Evan Fournier en NBA : retour sur l’histoire américaine d’un très grand du basket-ball français

Le 03 sept. 2024 à 12:41 par Robin Wolff

Evan Fournier Knicks numéro 13 16 août 2021
Source image : montage via FIBA

Evan Fournier vient de signer à l’Olympiakos. Une nouvelle merveilleuse pour un joueur qui en rêvait, mais qui sonne aussi, très probablement, le glas de son aventure en NBA. Un des meilleurs scoreurs français de l’histoire du basket-ball français quitte la Grande Ligue et ne pouvait partir sans un hommage … à notre manière.

Scène d’exposition – (S)a définition

Encore hier, Evan Fournier postait une photo de la ligne 1 du métro parisien sur ses réseaux sociaux, sans doute en direction de l’Insep pour s’entraîner. Comme beaucoup de jeunes de la région parisienne, l’adolescent de Charenton a connu “une jeunesse à la couleur des trains” avec dans les oreilles des paroles qui le portaient et construisaient son ambition. “RER C, pendant le trajet, j’rêvais de percer”, ça frappe plus fort lorsqu’on l’emprunte avec un rêve. Pour Vavane, c’est le basket-ball et la NBA ; “pousser comme une ortie parmi les roses” pour tuer les défenseurs “d’ici à NYC”. Très tôt Evan Fournier a trouvé sa définition, ce qui lui a permis, plus tard, de se faire une place dans le dictionnaire des noms propres. Un jeune homme qui écoutait du Booba sur son enceinte avant d’en faire résonner dans toutes celles de NBA.

Acte 1 – Ouest Side

De l’Ouest de la France à Poitiers à celui des Etats-Unis à Portland, c’est dans un documentaire Stade 2 que beaucoup découvrent Evan Fournier. Un jeune homme de 18 ans prêt à saisir sa chance lors du Nike Hoop Sumit 2011. L’envie de faire des passes décisives avant son départ, beaucoup moins une fois arrivé ; les jeunes pousses américaines croquent pour se montrer, mais le Français est un requin qui sait éviter de se faire couper l’herbe sous le pied. Six points, six rebonds et une déception qui ne suffisent pas à entacher sa motivation. Se remobiliser en citant face caméra du Andrea Bargnani, et si c’était ça la marque des plus grands ? (non)

Acte 2 – Au bout des rêves

Un petit peu d’un an plus tard, une phrase vient récompenser les efforts fournis pendant toute sa vie. Une phrase mythique, mais qui lui est cette fois destinée, qui a lancé tant d’aventures, mais cette fois c’est au tour de la sienne. “With the 20th pick in the 2012 NBA Draft, the Denver Nuggets select Evan Fournier.” La tête pleine de rêves (et de cheveux), il monte sur scène avec une casquette de la franchise du Colorado et salue Adam Silver David Stern, oui, ça commence à remonter.

Deux saisons d’apprentissage à Mile High City dont la première dans une équipe compétitive menée par Andre Iguodala. George Karl, l’entraîneur, est du genre à préférer se noyer dans le Grand Bain plutôt que d’y lancer ses jeunes joueurs. Les dents (de la mer) d’Evan Fournier rayent la baignoire ; le requin doit s’armer de patience.

Même s’il y a de la frustration, il y a de l’émerveillement, l’arrière découvre toute les salles et les villes de NBA. Il tombe amoureux de New York City, simule un malaise à chaque fois qu’il faut prendre l’avion pour Memphis avant d’en avoir un vrai une fois sur place, mais il apprend. Avec 8,2 points en moins de 20 minutes de moyenne sur les parquets lors de sa saison sophomore, Vavane fait briller des yeux en Floride, et même si ce ne sont pas ceux de Booba, la nouvelle reste excellente. Le Magic envoie Aaron Afflalo surnommé Spell Ckeck et pourtant ce sont les Nuggets qui vont en payer l’addition. Evan Fournier rejoint Orlando, trade remporté par les Bleus, aussi bien la franchise que le joueur.

Acte 3 – Numéro 10

Evan Fournier rejoint une jeune équipe à son image, en construction, mais ambitieuse, avec une étoile sur le maillot qui symboliserait presque les rêves de All-Star Game de l’arrière tricolore. Numéro 10 parce qu’il en faut un dans la team et qu’à terme, le jeu passera par lui. Petit à petit, le futur dégarni fait son nid. Il gagne ses galons de titulaires et développe les premières bases d’un pick-and-roll avec son nouveau meilleur ami en NBA, Nikola Vucevic. Un système qui deviendra l’option numéro 1 de l’attaque de l’équipe quelques années plus tard ; l’arme la plus puissante de l’arsenal sans citer Thierry Henry. Dans la Grande Ligue, le gunner vient de Charenton et sait tirer de loin ; il n’a pas la même technique pour prendre les trois points.

Pendant quelques années, Orlando développe une spécialité : les débuts d’exercices canon et l’effondrement début décembre. Noël est rarement joyeux, mais souvent à la maison pour une équipe qui a du mal à passer un cap … contrairement à son arrière. Chaque saison, Vavane inscrit deux points de moyenne en plus et s’approche dangereusement de la vingtaine de pions par matchs. Le scoreur est sérieux et envoie même régulièrement la trentaine d’unités dans des rencontres, sans jamais parvenir à dépasser son career high de 32 qu’il atteint à quatre reprises, comme un plafond de verre qu’il reste à briser.

La saison 2018-19 est celle où celui d’Orlando vole en éclats. Ironiquement, c’est aussi celle où le Val-de-Marnais shoote le moins bien de sa carrière, une faiblesse qu’il transforme en force ; celle de développer d’autres qualités. Il défend plus, s’améliore à la distribution et comme par Magic, l’équipe joue mieux et se qualifie pour les Playoffs. Un shoot de D.J Augustin lors du Game 1 contre les Raptors maintiendra un petit peu plus le rêve éveillé avant que Kawhi Leonard ne se charge du retour sur terre.

Acte 4 – Comme une étoile

Les 18 mois suivants sont les meilleurs de sa carrière. Lors du début de l’exercice 2019-20, Nikola Vucevic se blesse et Vavane prend en charge l’attaque de l’équipe. Pendant deux mois, entre novembre et janvier, l’arrière est injouable et fait un push réel pour le All-Star Game. Même sans le pivot monténégrin, le Magic reste au niveau et si Orlando parvient à se qualifier pour les Playoffs pour la deuxième année consécutive, c’est en immense partie grâce au Charentonnais.

Evan Fournier a un nouveau statut dans la franchise. Un des leaders de l’équipe, le D.J de la salle aussi. Les adversaires sont déboussolés par un rappeur domicilié à Miami et avec la création de la série géniale Fournier For Real, tout semble aller dans le meilleur des mondes même en dehors des parquets pour le néo-calvitié. Hugo de Bourg Palette se fait rafaler par l’arrière sur YouTube, mais beaucoup d’autres s’en sortent encore bien plus mal, sur les terrains de la Grande Ligue.

Collectivement, en revanche, après une deuxième défaite en cinq matchs au premier tour des Playoffs, le projet construit autour des deux amateurs de Booba et de Koh Lanta, accompagnés par Aaron Gordon semble s’essouffler. Lors de la Trade Deadline 2021, c’est l’heure du bazardage, les trois amis floridiens sont priés d’aller voir ailleurs si Terrence Ross y est. Evan Fournier tourne à 19,7 points de moyenne depuis le début de saison, est dans la forme de sa vie et rejoint une franchise encore bien plus référencée.

Acte 5 – 9(4)i Veyron

Nouveau Celtic, sa quête de titre a pris quelques dos-d’âne, mais au moins il ne fait ni la queue au Ritz, ni au TD Garden. Dans une équipe menée par Jayson Tatum et Jaylen Brown, Evan Fournier connaît une sorte de retour vers le futur. Comme à Denver, il reprend le numéro 94 pour rendre fier son département, comme à Denver également, il y a des patrons sur son poste et sort du banc, comme à Denver enfin, l’objectif est de jouer la bague, même s’il paraît un petit peu ambitieux.

Dans ce nouveau rôle, ses statistiques brutes chutent, mais pas forcément son efficacité. Il n’a plus autant la balle en main, mais s’accommode très bien de ses nouvelles missions en réussissant 46% de ses tirs à longue distance. La rafale dans les arènes adverses est souvent désagréable.

Depuis le début de sa carrière en NBA, Evan Fournier raconte l’histoire, mais veut désormais l’écrire. Troisième participation consécutive à des campagnes de Post-Season et malheureusement le scénario se répète. Une nouvelle défaite d’entrée en cinq matchs ; plus difficile à encaisser qu’un coup de pied retourné dans le groin.

Acte 6 – Gotham

À l’été et pour la première fois de sa carrière, Evan Fournier est agent-libre ; il en profite pour réaliser son rêve. L’admirateur de Denis Brogniart a toujours voulu être l’ultime survivant être un Knick. Gotham City est sa ville préférée, le Madison Square Garden, son arène, et le flambeau, il ne compte pas l’éteindre, mais le reprendre.

Le premier match est un rêve éveillé. Les chouchous de Spike Lee accueillent son ancienne franchise de Boston et s’imposent au bout du suspense dans une ambiance de Finales NBA. Evan Fournier envoie 32 points (comme d’habitude) et est adopté par toute la ville. Charenton influence New York, New York influence la Grande Ligue. Au fil de la saison, la mayonnaise collective ne prend pas très bien, Kemba Walker perd progressivement son rôle de meneur titulaire, et le Français est également un petit peu pointé du doigt, même si son adresse longue distance le protège de critiques plus intenses.

Surtout, un nouvel arc narratif prend vie. Chaque franchise a une bête noire, un joueur qui se transforme en Hall-Of-Famer lorsqu’il la croise ; Vavane devient celle des Celtics. Après son exploit en début de saison, quelque chose en lui s’est éveillé. Il inscrit à nouveau 32 points (si, si promis) en décembre dans le Massachussetts avant de complètement exploser deux semaines plus tard. Le 6 janvier 2022, l’arrière réalise sa meilleure performance en carrière en envoyant 41 points à 10/14 à 3-points contre ses anciens coéquipiers. Une nuit magique pour tout fan de NBA en France.

La saison est faite de haut et de bas, mais Evan Fournier parvient tout de même à décrocher un record historique de franchise (depuis battu par Donte DiVincenzo) : celui du plus grand nombre de 3-points rentrés par un joueur des Knicks en une régulière. La suite devrait être belle …

Acte 7 – Grain de sable

Mais comme souvent, tout ne se passe pas comme prévu. Evan Fournier est, la saison suivante, rapidement désigné coupable de la défense moyenne des Knicks par Tom Thibodeau qui lui préfère Quentin Grimes et un très jeune Miles McBride. Le Français est cloué sur le banc pendant 18 longs mois.

Il perd son rythme bien sûr, mais pas son professionnalisme et reste toujours investi à l’entraînement. Celui qui est désormais considéré comme un vétéran donne des conseils aux joueurs moins expérimentés de l’effectif et peut partir la tête haute lorsqu’il se fait transférer à Detroit lors de la Trade Deadline 2024.

Dans le Michigan, Evan Fournier retrouve du temps de jeu et signe quelques performances intéressantes, dépassant même la barre des 20 points face aux Philadelphia Sixers, mais pas assez pour convaincre une autre équipe de lui redonner une chance dans la Grande Ligue. L’arrière conclue sa carrière en NBA après une aventure riche et un dernier match à 6 points, comme au Nike Hoop Summit 13 ans auparavant. Même Andrea Bargnani n’a pas connu une telle longévité.

 

Le dénouement – Ad vitam æternam

Evan Fournier aurait peut-être pu aller chercher de meilleurs résultats collectifs, une sélection au All-Star Game et des performances individuelles marquantes encore plus nombreuses, mais il a déjà réussi bien assez de choses qui poussent à la reconnaissance et au respect. Au-delà de ses réalisations quantifiables, le joueur de Charenton, c’est surtout celui qui a montré à toute une génération de jeunes fans français, arrivés après Tony Parker, qu’un tricolore pouvait être un scoreur en NBA. C’est une grande gueule dans le meilleur sens du terme qui a montré qu’il était possible d’avoir une excellente communication en étant ouvert, honnête et soi-même et que c’était tellement mieux que les réponses langues de bois et sans saveur. C’est un gars avec qui on a envie de lier une amitié, grâce à son authenticité et sa proximité avec son public. Enfin, c’est un jeune homme qui, dans la ligne 8 du métro parisien avait des rêves : être médaillé olympique, jouer aux New York Knicks, jouer à l’Olympiakos. Alors comment ne pas dire bravo ?

Evan Fournier était le Futur, mais sans jamais prendre aucun Temps Mort, il a réussit à devenir le D.U.C de Charenton en s’approchant dangereusement du Trône de la NBA. Depuis la Ouest Side de Portland ou de Denver jusqu’à la Conférence Est ou il est devenu la Nero Nemesis des Boston Celtics, il a réalisé une superbe carrière. Malgré des soirées à 0.9 et le côté Lunatic de Tom Thibodeau, il est parvenu à se faire un nom Ultra respecté dans la plus grande ligue du monde. Et désormais, il siège au Panthéon du basket-ball français et ce sera le cas Ad vitam æternam.


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