Le Thunder favori à l’Ouest : un karma qui fait des siennes ?

Le 15 avr. 2013 à 18:03 par Bastien Fontanieu

Kobe Bryant, Tony Parker, Manu Ginobili, Kenneth Faried, Danilo Gallinari. Cinq hommes, tous touchés par des blessures de fin de saison, comme pénalisés pour leur magnifique parcours 2012/2013. Un coup du sort, tragique pour leur franchise, mais qui fait discrètement le plus grand bonheur d’un homme, souvent oublié dans la course au titre : Kevin Durant.

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Et pourquoi pas le Thunder finalement. Suivi par un soupir des plus blasés, cette affirmation teintée d’une touche de questionnement vient ponctuer deux semaines de basket intense, ou plutôt de boucherie inutile, qui auront grandement décimé les effectifs des concurrents à Oklahoma City. Spurs, Lakers, Nuggets, Clippers, Warriors, Rockets : tous sont passés à la trappe entre le 25 Mars et le 14 Avril, un de ces moments rares où un concours de circonstances se met en place et seuls karma ou religion peuvent avoir leur mot à dire, s’il existe.

Car depuis trois semaines, la liste est affligeante. David Stern, confortablement installé tel Jules César dans son fauteuil de velours, lève et baisse son pouce en fonction de son humeur. Faire revenir les Lakers dans la course aux PlayOffs ? Thumbs up. Réduire le nombre de matchs de ce calendrier barbare, qui ne cesse de rappeler saison après saison que les corps des athlètes de NBA n’en peuvent plus ? Moins de chance. La Ligue souffre de son avidité financière, un vice propre à l’être humain qui détruit hélas les carrières de nombreux gladiateurs, réalisant leur rêve en jouant quotidiennement en NBA. Après tout, c’est cette même Ligue qui explose en ce moment sur les cinq continents, grâce au travail énorme et évident de son gourou depuis plusieurs décennies. Serions-nous aussi contents si la NBA réduisait son calendrier, mais que par équation la médiatisation de notre sport préféré s’en voyait réduite ? C’est là aussi un vice naturel qu’il faut tenter de vaincre. Du coup, le spectacle en est devenu consternant depuis plusieurs saisons : tanking maximal autour des fêtes de Pâques chez les équipes de bas de tableau, et repos forcés auprès des stars qui assurent leur qualification en PlayOffs à l’avance. Le premier phénomène atteindra d’ailleurs son paroxysme la saison prochaine, les équipes voyant déjà une cuvée de Draft 2014 tout simplement légendaire en perspective : il ne faudra pas s’étonner à voir les pires résultats de l’histoire. Et régler le second problème à la fois, en limitant la saison à 66 matchs (petit calcul pour une compétitivité maximale) mais sur le même nombre de mois, est-ce possible ? Le tout dans la bonne foi, sans éviter la polémique Heat – Spurs ?

Revenons-en à nos moutons. Ou plutôt à nos bisons, comme dirait Rumble la mascotte officielle du Thunder. Avec sa jeunesse et une petite touche de chance, c’est désormais cette équipe qui peut fièrement annoncer être en passe de retourner en Finale dans la super-compétitive Conférence Ouest. Les Nuggets, qui avaient gagné trois de leurs quatre matchs face à Russell Westbrook cette saison, ne sont plus les mêmes : Danilo Gallinari ne jouera plus de la saison, et Kenneth Faried semble avoir perdu une bonne cheville hier soir. Les Spurs, vainqueurs à deux reprises, ont perdu Manu Ginobili et Tony Parker en l’espace de quelques jours. Le français faisant son retour dans l’effectif, mais en voyant sa performance face aux Lakers et même le Thunder récemment, il avouait lui-même être revenu trop tôt et ne pas avoir assez reposé son corps, balancé tous les soirs dans les raquettes tel un kamikaze. Et les Lakers, débarrassés privés de leur légende au numéro 24, ne peuvent pas tenir face aux jeunes phénomènes d’Oklahoma City. Que cela soit en défense ou en attaque, ce premier tour sera certes des plus intéressants pour les hommes de Mike D’Antoni, mais ne devrait pas proposer la moindre chance aux Lakers de l’emporter sans la présence du Black Mamba. Enfin, ce n’est pas sans parler des Chandler Parsons, Andrew Bogut, Chauncey Billups et Caron Butler, tous touchés en cet espace de trois semaines, que nous allons augmenter les chances d’OKC. Mais le fait est là, indéniable, agaçant, car effaçant grandement les perspectives de batailles épiques que nous nous faisions il y a encore un mois concernant la conquête de l’Ouest : le Thunder sort indemne de ce carnage physique, et aborde les phases finales en grand favori.


Mérité ? Logique ? Discréditer Oklahoma City après sa belle saison régulière serait osé, voir injuste. Mais après tout, c’est notre boulot. Le Thunder, qu’on refuse de le voir ou non, est moins bon que l’an passé. Si son attaque s’est améliorée, et que ses statistiques collectives ont été boostées, sa défense a bel et bien empiré, et la créativité offensive a perdu de sa beauté. James Harden, balancé comme un malpropre avant le début de saison, a fait décoller les fusées à Houston, mais les fans de Kevin Durant se tuent à répéter aveuglement que Kevin Martin apporte presque autant que le barbu la saison précédente. Non. Se limiter à des arguments statistiques revient à ne pas regarder le moindre match de cette équipe, et fonder du même coup des théories basées sur du vent. Cela ne marche pas. Véritable peste défensive dans le second cinq, Harden rendait fou les Kobe et Wade de par sa pression physique et sa connaissance de la défense en un-contre-un. Créateur génial en attaque, il était capable de se faire plaisir, tout en mettant en avant les Nick Collison ou Derek Fisher, devenus aujourd’hui orphelins des pénétrations assassines du Meilleur Sixième Homme de la saison passée. Non, le Thunder n’est pas meilleur depuis le départ de James Harden. Kevin Martin apporte un punch offensif indéniable, mais son seul apport se fait dans la recherche des lancer-francs, et la création pour lui-même. Sa défense est sans-commentaire, et sa capacité à mettre les autres joueurs en avant proche du néant. Est-ce un problème au final ? Pas tant que ça, sur le court-terme : OKC a surfé toute la saison, en jouant à un rythme effréné, et en donnant du coup davantage de munitions aux Kevin Durant et Russell Westbrook, les deux gamins auteurs de campagnes sublimes. Mais comment le Thunder s’en est-il sortit face aux Spurs la saison passée ? En défendant durement, et en jouant sur leur polyvalence offensive. Jouant le pick and roll entre KD et RW, remettant souvent la balle dans les mains de James Harden, commettant homicide sur homicide derrière les écrans dans le money time. Une superstar qui faisait que le trio du Thunder était injouable à l’Ouest, tout autant que celui du Heat à l’Est. Est-ce encore un trio avec Martin ? Absolument pas. Sa science de l’attaque est précieuse, mais son jeu est individualiste : les défenses qu’il rencontrera au printemps seront nettement plus intenses que celles qu’il a affronté jusqu’ici. Harden, quelle que soit la défense, disséquait ses proies avec la patience d’un All Star, statut qu’il a justifié cette année en accueillant la planète basket chez lui à Houston en Février dernier.

Du coup, comment évaluer ce changement d’effectif majeur dans les semaines à venir ? Le Thunder, suite à cette avalanche de blessure, a avant toute chose une plus grande probabilité de retourner en Finale. Seuls les Clippers, et je n’engage que moi dans cet article, peuvent se dresser face aux kidz, notamment par l’absence de munitions offensives des Grizzlies, ces derniers ayant pourtant bien énervé OKC. Les Clippers, Chris Paul, leur taille, leur expérience, moins prévisibles en attaque. Mais une fois en Finale, comment oser affirmer que ce même Thunder, amputé d’un All Star, retourné vers ses deux phénomènes, va pouvoir battre un Miami Heat encore plus fort que la saison passée, et mené par un LeBron James dont la tête et les épaules dépassent largement la compétition ? Comment lire que le Thunder a des chances de gagner le titre, maintenant que leur attaque est devenue des plus prévisibles, et que cela s’est vu lors des deux confrontations de saison régulière entre les deux derniers finalistes ? Comment imaginer qu’un score différent de 4 à 1, ou 4 à 2, ait lieu quand on voit leurs lacunes défensives ?

A eux de nous prouver que certains ont tort, de ne pas croire en eux, en leurs choix, en leur meneur, en leur coach. Après avoir illuminé la scène mondiale sur plusieurs saisons par créativité offensive et engagement défensif, Kevin Durant et Russell Westbrook vont devoir affronter leur pire cauchemar : des défenses prévenues, prêtes, et libérées du génie qu’apportait James Harden au Thunder. Une réalité qui fera bientôt mal, et entrainera forcément son lot de questions quant à l’avenir de cette franchise, si la bague n’est pas enfilée au doigt, karma ou pas.


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