Black History Month : Robert Douglas fait des New York Rens le symbole de la Renaissance d’Harlem

Le 25 févr. 2023 à 13:53 par David Carroz

TrashTalk Black History Month Robert Douglas
Source image : Youtube, trailer de "On the Shoulders of Giants", montage Léonce MVP

En mettant sur pied les New York Renaissance en 1923, Robert Douglas fait basculer le basketball afro-américain dans le professionnalisme. Et de fort belle manière puisque ses Rens règnent sur la balle orange de longues années, en dehors même de toute considération raciale, en offrant à leur communauté de la joie et de l’espoir.

Ses qualités de leader, son intégrité, son intelligence répondent aux critères pour que Bob Douglas ait sa place au Hall of Fame. Sa plus grande récompense est inscrite dans le cœur de ses joueurs. Son influence pour la communauté noire aussi bien chez les joueurs amateurs que professionnels restera bien après que lui et nous autres soyons oubliés.

À l’instar d’autres coéquipiers des Original Celtics, Nat Holman n’est pas avare en compliments pour évoquer Robert “Bob” Douglas, boss des New York Renaissance, adversaire souvent affronté autour des thirties. Mais il en a fallu du temps, du courage et de l’énergie pour obtenir ce respect et son statut de père du basketball professionnel afro-américain. Surtout pour un immigré caribéen arrivé à New York en provenance de Saint Kitts en 1901, né avant l’invention de ce sport.

En 1905, la découverte du basketball change sa vie. Il commence à tâter la gonfle et trouve un moyen de structurer sa propre pratique en co-fondant le Spartan Field Club en 1908. L’objectif ? Offrir aux membres de sa communauté un endroit où faire du sport. Du football et du cricket, comme au pays, mais aussi de l’athlétisme. Et du basketball, au sein de l’équipe des Spartan Braves.

Certes, il ne rayonne pas en tant que joueur, mais ses Spartans grandissent au milieu des Black Fives new-yorkais. Tout s’accélère lorsque Robert Douglas raccroche les sneakers à 36 piges pour se concentrer sur le management de l’équipe, rôle où il se montre bien plus brillant que sur le parquet. Malheureusement, comme il suit les directives des équipes historiques de Big Apple, ses Spartan Braves restent amateurs et stagnent, quand le sport de façon générale évolue aux USA. En effet, au cours de la première moitié du vingtième siècle – surtout lors des Roaring Twenties – la professionnalisation du sport prend de l’ampleur. Enfin, chez les Blancs. La séparation reste claire : non, les Afro-américains ne doivent pas bénéficier de l’argent des compétitions. S’il veulent faire du blé grâce à leurs capacités physiques, leur adresse… et bien qu’ils le fassent entre eux !

Ça tombe bien, des entrepreneurs décident de relever ce défi. Robert Douglas se lance à son tour dans l’aventure professionnelle. Il quitte la structure amateure portée par les clubs afro-américains historiques et se met en ordre de bataille pour monter un business rentable.

Première étape, recruter pour disposer d’une formation compétitive. Chose aisée avec son réseau. Deuxièmement, trouver une salle. Il convainc le propriétaire du Renaissance Ballroom & Casino à Harlem de l’héberger, moyennant une grosse part de billetterie et le changement du nom de l’équipe. Les Spartan Braves ont un toit, et deviennent les New York Renaissance, très rapidement surnommé Rens pour le grand public. Né en 1923, ce premier Black Five professionnel entièrement géré par des membres de la communauté afro-américaine prend son envol en 1925 avec le titre de Colored Basketball World’s Champions.

La presse afro-américaine, longtemps rangée du côté du monde amateur, retourne sa veste et soutient celui qui, en délaissant les Black Fives historiques, leur a porté le coup de grâce. La foule répond aussi présent, et du côté de Harlem, les Rens sont la nouvelle fierté. Qui après plusieurs essais vient à bout des Original Celtics, la meilleure équipe blanche de l’époque. La popularité grandit. Dépasse le cadre de Big Apple. L’équipe de Bob Douglas voyage dans d’autres contrées pour faire entrer plus d’argent. Toujours plus loin, toujours plus longtemps, afin de maintenir les finances à flot pendant la Grande Dépression.

Robert Douglas, le père du basketball afro-américain

Malgré le racisme rencontré sur les routes, les Rens font gonfler leur bilan. À la fin de leur histoire, 2318 victoires s’affichent au compteur pour seulement 381 défaites, avec une série de 88 succès consécutifs lors de la saison 1932-33. Et contrairement à l’autre Black Five qui monte à l’époque – les Harlem Globetrotters – les joueurs du Renaissance Big Five brillent sans jouer les clowns. Un chemin que Bob Douglas refuse d’emprunter :

Abe Saperstein est mort en millionaire parce qu’il a donné aux Blancs ce qu’ils voulaient. Quand je partirai, ça sera sans un sous en poche, mais avec ma conscience. Je n’aurais jamais transformé le basketball en spectacle burlesque. Je l’aime trop pour cela.

C’est pour cette raison que les Rens demeurent aussi populaires chez les Afro-américains, porteurs de l’image du “New Negro” symbole du mouvement de la Renaissance d’Harlem et réclamé par le leader de leur communauté, W.E.. DuBois. Éduqué. Confiant. Fier. Professionnel. Qui s’assume et ne cherche pas à entrer dans les cases où les Blancs veulent le restreindre.

Alors quand le 28 mars 1939 les Rens remportent le World Professional Basketball Tournament – le premier tournoi intégré de l’histoire – Robert Douglas tient son aboutissement ultime. En maintenant le cap, fidèle à ses convictions, il donne une leçon aux Blancs. Avec les mêmes règles, les mêmes opportunités, les Afro-américains peuvent être les meilleurs.

Mais Smiling Bob veut encore plus. Dans sa recherche d’égalité, il souhaite que ses Rens intègrent désormais une ligue professionnelle. Il toque à la porte de la NBL et de la BAA. En vain. Jusqu’en 1948 où la NBL, suite à la banqueroute d’une franchise, se tourne vers Robert Douglas. À une condition : les Rens doivent jouer à Dayton, dans l’Ohio. Le temps de finir la saison difficilement dans une ville où ils ne sont pas soutenus et la ligue fusionne avec BAA pour former la NBA. Sans intégrer les Rens – ni aucun Afro-américain.

Si des regrets existent forcément pour ne pas avoir pu lutter à armes égales et jouer en NBA, le taf fourni par Robert Douglas n’en demeure pas moins immense. Son intronisation au Hall of Fame en 1972 l’inscrit dans la postérité, neuf ans après son équipe des Rens. Une place qui lui vaut d’être le premier Afro-américain à débarquer au Panthéon du basketball en tant qu’individu.

Source : Hot Potato de Bob Kuska, They Cleared The Lane de Ron Thomas et BlackFives.org