Comment analyser la blessure de Russell Westbrook ?

Le 27 avr. 2013 à 08:15 par Bastien Fontanieu

La nature humaine fait que nous acceptons souvent les informations qui nous sont données sans réaliser d’analyse à postériori. Seulement, dans le cadre d’une blessure en plein PlayOffs, il est important de prendre suffisamment recul pour tenter de comprendre ce que cet évènement douloureux peut créer, dans le futur proche comme lointain. Qu’est ce que l’absence de Russell Westbrook implique pour le Thunder ? C’est ce que nous tenterons d’expliquer sous plusieurs points.

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Avant toute chose, remettons la situation dans son contexte. Les Rockets se rendent à Oklahoma City ce Mercredi pour tenter de gagner un match avant de rentrer dans le Texas. Kevin McHale décide donc de jouer son joker en insérant Patrick Beverley dans son cinq majeur, afin d’aider Jeremy Lin à arrêter de jouer comme un meneur d’honneur départementale. Le coup est payant, puisque Houston reste dans le match au début de la partie, sous la pression défensive du-dit Beverley qui commence à sérieusement agacer Russell Westbrook. Le meneur du Thunder se fritte même avec ce dernier, au point que les arbitres soient obligés de les séparer en plein second quart-temps. Sur une demande de temps-mort anodine, Beverley tente l’interception et provoque alors le drame : son genou percute celui du All Star, qui se met immédiatement à boiter. Laissant ses émotions prendre le dessus, Russell frappe violemment la table de marque et menace son assassin du regard. En le voyant monter à une telle altitude émotionnelle, le public souffle tout de suite que quelque chose ne va pas. Mais en bon Iron Man qu’il est, RW décide de concentrer sa frustration sur son genou et agresse les Rockets sans relâche, pour finir le match avec la victoire et 29 points. On se dit alors que ce n’était qu’une bonne vieille béquille, et que le phénomène soufflera sur tout ça avec un Doliprane au vestiaire. Sauf que les analyses du lendemain créeront l’avalanche : le choc en question a créé une perte de cartilage au niveau des ménisques, qui doit forcer l’opération et mettre Westbrook de coté. Comment analyser cette perte ?

“Ceux qui me connaissent savent que je ne joue jamais dans l’optique de blesser quelqu’un. Je joue à une seule vitesse, et elle est rapide. J’ai tenté d’intercepter le ballon avant qu’il demande un temps-mort et nos genoux ont percuté.” Patrick Beverley

– La première question à se poser concerne l’aspect collectif. En effet, qu’en est-il du Thunder sur ces PlayOffs, si Westbrook est indisponible plus de 3 à 4 semaines ? Il est évident que la franchise possède encore suffisamment d’expérience, de défense, et de puissance offensive pour écarter les jeunes Rockets au premier tour. Mais en demi-finale ? Pourront-ils créer l’exploit ? Les chances sont très minces. Car la bête qu’affronte le leader de la Conférence Ouest n’est autre que le vainqueur de la série Memphis Grizzlies – Los Angeles Clippers, soit la meilleure série de ce début de PlayOffs et qui propose au passage deux des plus gros favoris pour continuer à jouer en Juin. Kevin Durant aura donc l’occasion de faire péter les scores sur les prochains jours face à Houston, mais rien que le fait d’imaginer l’attaque d’OKC limitée au phénomène et quelques piges de Kevin Martin sur la muraille de Memphis ou les défenseurs d’expérience de Los Angeles doit créer une dépression grave dans le camp de Derek Fisher. Une blessure qui donne notamment le sourire à un certain Tony Parker, qui aurait eu de fortes chances de le rencontrer, mais qui pourrait au final voir ses chances d’un quatrième titre se décupler. On croit tout de même à l’exploit, mais il était déjà difficile d’imaginer le Thunder de retour en Finale avec Russell Westbrook vu leur régression défensive et leur isolation offensive, signée Scott Brooks. Du coup maintenant…

– La deuxième question concerne justement ce dernier. Scott Brooks a-t-il l’étoffe d’un des meilleurs entraineurs de NBA ? Récompensé en 2010 par le titre de Meilleur Coach de l’Année, l’ancien meneur des Rockets a souvent été critiqué pour proposer des systèmes offensifs très pauvres, souvent concentrés autour du talent de ses stars et leur capacité à prendre de bonnes décisions basées sur leurs instincts. Une critique justifiée ? Des éléments de réponses apparaitront dans les prochains jours, pour voir si son équipe tient la route sans un All Star. A la manière de Miami l’an passé, qui perdait Chris Bosh face aux Pacers en demi-finale, Erik Spoelstra possédait certes LeBron James et Dwyane Wade mais il a su garder l’esprit de ses troupes au top pour se défaire d’Indiana, aux portes de l’exploit. Cette année, c’est Mark Jackson qui est en train de faire taire toutes les grandes gueules en dominant Denver sans son seul et unique All Star, David Lee. Le niveau qui sépare les deux Conférences est bien évidemment énorme, mais Brooks sera de ce fait attendu au tournant, pour montrer sa capacité à réagir face à des imprévus, et garder un niveau de compétitivité élevé malgré les aléas d’une saison NBA. Les Celtics de 2010, les Spurs de 2011 et les Bulls de 2012 en savent quelque chose. Ce qu’il ne sait pas d’ailleurs, c’est que le compte-à-rebours a déjà commencé au-dessus de sa tête : encore une année sans titre, et ce malgré l’injustice qu’apporte une blessure au mauvais timing, et on pourrait vite voir le management du Thunder commencer à contacter les plus gros cerveaux disponibles sur le marché. La NBA est cruelle, mais la NBA est un business.

– La troisième question se penche sur l’importance de Russell Westbrook dans l’effecif du Thunder. Joueront-ils mieux sans lui, sa sélection de tirs affreuse et son manque de discipline en tant que meneur ? Une théorie qui a démarré depuis maintenant plusieurs années affirme qu’Oklahoma City jouerait bien mieux avec un vrai meneur à la place de RW. Personnellement, je la soutiens de A à Z. Mais il est important de remettre les situations dans leur contexte : affirmer que les Lakers jouent mieux sans Kobe, c’est possible sur une saison entière. Mais se blesser trois jours avant les PlayOffs ne permet pas à une équipe de construire des automatismes en son absence, et on assiste alors à des massacres comme celui d’hier soir par les Spurs, surtout quand on a un coach mauvais depuis sa naissance à sa tête. Pareil pour les Celtics, qui ont dû garder toute cette saison leurs mains sur les piliers afin d’éviter l’effondrement de la franchise de Boston sans Rajon Rondo, et ont pu compter sur Doc Rivers. Chicago a été capable de faire le boulot sans Derrick Rose mais avec Tom Thibodeau, sauf que les PlayOffs sont aussi connus pour proposer le niveau des stars à leur paroxysme et leur importance dans le jeu. C’est ce qui devrait se produire avec Kevin Durant : le meilleur attaquant de sa génération va désormais posséder 95% des tickets offensifs pour les prochaines semaines, et on risque d’assister à des performances venues d’une autre planète. Une bonne chose ? On sait seulement que cet échantillon sera le seul élément pour nourrir les théoriciens anti-Westbrook, car l’animal n’a jamais manqué un match de NBA depuis son arrivée dans la Ligue. L’occasion donc d’assister à l’éclosion complète de la star du Thunder, qui devait vivre au quotidien avec un Russell capable de prendre plus de tirs que lui en moyenne. Une situation inacceptable et qui dure depuis bien trop longtemps dans cet état du Sud. Comment oser limiter un tel talent à cause d’un meneur qui bouffe la balle et prend des tirs à trois-points avec 18 secondes sur l’horloge des 24, une question qui devrait vite apparaître au petit déjeuner de Scott Brooks chaque matin.

– La quatrième question concerne les décisions financières d’Oklahoma City. En effet, après avoir transféré successivement James Harden puis Eric Maynor, le Thunder connaitrait-il un retour de Karma négatif ? La saison avait débuté assez bizarrement en voyant le départ de Leonidas à Houston, que tout le monde tentait de couvrir en nous bassinant avec les statistiques de Kevin Martin, à des années lumières de ce qu’apportait réellement le barbu à son ex-franchise. Ce dernier devrait au passage se frotter les mains de l’absence de son ancien coéquipier, puisqu’une possible surprise est concevable : il devra tout donner devant son public et confirmer qu’il fait partie des stars actuelles. En Février, OKC réalisait sa deuxième erreur majeure en se débarrassant d’Eric Maynor, ressuscité depuis peu à Portland et capable de tenir encore la barque à la mène. Sans Westbrook, ces deux hommes auraient fait un bien fou à Scott Brooks. Capables de créer pour eux comme pour les autres, ils apportaient ce dont le Thunder manque cruellement actuellement : une seconde option balle en main derrière Kevin Durant. Car il ne faudra pas beaucoup de temps aux adversaires de l’ailier pour deviner comment terrasser le leader de la Conférence Ouest : blinder KD avec deux à trois défenseurs, et derrière il n’y aura plus de création. Sam Presti recevrait-il donc une de ses premières leçons en tant que jeune General Manager ? Le génie issu de la maison Spurs a fait jusqu’ici un boulot remarquable, mais a étonné beaucoup de monde avec ces deux transferts. Que fera-t-il cet été concernant Kevin Martin qui est en fin de contrat ? Quelle décision prendra-t-il si Scott Brooks déçoit et se fait limite sweeper en demi-finale ? Des questions auxquelles il devra répondre rapidement, après des années de bonheur marquées par la participation du Thunder aux Finales de l’an passé. Finir second, comme dirait si bien KD, ça craint. A Presti de faire passer le scoreur le plus doué de la Ligue à la marche suivante, avec ou sans Russell Westbrook, et en se basant sur ce que son équipe va produire pendant ces quelques matchs d’absence.

“Les blessures font partie du sport et tout le monde doit faire avec. Donc notre équipe doit se regrouper et faire des ajustements. On a un super groupe, mené par un super coaching staff, donc cela demandera un effort commun pour  remporter ce Game 3, qui est la seule chose à laquelle nous pensons actuellement.” Sam Presti, GM du Thunder

– Enfin, la dernière question concerne le cycle du Thunder. Après des années de progression marquées par la participation en Finale l’an passé, la franchise d’Oklahoma City aurait-elle trouvé son plafond ? Depuis plus de quatre ans, qui ne se régalait pas de voir ces jeunes loups cavaler sur tous les parquets de la Ligue, en faisant tomber la foudre et montrant la qualité de leu jeu collectif. Bien plus matures que ce que leur carte d’identité ne laisse envisager, les deux All Stars de la franchise permettaient au Thunder d’atteindre sa première finale l’an passé face à Miami. Terrassés par un LeBron James de rêve, les coéquipiers de Serge Ibaka se rendaient alors compte que leur petite marche aux allures de conte pour enfant venait toucher à sa fin. Forcément, en participant au dernier carré, les attentes seraient de ce fait réduites à deux petits mots pour la saison suivante : le titre. Un pression lourde à assumer, mais qu’OKC semblait plutôt bien négocier cette saison en s’emparant de la première place de la Conférence Ouest. Avec cette blessure, arrivent-ils donc à la fin de leur cycle ? Doivent-ils réaliser des changements afin d’assurer à Kevin Durant la possibilité de pouvoir gagner une bague sous ces couleurs ? Les stars de la NBA le savent, la réalité des gros marchés est plus évidente que jamais. Et après avoir vu LeBron James quitter Cleveland, il ne serait pas étonnant de voir Durant faire ses bagages d’ici quelques années pour avoir buté sur le même obstacle floridien en compagnie de Russell Westbrook. Cette blessure sera-t-elle donc un clin d’oeil concernant l’avenir brillant de Durant à OKC, ou un rappel brutal que ses chances sont limitées en compagnie d’un meneur qui mange trop la balle ?

Comme on peut le voir, cette simple blessure ne provoque pas seulement une absence dans l’effectif du Thunder. Ce retour de bâton vient aussi apprendre la dure réalité de la NBA à Oklahoma City, une ville qui surfait sur la vague de la montée au succès depuis plus de quatre ans. En atteignant les Finales l’an passé, Kevin Durant a trouvé son plafond. Il sait qu’il devra battre LeBron pour avoir une bague. Et cette blessure, bien qu’elle concerne Russell Westbrook en premier, a un impact majeur sur KD. Est-elle le coup de pouce du destin qui lui permettra d’exploser comme il est censé le faire depuis des années en voyant le départ de RW ? Ou pénalisera-t-elle justement ses chances d’évolution avec Oklahoma City, le poussant vers la porte ? Une perspective inquiétante sur le court terme, mais qui pourrait créer une énorme vague de changements d’ici quelques mois. A suivre…


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