DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge, le duo qui n’allait nulle part : qui doit partir des Spurs, DMDR, LMA… ou les deux ?
Le 27 mars 2020 à 12:30 par Giovanni Marriette
On attendait d’eux qu’ils fédèrent, qu’ils soient partie prenante – évidemment – d’une certaine prise de conscience à San Antonio. Oui la série en cours de 22 saisons consécutives donnant lieu à une qualification en Playoffs des Spurs était historique, mais oui également elle marchait sur un fil. Pour passer la 23ème il fallait pour les deux All-Stars s’affirmer plus encore que par le passé, dans une équipe qui se cherchait des raisons de subsister dans l’enfer de l’Ouest. Pari raté, vient désormais le temps des questions.
Pour exister il faut des leaders. Des leaders sur le terrain, des leaders en dehors. Des leaders par les faits, par l’exemple, dans la constance de l’effort. Si l’on prend aujourd’hui chacune des seize équipes playoffables au moment de l’apparition de Jason Covid, le constat est imparable, chaque franchise ou presque possède son ou ses leaders, et dans le cas contraire une dynamique insufflée par un vrai élan collectif. Désolé messieurs mais à San Antonio ce n’est pas le cas, et le terrible (pour une franchise aussi habituée au succès) bilan de 27 victoires et 36 défaites au 11 mars n’est que la preuve chiffrée d’une saison passée à courir après un invisible chef du village. Lonnie Walker IV, Dejounte Murray, Derrick White, Keldon Johnson, Bryn Forbes, Luka Samanic, Jakob Poeltl, Chimezie Metu ou Quinndary Weatherspoon, autant de gamins dans une besoin évident d’avoir un druide qui les booste sur le terrain et à l’entraînement. Patty Mills, Marco Belinelli, Rudy Gay, DeMarre Carroll, on parle de vétérans au CV bien rempli mais qui ont également la nécessité d’avoir un franchise player à qui se raccrocher, parce qu’on ne pourra jamais demander à Patty ou Marco de n’être plus que des role players (très) respectables. Et au milieu de tout ça ? Deux hommes, deux All-Stars qui n’ont plus rien à prouver d’un point de vue individuel, mais deux hommes bien incapables de remplir une case de plus dans leur carrière déjà bien pleine : celle de leader.
LaMarquise Aldridge
Cette saison était la cinquième pour LaMarcus Aldridge avec les Spurs, et il n’y avait alors pas grand chose à dire sur son taf. Trois fois All-Star depuis son arrivée au Texas (2016, 2018 et 2019), deux fois présent dans une All-NBA Team (All-NBA Third Team en 2016 et All-NBA Second Team en 2018), LaMarcus avait même poussé le bouchon encore plus loin depuis deux ans en s’affirmant comme l’un des meilleurs défenseurs de la Ligue à son poste. Transition parfaite suite aux adieux d’un Tim Duncan toujours aussi iconique mais qui avait pris un peu de recul dans la hiérarchie des Spurs durant sa dernière saison, la seule qui l’aura vu côtoyer LMA sur le terrain. Puis il y avait toujours ces fameux coups de cahud, ces soirs où l’on se souvenait que LaMarcus était toujours l’un des mecs les plus indéfendables de la Ligue au poste grâce à sa facilité à se retourner pour prendre ses tirs au dessus de tous ses adversaires, grâce, aussi, à un fighting spirit qui rendait bien des services à des Spurs qui se cherchaient une nouvelle identité tout en continuant à performer (61 wins en 2017). Puis vint le virage. LaMarcus est toujours le leader offensif, merci les états d’âme de Kawhi, mais quelque chose semble cassé à SA. Le delta de victoires est assez énorme en 2018 avec une quinzaine de wins en moins pour la bande à Popovich, un Gregg Popovich qui avait d’ailleurs fait du “cas” Aldridge une priorité quand à l’automne 2017 l’ancien intérieur des Blazers avait publiquement évoqué son mal-être au milieu des ranchs, quelques mois après être allé jusqu’à réclamer un transfert à son coach. Très vite LMA sera confirmé comme un cadre des Spurs, comme LE cadre, qu’il en soit ainsi comme disaient si bien les Poetic Lovers, ou plutôt comme dirait Poetic Pop :
“Je me suis dit ‘Wow, personne ne m’avait jamais demandé ça auparavant. En plus de vingt ans de carrière, personne ne m’avait dit ‘je ne suis pas heureux, pas confiant, je ne suis pas sûr que vous me voulez ici, je veux être échangé.’ […] Nous avons dîné quelques fois ensemble, nous avons ri. J’ai été très franc avec lui, je lui ai dit, ‘je serais content de t’échanger. Si tu me rapportes un joueur comme Kevin Durant, je t’emmène moi-même à l’aéroport, je fais tes valises et je t’accompagne jusqu’à ton siège dans l’avion. […] Mais avant ça, je suis ton meilleur ami parce que tu es là pour une nouvelle année et tu ne vas aller nulle part parce que nous ne trouverons personne avec autant de talent que toi. Nous allons faire en sorte que tu exprimes tout ton talent.” – Gregg Popovich
Les mois passent et se ressemblent ensuite pour LMA, tantôt monstrueux tantôt effacé, tantôt All-Star +++ tantôt effacé, tantôt All-NBA tantpot… bah effacé. En 2018 arrivera ensuite un autre capitaine à bord, dégagé sans sommation de Toronto pour faire de la place au futur maire de la ville, et c’est désormais un duo de stars qui squatte à SA. Un duo de demi-stars peut-il être aussi utile qu’une seule… superstar ? L’avenir le dira. La saison 2018-19 de LMA est en tout cas conforme à tout ce qu’on vit depuis quelques années déjà, on balance entre deux avis, on ne sait que trop quoi penser. Devenu un défenseur respecté, toujours aussi solide cinq jours sur huit, LMA mène avec son nouveau compagnon de route les Spurs à une ric-rac huitième place mais déçoit encore en Playoffs face à Nikola Jokic, avec une dernière possession terriblement symptomatique de ces Spurs new generation, sans folie et sans réactions quand le besoin s’en fait ressentir. Très logiquement la saison 2019-20 viendra confirmer la tendance avec un LMA encore plus inconstant qu’à son habitude malgré quelques nouvelles mixtapes survenues comme un jour de neige au Sahara et une nouvelle love story avec… la ligne à 3-points, bien trop peu néanmoins pour faire des Spurs autre chose qu’un vulgaire paillasson pour 80% de leurs adversaires. 27 mars 2020, on en est là.
JeanaiMarre DeRozan
On passe à la suite, objectif ne pas se répéter. Première circonstance atténuante au rendement de DeMar DeRozan ? Son arrivée, non-souhaitée, qui entre dans le Top 10 all-time du manque de respect d’une franchise envers l’un de ses joueurs. Pour la faire courte ? On parle d’un mec dans la discussion pour être le meilleur joueur de l’histoire de sa franchise, minimum podium, d’un mec publiquement et médicalement reconnu comme fragile mentalement, et ce mec est donc dégagé de sa ville, de sa franchise, celle dans laquelle il vit et performe en silence depuis dix ans. DeMar le découvre en pleine nuit via les réseaux sociaux, quelle fabuleuse époque, et le voilà donc en route pour San Antonio afin d’écrire la deuxième moitié de sa carrière. Il y fera équipe avec un certain LaMarcus Aldridge, lui aussi reconnu comme un All-Star en puissance, lui aussi reconnu comme un mec ayant du mal à… step-up au bon moment. Quoiqu’il en soit DeMar a désormais un nouveau challenge : prouver à tout le monde qu’il est capable de faire progresser une équipe, prouver qu’il est une superstar maintenant que le level inférieur est largement atteint. Car quand DMDR débarque à SA ce n’est pas simplement une addition de lettres majuscules, c’est surtout un quadruple All-Star qui atterrit au Texas, un mec élu un mois auparavant dans la All-NBA Second Team et que seul LeBron James avait pu stopper depuis quelques saisons. Les débuts sont timides et si DeMar proscrit d’entrée de jeu le tir longue distance de son gameplay, Gregg Popovich a réussi sa première mission : faire de son nouveau joueur un chef d’orchestre. La moyenne de passes décisives a quasiment doublé, bienvenue au temple du collectif. Triple-double pour son premier match en carrière… face à Toronto, allons bon, performances parfois moyennes mais bien souvent très solides, bref une année 1 satisfaisante pour un homme traité comme un détritus quelques mois auparavant.
L’année 2 ? Elle devra être celle de la confirmation mais surtout de la progression. Les Spurs ont besoin d’un shériff en ville car apparemment LaMarcus Aldridge ne veut pas l’être. Mauvaise nouvelle pour la fanbase la plus country de NBA : DeMar DeRozan ne semble pas être fait de ce bois-là non plus. Le début de saison est chié dans les grandes largeurs par DeMar, son aversion pour le parking ferait presque passer Ben Simmons pour Stephen Curry et, surtout, l’attaque des Spurs est clairement grippée et le gonze n’y est pas pour rien. La défense ? N’en parlons même pas car de toute façon DeRozan n’est pas là pour ça, mais en attaque les possessions à le voir chauffer la gonfle pendant 22 secondes avant de 1) prendre un tir de mortier ou 2) lâcher une patate chaude à un copain bien défendu sont légions. Quelque chose ne va pas, et ce quelque chose est en grande partie du aux prestations offensives du garçon. Un début d’exercice claqué au sol et si la suite sera beaucoup plus satisfaisante individuellement avec un mois de janvier idyllique et une quasi sélection au All-Star Game, les perfs de DeMar sont trop isolées pour faire des Spurs une équipe qui gagne. Kyrie Irving style, vrai joueur de basket mais leadership à revoir, et si les Nets ont la chance d’évoluer dans une sous-conférence cette année, ce n’est pas le cas de l’équipe de DeMar qui sombre vite dans les abîmes de l’Ouest. 27 mars 2020 ? On en est là.
Qui doit partir des Spurs, DMDR, LMA… ou les deux ?
Commençons par le nerf de la guerre, j’ai nommé le fromage à raclette la thune, le biff, la moula, le caramel. Contractuellement parlant, on est sur… deux belles opportunités. LaMarcus Aldridge entre dans sa dernière année de contrat et DeMar DeRozan également, ce dernier bénéficiant d’une player option à 27 millions et des brouettes qu’il prendra évidemment dès la première seconde. Pour les deux cas cités, l’été 2020 est celui des grandes questions. S’implanter durablement dans le Texas et ainsi s’inscrire sur le long-terme avec les Spurs, quitte à laisser un peu de place dans le cap space de leur franchise ? Choisir de démarrer une nouvelle carrière sous d’autres cieux (probablement la dernière pour LaMarcus ?) dans un marché plus prompt à aller chercher une bague dans les prochaines années ? L’avenir n’est pas uniquement dans leurs mains mais les destins des Spurs, de DeRozan et d’Aldridge sont en tout cas liés. Tout d’abord, les deux joueurs n’ont pas le même âge et les ambitions diffèreront sans doute. LaMarcus Aldridge aura 35 ans cet été et n’est pas Pau Gasol qui veut, entendez par là que si LMA veut bring une bague avant la fin de sa carrière, il lui faudra faire des concessions, alors que les 30 berges de DeMar DeRozan le placent dans un espèce de prime, même si ce fameux prime a plus l’air d’avoir été atteint il y a deux ans avec les Raptors. Pour les Spurs ? Il apparait assez clair que 2020 sonne comme une fin de cycle, ça y est on y est, et que toute vraie fin de cycle est souvent associée à un grand ménage.
Dans ces conditions la franchise cinq fois baguée devra(it) peut-être se résoudre à prendre un virage à 180 degrés en tirant un trait sur sa période LMA, cadre parmi les cadres depuis bientôt cinq ans, et en abandonnant au plus vite le projet DMDR, qui n’aura finalement jamais porté ses fruits, les deux dernières saisons ayant débouché sur deux des trois pires bilans de la franchise depuis 23 ans. Si l’un des deux s’en va, ou les deux, la contrepartie peut s’avérer intéressante, au contraire d’une Free Agency 2021 qui pourrait être catastrophique pour la franchise avec ses deux stars en fin de contrat. Les jeunes de la maison à haut potentiel sont tout au mieux de futurs très bons joueurs NBA et on n’imagine pas aujourd’hui San Antonio mettre son avenir dans les mains des Dejounte, Lonnie et autres Jakob, d’où la nécessité assez obligatoire d’aller chercher de vrais guides pour l’avenir. Et on ne parle pas forcément de ce ou ces mecs impossibles à aller chercher, ceux qui te font passer un bilan de 35-47 à 61-21 en deux temps trois triples-doubles, mais simplement de mecs capables de comprendre que les Spurs ont besoin de solidité et d’un projet cohérent. Car la seule certitude aujourd’hui, c’est bien que nos deux loulous semblent bien incapables de le faire.
Fin d’une époque à San Antonio, et tant qu’à faire… autant y aller à fond ? A respectivement bientôt 31 et 35 ans, DeMar DeRozan et LaMarcus Aldridge ne seront vraisemblablement jamais les leaders attendus dans le Texas. Pas une histoire de talent mais davantage un fit qui n’aura jamais vraiment fonctionné. Deux situations différentes mais au final une conclusion qui reste la même : DMDR et LMA ne savent pas faire gagner les Spurs, et les Spurs ont besoin de regagner au plus vite. Vous la voyez la logique ?