Un grand chapitre de l’histoire du Thunder se ferme : une potentielle dynastie jamais sacrée, alors à qui la faute ?
Le 12 juil. 2019 à 19:56 par Tom Rousset
Ça y est, Russell Westbrook n’est plus un joueur du Thunder. Le dernier membre du roster originel d’Oklahoma City est parti dans le Texas rejoindre une vielle connaissance avec du poil au menton. Ils avaient fait équipe il n’y a pas si longtemps avec un Snake des meilleurs scoreurs de l’histoire. Au début, tout le monde voyait en eux une possible dynastie, une team capable de marcher sur la NBA pendant des années. Mais finalement ça n’a rien donné, zéro, nada. Un potentiel hors norme gâché par des départs à répétitions, des décisions chelous d’un front office pourtant très respecté dans la Ligue et des coachings douteux. Autopsie d’une dynastie inachevée.
21 juin 2012, Miami, Game 5 de Finales NBA. Le Heat est sacré champion mais les cadreurs d’ESPN préfèrent s’attarder sur le banc d’OKC. On y voit la détresse de Russell Westbrook, Kevin Durant une serviette sur la tête et James Harden entre les deux qui semble tenter de consoler ses coéquipiers. Une défaite, certes, mais à l’époque on imagine surtout que c’est le début d’une ère magique pour le Thunder qui allait permettre de placer la ville sur la carte du basket cainri. D’abord parce que ce trio de talent est jeune, ils ont tous les trois moins de 25 ans. Il est atypique : une boule d’énergie montée sur ressorts avec huit kilos de dynamite dans chaque mollet, un quasi 7-footer capable de planter tranquille du parking et un barbu (un peu moins à cette époque) artilleur et slasher de génie. Tout ça coaché par un premier de la classe aux cheveux toujours impeccables : Scott Brooks. L’avenir semble alors radieux mais El Barbudo demande au Thunder une augmentation au max. Dur d’accéder à sa demande vu le trou d’air qu’il vient de traverser pendant les Finales où il ne dépasse pas les 10 points sur trois des cinq rencontres. C’est donc plein de confiance que Sam Presti refuse la demande de son sixième homme de luxe et l’échange à Houston contre un package principalement composé de Jeremy Lamb et un pick qui débouchera plus tard sur la venue de Steven Adams. C’est donc en faisant le même chemin que Russ retrouvera The Beard plusieurs années plus tard.
Ce move fait parler déjà à l’époque et n’est que le premier d’une série de choix a posteriori douteux de la part du front office qui n’a pas voulu céder aux demandes de ses joueurs vedettes pour ne pas faire exploser sa masse salariale pendant près de la moitié d’une décennie. La liste est longue avec la perte de Ramesse donc, puis du point d’ancrage défensif Serge Ibaka à Orlando. Enes Kanter sera tradé plus tard contre Carmelo Anthony qui n’a clairement pas envie de faire des efforts pour aider l’équipe et qui devient un boulet en défense. Avant cela, la franchise avait été attaquée sur les réseaux sociaux lors du départ de KD, certains médias américains sous-entendant que cette perte leur était en partie due pour avoir préféré Russ since day one. Accuser Sam Presti de touts les maux du Thunder ces dix dernières années serait injuste tant il reste l’artisan principal de ce roster à succès, mais sans bague pour le prouver. Ses inspirations à la Draft ont créé une ossature qui a trusté les premières places de la Conférence Ouest pendant un bon bout de temps. Si les talents de recruteur du GM n’ont jamais été mis en doute, c’est sa gestion des salaires et des trades ces dernières années qui peut davantage poser question. Choper un Melo en fin de course et en surpoids puis se retrouver avec le couteau sous la gorge et devoir dealer Paul George contre des tours de draft à plus quoi savoir en faire et deux joueurs solides mais pas non plus des FP comme PG ça fait mal. Ce qui fait encore plus mal, c’est la gestion des finances du Thunder. Depuis deux ans OKC paye une blinde all-time en Luxary Tax (amende à payer lorsque qu’une équipe dépasse le salary cap) alors qu’elle avait refusé de céder aux caprices du MVP 2018 à l’époque.
Bien sûr, impossible d’évoquer l’échec d’OKC sans parler du coaching. D’abord, il y a eu Scott Brooks qui, sans avoir des systèmes révolutionnaires, arrivait à se faire respecter et à former les jeunes talents en se basant sur une grosse défense et des leaders de vestiaire comme Kendrick pour mener OKC vers les sommets, ou du moins proche de ceux-ci. Le Gros Perk joue le rôle du mauvais flic gueulard qui n’hésite pas à appeler ses coéquipiers “cupcakes” durant les entraînements quand ça ne joue pas assez dur. Finalement, Scotty quitte le Thunder en fin de saison 2015 à l’issue d’une campagne sans Playoffs à cause d’une longue blessure au pied pour Kevin Durant. Et là, sur le banc des accusés coachs débarque Billy Donovan, entraîneur universitaire réputé pour ses deux titres de champion NCAA avec Florida et ses systèmes offensifs efficaces. Le problème, c’est qu’on ne verra jamais ces dits systèmes en NBA, privilégiant ceux de son prédécesseur qui selon lui, sont plus adaptés à l’effectif dont il dispose. Dès la première saison, même si les résultats sont bons, le fond de jeu proposé et les rotations posent question. Sortir ses deux stars au même moment et prendre automatiquement -15 en début de deuxième quart-temps ? C’est le quotidien pour OKC et les années vont se suivre et se ressembler. Même avec l’arrivée de Paul George, la balle ne circule pas et les coupes au panier sont plutôt rares. Alors à qui la faute ? Bilou ? Oui, en partie pour s’être éloigné de ses principes de base en cédant à toutes les demandes de ses stars pour leur laisser carte blanche pendant que les autres doivent se contenter de faire le sale boulot en fermant leur gueule. Russell Westbrook ? Sûrement un peu aussi, son besoin de sentir le cuir dans ses mains n’a pas aidé à développer un système basé sur le partage de la balle. Sam Presti ? Un peu pour n’avoir jamais tenté de faire confiance Mo Cheeks, assistant depuis dix ans et adulé par les joueurs. Et pourtant, on sait à quel point un coach choisi par les joueurs peut être bénéfique, demandez plutôt à ce génie de Tyronn Lue.
Le transfert de Russell Westbrook à Houston marque la fin d’une ère à OKC. Russ, c’était l’âme du Thunder depuis la relocalisation dans les plaines du sud. Le symbole de ce qui restera sans doute longtemps le meilleur jeune trio de l’histoire de la NBA avec trois futurs MVP. une génération dorée qui aurait pu et qui aurait dû cimenter son nom au Panthéon des grandes équipes. Seulement, lorsque dans dix ans une conversation commencera par la phrase “Ah le Thunder des années 2010, quelle grosse team quand même”, la réponse commencera obligatoirement par “Oui, mais…”.