Légendes statistiques ou techniques : comment séparer ces types de joueurs mythiques en NBA ?

Le 03 juin 2014 à 12:02 par Bastien Fontanieu

Larry Bird

L’exercice de mémoire et de commémoration est terriblement difficile et tant sous-estimé. Une fois, c’est le coeur qui parle. L’autre, c’est plutôt la matière grise. Dans ce bazar généralement réconfortant et opposant la NBA à ses fans, certaines figures s’installent définitivement sur le trône de légende vivante, pendant que d’autres attendent leur heure de gloire dans l’ombre.

Être fan de sport, d’un sport ou d’un sportif, c’est avant tout s’abandonner à des émotions et des sensations qu’on ne peut ressentir nulle part ailleurs. La nouvelle religion du troisième millénaire possède une multitude de disciples qui s’abandonnent corps et âmes dans les exploits de leurs héros, quitte à y laisser leur propre vie. Quelques grammes de fierté par-ci, un soupçon de jalousie par-là et de l’amour en quantité infinie sont les ingrédients indispensables afin de profiter aussi intensément que possible du parcours de ses idoles. On peut grandir avec eux, ou bien simplement les croiser en chemin. C’est une image, une action. Une rencontre ? Un moment hors du temps. Ailleurs, c’est la patience, les années qui passent, l’appréciation pour les petites choses. Le plaisir de retrouver un terrain connu, le confort de la certitude. La NBA justement, reine de ce va-et-vient perpétuel, adore mettre en avant certaines de ses figures emblématiques pour cajoler ses fans. Mais choisit-elle les ‘bons’ ? Respecte-t-elle des critères prédéfinis qui plaisent à chacun ? Et si nous tentions d’établir une distinction rationnelle entre ces hommes célébrés pour leurs exploits, et les autres que l’on porte avec nous pour des raisons totalement personnelles…

Légende technique : ce qui est à toi n’est pas à moi

La subjectivité à son paroxysme. Telle action aura marqué une jeunesse, tel geste. Se souvenir d’une séquence précise, forgée au fer rouge dans la mémoire, pour peu qu’on regarde la télé pour la première fois ou qu’un mouvement anodin caresse notre sensibilité. C’est un tir avec la planche de Tim Duncan, un skyhook de Kareem. Le fouetté de Ray Allen, les dribbles endiablés d’Allen Iverson, la langue de Jordan. Chacun y trouve son bonheur, chacun y trouve son refuge. Si Dirk Nowitzki est en ville, on lui demandera certainement de prendre un tir sur une jambe en reculant. Pourquoi ? Just because. Larry Bird pourrait être décrit sous 37.000 termes possibles et imaginables, mais une simple photo de son tir derrière la tête, les yeux d’oiseau fixés sur l’arceau, les pieds à peine espacés et les genoux collés, le buste davantage tourné vers les copains que la ficelle : attendez, c’est ça, là. On y est. Une seconde (forte inspiration en fermant les yeux). C’est ce geste, celui-ci, qui définira un joueur, une époque, un moment de la vie de chacun tout simplement. Shawn Marion et Chuck Hayes ne seront probablement pas intronisés au Hall of Fame dans les décennies à venir. Pourtant, si dans 30 ans vous retrouvez une ancienne connaissance qui vous susurre ces noms-là, votre coeur s’emballera sans vous prévenir. Au mieux ! Les larmes couleront, au pire. Car ces deux hommes auront marqué une période de votre vie, un instant magique avec un proche dont la passion pour la balle orange vous rassemblait ou vous rassemblera toujours. Tout ça pour un pauvre tir… C’est Vince Carter qui tomar entre ses jambes à Oakland en 2000 et pointe les doigts vers le ciel bien avant qu’Usain Bolt ne le fasse. C’est Ben Wallace et son afro mythique qui contrent un géant sous les arceaux. C’est aussi JaVale McGee qui rentre en plein dans un coéquipier, ou Nick Young dont les neurones explosent sous nos yeux. La preuve ? Aujourd’hui le simple fait de prononcer les mots Smush et Parker ouvrent des wagons immenses de souvenirs qui restaient enfermés à Los Angeles depuis 2006. Cette catégorie technique, celle qui fait plutôt appel à la sensibilité visuelle, aux goûts de chacun, est celle dont les fans se rapprochent donc le plus. Et c’est bien normal, puisque nos sentiments y sont les plus ancrés. Mais que faire des autres ?

Légendes statistiques : au diable la notoriété

Grandir avec la NBA, c’est aussi stocker dans sa réserve des performances exceptionnelles dont on se souviendra pour toujours. Un stockage cérébral ou émotionnel ? Dans tous les cas, ce sont des soirées passées la bouche grande ouverte devant un chef d’oeuvre des parquets. Les 81 points de Kobe seront retenus pour l’absurdité du chiffre : quatre-vingt un. Pourtant, certains retiendront ce doigt levé vers le ciel en allant vers le banc après avoir désossé les Raptors. Le Game 6 de LeBron à Boston en 2012 ? On l’appelle le 45/15/5. Mais que dire des Karl Malone et John Stockton, des Wilt Chamberlain ou des Bill Russell ? On pourra tout à fait chérir les shorts moule-burnes du produit de Gonzaga, mais n’est-il pas au sommet des meneurs de par sa domination statistique ? Karl Malone est le second meilleur marqueur de l’histoire, derrière Kareem. Justement, la libellule était mentionnée dans le premier paragraphe. Peut-on combiner les deux catégories ? Bien évidemment, et c’est cette double-étiquette rarissime qui pousse certaines légendes à se différencier des autres. La langue de Jordan, mais aussi des cartons offensifs historiques en PlayOffs. La louche aérienne de KAJ, et ses 38.387 points en carrière. Ray Allen a bien rentré le plus grand nombre de trois points de l’histoire, pourtant son tir face à San Antonio l’an passé et son charisme dans He Got Game feront contrepoids. Ce luxe, celui de pouvoir avoir une place dans les deux catégories, est réservé à quelques rares membres. Mais ce qu’on peut aussi voir, c’est que la domination numérique n’est pas forcément synonyme de reconnaissance intergénérationnelle. Après tout, Moses Malone est bien le 7ème meilleur marqueur de l’histoire de la NBA non ? Sa notoriété est probablement calée entre celle de Menelik et de Marc Raquil. Un autre Mark, Eaton tiens, a renvoyé 3064 tirs dans sa carrière. Pourtant ? Vous sortirez comme nous une dizaine de pivots défensifs avant de penser à lui. La liste ne s’arrête pas, jamais même, elle ne fait que s’allonger année après année et enfonce certains pendant qu’elle en sublime d’autres. C’est hélas la dure loi de la mémoire : aussi sélective et émotionnelle soit-elle, l’injustice inconsciemment réservée à quelques joueurs peut nous laisser parfois pantois.

Aujourd’hui, certains se démarquent déjà. Ricky Rubio et ses improvisations balle en main auront nettement plus de chances de faire lever les foules plutôt que Mike Conley et ses partitions métronomiques. Blake Griffin est bien parti pour représenter la NBA avec ses potes cyborgs, mais est-ce par sa simple domination aérienne ? On peut aussi demander à Kendrick Perkins ou Roy Hibbert ce qu’ils en pensent, eux qui marqueront votre génération à leur façon, que vous le vouliez ou non. Car c’est aussi ça l’exercice de mémoire et de commémoration : un bordel incontrôlable qui nous réserve davantage de surprises que de compréhension, et de sourires que de consternation.

Source image : LATimes


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