[PORTRAIT] Karl Malone livre toujours à l’heure

Le 24 juil. 2013 à 10:05 par Alexandre Martin

Décidément, être né en 1963 est un signe fort en matière de basketball. Un signe de qualités naturelles, d’aptitudes innées pour manier la grosse balle orange. La liste des joueurs légendaires ayant déjà ou allant bientôt fêter leurs 50 ans en cette année 2013 parle d’elle-même : Hakeem Olajuwon, Michael Jordan, Charles Barkley, Joe Dumars, Jeff Hornacek, Spud Webb, Chris Mullin, AC Green, Charles Oakley et donc Karl Malone. De quoi composer un 5 et un banc très compétitif.

Un physique et un surnom entrés dans la légende

Aujourd’hui, c’est le facteur le plus connu de NBA qui fête son demi-siècle. 50 ans donc dont 19 passés à écumer les parquets NBA. Mais pourquoi ce surnom «The Mailman» ? Et bien c’est simple, Karl Malone s’entraînait, jouait, enchaînait les paniers et prenait des rebonds avec la même régularité que celle d’un facteur distribuant le courrier. En 18 saisons sous le maillot du Jazz – soit 1443 matchs avec la saison 98/99 qui n’a fait que 49 matchs pour cause de Lock-Out – Malone n’a manqué que 9 rencontres !! Un véritable exploit pour un joueur aussi massif (2m06, 117kg de muscles). Un joueur qui donnait beaucoup de coups et qui en recevait également soir après soir. Un joueur qui jouait ailier fort mais qui courait énormément par rapport aux autres basketteurs de son gabarit. Un joueur infatigable. Un joueur technique et physique qui considérait la raquette comme son terrain, un terrain où seuls les “grands” sont invités :

“J’aime à penser qu’il y a de la finesse dans mon jeu mais dans la raquette, c’est là que se font les hommes. Si vous ne pouvez pas jouer dans la peinture, c’est que vous devriez être à la maison avec votre maman”    Karl Malone à propos des joueurs qui se plaignaient de son jeu viril.

Au Jazz, Malone a non seulement joué (quasiment) tous les matchs sans jamais se plaindre ni déclarer forfait pour blessure mais il a abattu un boulot monstrueux sous les panneaux de toutes les salles NBA. Entre 1987 et 1998, «The Mailman» a enchaîné 11 saisons à plus de 25 points et plus de 10 rebonds par matchs. Le tout accompagné par 3,6 passes décisives et 1,4 interceptions. Et même passé 35 ans (1998), Malone a continué de maintenir ses performances quotidiennes presqu’au même niveau. En fait, à part sa saison de rookie et sa dernière saison – qu’il passa sous le maillot des Lakers en 2003/2004 alors qu’il avait 40 ans – les 17 autres se sont soldées par plus de 20 points et au moins environ 9 rebonds par match. Pas besoin d’en dire plus, pas besoin de plus de statistiques pour comprendre que Karl Malone était un monstre de régularité. Pour résumer : Un an sur deux donc, il pouvait arriver au Mailman de rater un match. Le reste du temps, c’était 25 points et 10 rebonds (ses moyennes en carrière) et ce pendant 19 ans ! S’il n’avait pas été appelé le Mailman, son surnom aurait pu être «Le Métronome». Pour un joueur ayant évolué 18 ans au Jazz, avouez que ça aurait été assez classieux : Karl Malone, le Métronome du Jazz…

Un immense champion mais un champion sans bague car par deux fois il a trouvé un certain Michael Jordan sur sa route en Finales NBA. Un champion qui a souvent eu mauvaise presse au cours de sa carrière et même après. Il faut dire qu’il n’a pas toujours eu la langue dans sa poche (ni les coudes)…
Bien évidemment, la plus grande polémique impliquant directement Karl Malone fit suite à ses propos, en 1991, quand Magic Johnson annonça sa séropositivité publiquement. Le Mailman déclara qu’il ne voulait avoir à jouer sur le même parquet que Magic de peur d’attraper le sida à son contact… Clairement pas ce qui se fait de mieux au niveau image ce genre de déclarations. Car même si beaucoup de joueurs de l’époque partageaient l’avis de Malone, il devint, du fait aussi de son statut de star, la cible de critiques qui lui reprochaient d’être mal informé (ce qui est vrai), d’amplifier le phénomène de peur et de désinformation qui régnait autour du HIV à l’époque (ce qui est vrai) voire d’être homophobe (ce qui est certainement faux). Il n’empêche qu’aujourd’hui, on ne peut pas contester le fait que ces propos, et ceux plus récents où il omet volontairement de citer Michael Jordan dans son meilleur 5 de tous les temps, ont grandement terni l’image du Mailman.

Cela ne l’a pas empêché de bien continuer sa carrière. Il a même fait équipe avec Magic lors des JO de 1992 avec la Dream team. Comme quoi, le bonhomme n’était pas si obtus qu’il n’a pu le paraître. Pas si obtus mais plutôt dur sur l’homme en défense. Karl Malone n’a jamais été un grand contreur (à peine 1 par match en carrière), la défense en générale n’était pas son point fort mais il était loin d’être une passoire. Déjà, tout ailier fort affrontant le Jazz pendant les années Malone devait se poser une question : Comment prendre position au poste bas avec une telle force de la nature qui met un point d’honneur à justement empêcher cette fameuse prise de position ? Pas simple, il faut le reconnaître. Ajoutez à cela, le fait que Malone était un véritable aspirateur à rebonds et qu’il n’hésitait pas à se mettre sur la route de tout attaquant tentant une pénétration, vous obtenez un très bon défenseur. Un défenseur qui n’hésitait pas user de son gros physique pour stopper de manière beaucoup trop virile ces adversaires et qui ne s’en cachait pas :

“Repousser le gars qui est à côté de soi. Oublier la technique. Ne jamais laisser quelqu’un entrer dans son espace. ” Karl Malone à propos de la défense.

Ce sont d’ailleurs certaines des ces actions «défensives» qui inclurent Malone dans une autre polémique. En effet, dans les années 90, beaucoup de joueurs se plaignaient du jeu dur des Pistons de certaines équipes et de certains joueurs dont Karl Malone faisait partie. Il est vrai que notre facteur ne distribuait pas que les paniers en temps et en heure, il distribuait également quelques «colis» remplis de coups de coudes, de coups de genoux ou autre coups de la corde à linge. Ses victimes ? Scottie Pippen, Steve Nash, Michael Jordan pour ne citer qu’eux. Mais, sur ce point, son «fait d’armes» le plus marquant reste cet attentat sur Isiah Thomas un soir de décembre 1991. Résultat : 40 (oui, oui 40) points de suture pour Zeke et un seul (oui, oui un seul) petit match de suspension pour Malone. Il faut tout de même souligner l’ironie de cette situation : le patron des Bad Boys de Detroit qui se fait découper sur une faute que son coéquipier Bill Laimbeer n’aurait pas reniée

Video de la “rencontre” Malone – Thomas… (Attention, video à caractère violent) 
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Le meilleur ailier fort offensif de l’histoire ?

Lors de la polémique qui suivit cet attentat, Karl Malone eut ces mots doux et compatissants envers Isiah Thomas qui prétendait être devenu pratiquement aveugle suite au coup reçu :

“Bon, déjà il ment quand il dit être devenu aveugle. Peut-être avait-il trop bu ou trop fumé la veille…”

Isiah Thomas a du apprécier… Après s’être bien échauffé sur les parquets, Malone est même aller tester ses gros muscles sur un ring de catch. Il y rencontra d’ailleurs Dennis Rodman. Les deux hommes purent ainsi terminer le petit combat qu’ils avaient commencé au match 6 des Finales 1998. Mais revenons au jeu car c’est bien sur le parquet que Karl Malone a suscité l’admiration de tous les observateurs du début à la fin de sa carrière. Car pour faire de telles lignes de stats soir après soir au poste 4 en NBA, il faut la combinaison rare d’une puissance physique hors du commun, d’une vitesse digne d’un arrière, de qualités techniques fabuleuses, d’une intelligence de jeu très au-dessus de la moyenne et d’un mental en acier trempé. Une combinaison que le grand Karl a cultivé et amélioré au fil des ans, à force de travail.

Alors bien sûr, Karl Malone a aussi eu la chance d’évoluer 18 ans aux côtés du meilleur passeur de tous les temps, John Stockton. Il ont formé ensemble le meilleur duo meneur – ailier fort de l’histoire. Évidemment ça aide. Mais ça ne fait pas tout, loin de là. Pour marquer, en carrière, 36 928 points en saison régulière (2ème All Time) et 4 761 points en playoffs (6ème All Time), on ne peut pas se contenter d’attendre les passes d’un meneur aussi fort soit-il. On peut discuter du fait que Karl Malone ne soit pas le meilleur ailier fort de l’histoire d’un point de vue global mais sur le plan strictement offensif, le Mailman est clairement le meilleur poste 4 à avoir jamais foulé les parquets NBA. Son arsenal était absolument complet. Au poste bas, il possédait une palette de mouvements variés allant du bras roulé (des deux mains) au petit shoot à 4 mètres en passant par les démarrages canons finissant par un bon gros dunk. Il provoquait bien sûr bon nombre de fautes qu’il transformaient en points (à 75%) sur la ligne de lancers francs (9 lancers par match en carrière). Il était capable de shooter d’un peu partout dans le périmètre (sauf à 3 points), il était capable de placer un drive si son défenseur le serrait de trop près. C’était ça Karl Malone : la technique et l’agilité d’un petit ailier dans le corps d’un ailier fort massif. Un joueur qui aimait courir en contre attaque, un joueur absolument inarrêtable une fois lancé. Un joueur qui marqua 61 points aux Bucks un soir de Janvier 1990, le tout à 21/26 au tir et 19/23 au lancers tout en prenant 18 rebonds ! Un joueur suffisamment vif pour intercepter un ballon en coupant une ligne de passe comme un arrière et partir, en coast to coast, pour aller marquer à l’autre bout du terrain. Un joueur qui aimait faire le show avec des dunks spectaculaires. Si on décernait un jour le titre de meilleur intérieur offensif de l’histoire, Karl Malone serait mon choix numéro 1.

Un joueur ne devient pas non plus double MVP (1997 et 1999) par hasard. Même si beaucoup ont critiqué le choix de Malone pour MVP en 1997 (encore une polémique !), sûrement les mêmes qui avaient critiqué celui de Barkley en 1993, prétextant qu’ils (Barkley et Malone) étaient des MVP de substitution afin de ne pas élire Michael Jordan tous les ans. Il est vrai qu’en 1997, MJ aurait pu être MVP de la saison régulière car il faisait une saison à peu près dans ses standards statistiques en carrière (30/6/4) mais attribuer ce trophée au Mailman – qui avait tourné à 27,5 points, 10 rebonds et 4,5 passes décisives au sein d’un Jazz avec le meilleur bilan de l’année (64 -18) – était très loin d’être un scandale. Le Jazz du duo Stockton – Malone échouera d’ailleurs en Finales cette année-là, ainsi que la suivante face aux Bulls du trio Jordan – Pippen – Rodman. Une dure déception, très dure à avaler pour les deux compères de Utah. Karl aura une autre chance d’aller chercher une bague en 2004. Il a alors 40 ans, son pote Stockton vient de prendre sa retraite mais il est entouré de Shaquille O’Neal, Kobe Bryant et Gary Payton au sein d’une équipe de Lakers qui fait peur à toute la ligue. Pourtant, cette équipe de stars ne franchira pas l’obstacle Pistons en Finales. Le Mailman en restera là et prendra, lui aussi, sa retraite dans la foulée de ces troisièmes Finales perdues.

Il a ainsi intégré le club fermé des légendes sans bagues. Une légende sélectionnée 14 fois au All Star Game dont il a été MVP deux fois. 14 fois dans les All NBA Team, 2 fois dans la All Defensive team. 6ème meilleur rebondeur de l’histoire avec 14 928 prises, Malone détient le record du plus grand nombre de double double en carrière (814) et celui du plus grand nombre de lancers francs réussis (9 787).

Intronisé au Hall of Fame en 2010, son maillot n° 32 a bien évidemment été retiré par le Jazz. Des honneurs tout à fait légitimes pour cet immense joueur qui est d’ailleurs revenu dans la franchise de son cœur en tant que coach assistant avec pour mission principale d’aider Derrick Favors et Enes Kanter à progresser. Peut-être verrons nous un jour le grand Karl dans la peau d’un Head Coach ? Une chose est sûre dans pareil cas : les joueurs n’auraient pas intérêt à faire leurs livraisons de paniers en retard…  

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