Commonwealth Big Five – Part 2 : deux ans pour atteindre le sommet et disparaitre

Le 13 nov. 2022 à 09:51 par David Carroz

Publicité pour un match entre le Commonwealth Big Five et les New York Renaissance
Source image : Youtube, The Black Fives Foundation

En novembre 1922, les frères McMahon ont lancé le premier Black Five professionnel. Entre leur portefeuille fourni, leur carnet de contacts bien rempli et une salle à leur disposition, ils sont partis avec des atouts non négligeables. Pour couronner le tout, la lutte contre le professionnalisme des clubs historiques new-yorkais leur ont offert un cadeau de bienvenue : les meilleurs joueurs du circuit à la disposition de leur Commonwealth Big Five.

À l’assaut du titre et des Original Celtics

Dès le début de l’aventure le 12 novembre 1922 – date de leur premier match – les Commons cartonnent. Un tel regroupement de stars attire forcément le public. Et de façon plus étonnante, la presse afro-américaine semble tout d’un coup bien moins virulente vis-à-vis du professionnalisme dans le basket. Elle n’avait jamais hésité à mener la charge contre Major Hart et Will Anthony Madden – deux précurseurs de la communauté ayant mis sur la table l’argent pour les Black Fives. Là, elle trouve tout d’un coup l’entreprise des McMahon fort intéressante.

Deux raisons à cela. Tout d’abord, les frères McMahon ont toujours été très clairs sur leurs intentions. Jamais ils ne se sont cachés derrière les valeurs de l’amateurisme avant de faire évoluer leur formation. Non, dès le début, le deal était d’offrir un Black Five professionnel à New York. Et comme en plus leur passé dans le baseball afro-américain leur donne une certaine crédibilité, ainsi soit-il.

L’autre raison principale à ce retournement de veste vient des opportunités offertes par les relations des propriétaires de Commonwealth Casino. Pour eux, mettre sur pied des rencontres avec des équipes en dehors de la communauté afro-américaine n’est pas un souci. Et ce genre de confrontations mixtes qui vont être démocratisées par les Commons semblent être un pas dans la bonne direction pour l’intégration.

Les Original Celtics trop forts

Lors de cette première saison d’existence pour le Commonwealth Big Five, l’équipe joue une petite centaine de rencontres. Malgré les quelques soubresauts du début d’exercice liés au manque de cohérence et de vécu collectif, les Commons enchaînent 24 succès consécutifs. Mais le temps fort, c’est la rencontre contre les Original Celtics le 3 mars 1923. Depuis les combats de Jack Johnson en boxe au début des années dix, il s’agit de la première confrontation d’envergure entre Blancs et Noirs.

Alors certes, aucun véritable titre n’est en jeu. Même si les deux équipes se présentent comme les champions de leur race. Si les Celtics peuvent clairement prétendre à cette appellation de patrons, on est plus sur un coup de communication de la part du Commonwealth Big Five. Car à ce moment-là, c’est bien le Loendi de Cumberland Posey qui a rapporté le dernier trophée de Colored Basketball World’s Champions du côté de Pittsburgh. Leur troisième consécutif. Jusqu’à preuve du contraire – et jusqu’à ce que les Commons les battent – ce sont bien les gars de Posey les boss du basketball afro-américain. Et ce dernier ne goûte que très peu de voir les frères McMahon zapper son équipe comme cela.

Avant cette confrontation face aux Original Celtics, l’optimisme est de la partie chez les Afro-américains. Les propriétaires du Commonwealth Casino sont tellement sereins qu’ils se rendent chez le maire de New York avec des leaders de la communauté afin de négocier un jour férié en cas de victoire de leur équipe. Malheureusement pour le Commonwealth Big Five, la désillusion est grande. Face aux Celtics, ils ne font pas le poids et s’inclinent 41 à 29.

Si pendant trois quart-temps, les Commons s’accrochent (24-23 avant l’ultime période), le dernier acte leur est fatal. Les Celtics ont plus d’expérience. Surtout, ils ont appliqué la bonne vieille méthode des équipes de barnstorming : ne pas coller une raclée, laisser un semblant de suspens, pour que les gens en aient pour leur argent et soient prêts à revenir lors d’une revanche. Malgré la déception chez les Commons, les fans restent contents d’avoir eu l’opportunité d’assister à une telle rencontre. Et du côté des frères McMahon on se console en se disant que les trois mille personnes ayant payé plus d’un dollar pour assister au match confirment le business model. À titre de comparaison, le coût mensuel d’un appartement en location avoisinait les 25 dollars à l’époque.

Cumberland Posey trop malin

Le premier objectif n’a pas été atteint. Il en reste un autre pour boucler la saison : devenir le champion des Black Fives. Pour cela, il faut donc battre Loendi d’un Cumberland Posey toujours bien vénère de la communication autour du match Commonwealth – Celtics. Un accord est trouvé pour une série les 16 et 18 mars 1923. Mais selon les conditions proposées par Posey. Et étonnamment acceptées par les frères McMahon alors qu’elles sont avantageuses pour l’équipe de Pittsburgh.

Naïveté ? Manque de connaissance du vice de leur adversaire ? Probablement, mais les Commons ont surtout la volonté d’en découdre avec Loendi pour aller chercher le titre. La première rencontre se déroule en Pennsylvanie. Elle va déjà quasiment mettre fin aux ambitions du Commonwealth Big Five. Le Black Five new-yorkais s’incline 51 à 27. Alors certes il reste une revanche à jouer à Big Apple, mais la situation est mal embarquée.

Deux jours plus tard, Loendi confirme sa supériorité au Commonwealth Casino. L’écart s’est réduit – victoire 43 à 33 – mais le résultat reste le même : pas de titre pour les Commons, quatrième couronne consécutive pour Cumberland Posey et les siens. Malgré les promesses et un bilan de très bonne facture – 75 victoires pour 15 défaites – la première saison du Commonwealth Big Five se termine sur un goût d’inachevé, l’équipe ayant perdu les rencontres les plus importantes.

Le titre pour le Commonwealth Big Five

Comment faire pour inverser la tendance et atteindre les sommets ? Les frères McMahon apportent une réponse simple à cette question. Ils vont chercher deux des meilleurs joueurs de Loendi pour la saison suivante, Stretch Sessoms et Pappy Ricks. Se renforcer en affaiblissant en prime l’adversaire, pas bête. Léger souci, la mayonnaise ne prend pas et les deux joueurs repartent assez rapidement pour Pittsburgh. Comme lors de la saison précédente, les débuts des Commons sont chaotiques car le roster manque d’harmonie. Quelques départs en plus de ceux de Sessoms et Ricks relancent la dynamique.

Une certaine stabilité est trouvée et le jeu devient plus cohérent. Plus rapide, plus collectif. Et les rencontres qui se multiplient face aux équipes blanches sont quant à elles de plus en plus lucratives. Mais les cinq matchs programmés contre les Celtics cette année-là accouchent de la même issue : la défaite. Le public commence à se lasser de ces désillusions.

Dans leur malheur, ils bénéficient tout de même d’un coup de main. Loendi passe au travers de sa saison, si bien que le Commonwealth Big Five n’a même pas besoin d’affronter l’équipe de Cum Posey pour aller chercher le titre de Colored Basketball World’s Champions. Trophée qu’ils partagent avec le Eighth Regiment Five de Chicago, les deux Black Fives n’ayant pas eu l’occasion de s’affronter.

La fin du business

Mais l’aventure du Commonwealth Big Five bât de l’aile. Certes les résultats sont bons, mais ce n’est pas ce qui intéresse les frères McMahon. Ces derniers constatent plutôt que l’affluence commence à baisser, tout comme – logiquement – les recettes. L’enthousiasme des débuts retombe. La popularité au sein même de Harlem est mise à l’épreuve par l’émergence des New York Rens de Robert Douglas. Celui-ci a sauté le pas pour lancer son Black Five professionnel. Sauf que contrairement aux Commons, les Rens sont gérés par un Afro-américain. Qui n’hésite pas à aller piocher des joueurs au sein du Commonwealth Big Five.

Cette émergence d’un concurrent couplée aux trop nombreuses déceptions face aux Celtics font que les Commons n’ont plus autant la cote. Deux ans après leur création, ils cessent leur activité. Les frères McMahon préfèrent se concentrer sur d’autres divertissements plus rentables et ne souhaitent plus prendre le risque de perdre de l’argent avec leur Black Five.

Peu cité ou connu, le Commonwealth Big Five des frères McMahon a changé le visage et la destinée du basketball afro-américain. Quelques années après les prémices du professionnalisme posées par Major Hart puis Will Anthony Madden, le premier Black Five pro a fait exploser l’amateurisme malgré un règne de courte durée. Surtout, il a ouvert de nouvelles perspectives que les Rens vont faire fructifier dans les années qui suivent.

Source : Hot Potato de Bob Kuska et BlackFives.org