Le 13 décembre, les Warriors (24-0) perdaient le premier match de leur saison face aux Bucks
Le 13 déc. 2025 à 12:38 par Hisham Grégoire

Il y a dix ans, les Warriors débarquaient à Milwaukee avec un 24-0 lunaire et la tête dans les étoiles. Ils sont repartis avec une défaite, des « 24-1 » plein les yeux et une nouvelle rivalité à base de t-shirts bien salés. Retour sur la nuit où le monstre a trébuché.
Décembre 2015, la NBA est un immense panneau publicitaire pour les Warriors. 24 victoires, zéro défaite, un jeu qui ressemble plus à un glitch qu’à du basket normal, Steph Curry qui enchaîne les bombes du logo, Draymond Green qui fait tout, partout, tout le temps. Même les chiffres ne suivent plus : meilleure série de début de saison de l’histoire, 28 succès d’affilée en comptant la fin de l’exercice précédent. La veille, Golden State vient de survivre à Boston au bout de deux prolongations, match épuisant, minutes qui s’empilent dans les jambes, dernier stop d’un road trip de sept rencontres. Et au bout de la route, il y a… Milwaukee. Pas le genre de ville qu’on surligne en rouge sur le calendrier, mais ce soir-là, c’est la ville qui fait tomber le boss final.
L’ambiance au Bradley Center ne ressemble pas à celle d’un simple match de saison régulière entre un ogre et un petit 9-15 de Conférence Est. Les Bucks sont jeunes, un peu brouillons, mais athlétiques, sans complexe, et surtout très au courant de ce qui se joue : l’occasion d’être la première équipe à coller un « 1 » dans la colonne des défaites de Golden State.
Dans les tribunes, certains ont déjà tout prévu : t-shirts verts « 24-1 » sur le torse, pari assumé, troll à l’avance. On ne sait pas encore si c’est de l’inconscience ou du génie, mais tout le monde a compris que la série fait partie du show et que Milwaukee peut s’offrir un moment historique pour pas cher.
Milwaukee Bucks fans wore ’24-1′ shirts at game vs. Warriors https://t.co/y0QIwmoToi pic.twitter.com/iCqxW188Gv
— Bleacher Report (@BleacherReport) December 13, 2015
Sur le parquet, on voit très vite la différence de fraîcheur. Les Warriors font encore illusion par séquences, mais la machine déraille par petites touches. Le ballon circule moins vite, les systèmes sortent un demi-tempo en retard, l’adresse extérieure part en vacances (6/27 du parking, alors que la bande de Curry en colle 13 par soir en moyenne).
En face, les Bucks jouent comme si c’était leur Game 7 : Greg Monroe martyrise la raquette avec 28 points, 12 rebonds et 5 passes (cette phrase), Giannis Antetokounmpo fait du Giannis version bêta, 11 points, 12 rebonds, 8 passes, et tout le monde se partage les miettes. C’est propre, c’est agressif, ça ne recule jamais.
Le scénario, lui, casse complètement le mythe du comeback automatique signé Golden State. D’habitude, tu vois l’écart grimper, tu pars deux minutes aux toilettes, tu reviens, les Warriors ont passé un 18-2 en quatre minutes et tout le monde range les banderoles. Là, non. Milwaukee prend la tête, la garde, la remet si jamais Curry et ses copains s’approchent un peu trop.
Steph finit bien à 28 unités, Draymond sort une ligne de patron avec 24 points et 11 rebonds, mais chaque run californien se fait éteindre par un floater, un tir mi-distance, un and-one de Monroe ou un drive de Michael Carter-Williams (cette phrase). Et pour humilier un peu plus la dynastie naissante, MCW se paye même un gros dunk en fin de match avec stare down vers le banc, histoire de graver le truc dans les têtes pour le retour à l’Oracle.
9 years ago today, the Bucks’ ended the Warriors’ 24-0 start to the 2015-16 season 😤 pic.twitter.com/RBBRBHSDWN
— Bucks Lead (@BucksLead) December 12, 2024
Au buzzer, le scoreboard affiche 108-95 pour Milwaukee, la série s’arrête là, et les fans en vert n’ont plus qu’à pointer du doigt leurs t-shirts « 24-1 » devenus prophétiques. Les joueurs célèbrent, Jason Kidd lâche que ce n’était pas tant la série qui l’intéressait que l’idée de taper les champions en titre, et la NBA comprend que le monstre Warriors peut aussi perdre sans buzzer-beater, sans scandale d’arbitrage, juste parce qu’en face, ça joue fort et que le calendrier peut se transformer en piège.
Sauf que l’histoire ne s’arrête pas au Wisconsin. Quelques jours plus tard, le 18 décembre, les Bucks débarquent à Oakland pour le match retour. Entre-temps, Golden State a repris sa marche en avant, et l’Oracle se prépare à une petite correction symbolique. Dans les tribunes, cette fois, ce sont les fans des Warriors qui dégainent la punchline textile : sur des t-shirts bleus signés Oaklandish, on peut lire « 10-18 », référence bien sentie au bilan de Milwaukee à ce moment-là. Réponse directe au « 24-1 » de la semaine précédente, vanne assumée, petit message : « ok, vous nous avez fait tomber, mais regardez aussi le classement. »
Remember the 24-1 shirts in Milwaukee?
The @0aklandish folks responded for tonight’s rematch. (via @SpearsNBAYahoo) pic.twitter.com/JDVasITjFB
— ESPN (@espn) December 18, 2015
Sur le terrain, la hiérarchie est cette fois respectée : les Warriors vengent leur unique défaite en gagnant 121-112, Curry en met 26, Klay Thompson en ajoute 27, Draymond Green fait tout ce qu’il sait faire, et les Bucks repartent avec un score plus logique et des t-shirts en pleine figure. Jason Kidd prend la chose avec le sourire, expliquant que si les fans de Golden State prennent le temps de dépenser de l’argent pour se moquer du bilan de Milwaukee, c’est finalement un compliment.
De son côté, Luke Walton, coach intérimaire des Warriors, avoue qu’il a trouvé les deux séries de t-shirts plutôt marrantes. Au milieu, la NBA se frotte les mains : en moins d’une semaine, un match de saison régulière s’est transformé en mini-série, avec storyline, beef, et souvenirs pour tout le monde.
Dix ans plus tard, quand on repense à la saison 2015-16 des Warriors, on revoit les 73 victoires, le Steph en feu permanent, le Game 6 à OKC, la remontada des Cavs en Finales… mais aussi ce soir de décembre dans un Bradley Center bouillant où une équipe moyenne sur le papier a décidé de jouer la meilleure équipe du monde comme si c’était le match de sa vie.
On se rappelle Giannis encore tout jeune, Greg Monroe en mode All-Star d’un soir, les « 24-1 » qui deviennent des memes instantanés, puis les « 10-18 » qui remettent chacun à sa place. Une piqûre de rappel qu’en NBA, même les monstres ont des mauvais soirs, et qu’il suffit parfois d’un back-to-back mal placé, d’une salle en fusion et de quelques t-shirts bien sentis pour renverser l’ordre établi.
