indélébile sur la Ligue. Il était d’une ténacité et d’une férocité dignes d’un ours en chaleur quand il s’agissait d’aller au combat pour gagner une possession après un tir raté. Il avait ce fameux sixième sens qu’ont les “natural born rebounders”, cette intuition qui leur permet de sentir où va aller la balle et de se placer en conséquence. Il avait ce goût pour les luttes au corps à corps qui sont la base de beaucoup de rebonds. Il a fait des rebonds offensifs sa spécialité et détient d’ailleurs le record du plus grand nombre de prises dans le camp adverse sur un match (21) tout en étant – de très loin – le plus prolifique de l’histoire dans ce domaine (6 731 prises offensives amassées au fil des ans !). C’est bien évidemment sans surprises qu’il fut sacré six fois meilleur rebondeur de la saison dont 5 fois d’affilée (1981 à 1985) avec des moyennes parfois affolantes comme ses 17,6 prises par rencontre lors de l’exercice 1978/79 ou ses 15,3 captations en 1982/83. C’est bien simple, durant ces années, un match à 20 rebonds était une soirée de boulot comme une autre et une saison à 13 rebonds par match était une “petite” performance pour l’ami Malone ! Pas étonnant donc qu’on l’ait surnommé le “Président des rebonds”. Pas étonnant non plus qu’il ait été élu 3 fois MVP de saison régulière (1979, 1982 et 1983). Entre ses moyennes impressionnantes au scoring et les montagnes de rebonds qu’il amassait, difficile d’ignorer le gaillard…

Un mentor au “casier basketballistique” très fourni

En 1981, il emmena les Rockets jusqu’en Finales NBA mais ne put qu’admirer la bague remportée par les Celtics cette année-là. En 1983, de retour en Finales cette fois-ci avec les Sixers, Moses fut le plus grand artisan du sweep infligé par les siens aux Lakers de Kareem Abdul-Jabbar et Magic Johnson. Tournant à 25 points de moyenne et 18 rebonds de moyenne (wow !!) accompagnés de 1,5 interception et 1,5 contre sur la série, Malone n’a laissé aucune chance aux Angelinos. Il voulait tellement sa bague que rien ne pouvait l’arrêter et il fut logiquement élu MVP de ces Finales. Cette récompense individuelle suprême vient donc s’ajouter à un palmarès extrêmement dense car Moses a également été 12 fois All-Star (consécutivement), régulièrement nommé dans les All-NBA Teams ou les All-NBA Defensive Teams et il bien évidemment partie des 50 plus grands joueurs de l’histoire, honorés par la NBA à la mi-temps du All-Star Game 1997. Moses Malone est donc clairement un monstre du basket insuffisamment connu par rapport à ce qu’il a accompli. Car s’il a été le mentor de Charles Barkley, il a également été celui d’Hakeem Olajuwon qu’il a pris sous son aile quand “The Dream” n’était encore qu’un jeune Nigérian tout fraîchement débarqué à l’Université de Houston. Quand on voit ce que ces deux gars sont devenus, on prend conscience de l’impact d’un tel joueur sur son sport et pourquoi le terme de “légende” lui va si bien.

Il a raccroché les sneakers en 1995 après 19 saisons passées à écumer les parquets de la Grande Ligue. Son jersey aurait déjà dû être retiré par les Sixers (n°2) alors que les Rockets l’ont fait (n°24) depuis un bail. Moses Malone a laissé derrière lui de nombreux vestiaires dans lesquels sa voix sourde et grave résonne encore et des milliers de fans (et d’adversaires) qui ne sont pas près d’oublier les chantiers pharaoniques qu’il effectuait à chacune de ses sorties. Moses n’est pas qu’un Président, il est une légende de la balle orange, un de ces joueurs qui fait grandir un sport…


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