Pas de Threepeat pour les Warriors : juste la fin d’un rêve ou celle de toute la dynastie de Golden State ?

Le 14 juin 2019 à 11:41 par Benoît Carlier

Warriors
Source image : NBA League Pass

En s’inclinant pour la troisième fois à domicile et une quatrième fois dans ces Finales, les Warriors viennent de laisser passer leur chance de réaliser le Threepeat. Le genre de situation que l’on ne rencontre pas tous les jours. Mais est-ce pour autant la fin de la dynastie de Golden State ?

La dernière fois qu’une équipe pouvait réaliser le triplé, LeBron James évoluait encore avec ses potes Dwyane Wade et Chris Bosh du côté de South Beach. A l’époque, les Spurs de Kawhi Leonard – déjà lui – avaient privé les Tres Amigos de cet achievement all-time réalisé par seulement cinq équipes dans l’histoire de la Ligue. On s’en souvient comme si c’était hier, LeBron James annonçait son retour dans l’Ohio quelques jours plus tard, marquant ainsi la fin de la domination du Heat après quatre Finales consécutives pour deux titres et deux défaites. Depuis, une autre équipe a repris le flambeau en attisant pas mal de hate à force de gagner. Après quatre affiches identiques au sommet de la hiérarchie entre les Warriors et les Cavaliers entre 2015 et 2018, Golden State s’est retrouvé face à un adversaire inédit pour lors de cette édition 2019. Le King ayant fuit à Los Angeles, ce sont ses anciens souffre-douleurs préférés qui sont sortis vivants de la Conférence Est pour disputer les premières Finales de leur histoire. Le défi était de taille pour les Raptors car s’ils possédaient l’avantage du terrain grâce à une petite victoire supplémentaire acquise en saison régulière par rapport aux Californiens, ces derniers arrivaient en terrain connu avec trois victoires en quatre ans dont deux lors des deux dernières éditions. L’effectif était évidement un peu différent avec les départs de Zaza Pachulia, JaVale McGee et de Nick Young notamment et le retour tardif d’Andrew Bogut ou l’arrivée de Boogie en début de saison pour le MLE. Il y avait aussi l’incertitude autour de Kevin Durant qui donnait plus d’espoir à Toronto même si les Dinos n’avaient pas eu besoin de ça pour s’imposer à deux reprises contre les doubles champions en titre pendant la régulière. Mais au moment de prendre les paris, les Warriors partaient largement favoris de cette série qui devaient leur permettre de valider le premier Threepeat depuis celui des Lakers entre 2000 et 2002.

Avec un Stephen Curry motivé à l’idée d’enfin décrocher son premier titre de MVP des Finales, un Klay Thompson expérimenté et toujours aussi précieux des deux côtés du terrain ou encore l’apport de vétérans comme Andre Iguodala, Shaun Livingston et même Andrew Bogut, on se dit que la dynastie des Warriors est faite pour durer en réfléchissant déjà à la manière dont Bob Myers allait pouvoir conserver tout ce petit monde pendant l’été. Dynastie, le mot est lancé et il ne fait quasiment pas débat lorsque l’on réalise l’impact de cette équipe sur le reste de la Ligue et sur sa manière de jouer : pratique du small-ball et des tirs non plus from downtown mais from l’hypercentre désormais avec une zone de confort pouvant à peu près s’étendre jusqu’au logo pour les meilleurs snipers actuels. Privés d’un quadruplé absolument historique (seuls les Celtics des années 60 ont dépassé les trois bannières d’affilée) en vivant le plus gros comeback de l’histoire des Finales NBA dans le mauvais camp en 2016, les Dubs pouvaient tout de même valider cette domination presque sans partage depuis cinq ans en cas de Threepeat. Mais si vous lisez cet article vous avez normalement suivi ce qu’il s’est passé la nuit dernière et vous savez donc que le compteur de bagues du Chef est toujours bloqué à trois à cause, en partie, de Kawhi Leonard également récompensé du Bill Russell Award pour ses performances tout au long des six manches. Une défaite à laquelle on peut évidemment trouver des dizaines de raisons recevables même si celles-ci n’y changeront rien. Alors, il est temps d’aborder la suite car ce revers cumulé à de récents événements pourraient vite faire basculer Golden State dans une ère beaucoup moins drôle au moment de dire au revoir à l’Oracle Arena pour prendre la direction de San Francisco.

En effet, depuis déjà deux ans, les Warriors n’obtiennent plus le meilleur bilan de la Ligue en saison régulière. Que cela soit dû à de la lassitude ou à un simple manque de concentration, cette équipe n’est plus aussi imprenable qu’elle a pu l’être entre la saison 2014-15 et la campagne 2016-17 qui étaient à chaque fois conclues avec un minimum de 67 victoires avec un pic records à 73 en 2016. L’an dernier, l’Etat Doré a glané 58 wins en régulière et ce chiffre est même passé à 57 cette saison. Pas de quoi s’affoler, mais tout de même une petite alerte pour un groupe qui, sur le papier, semble plus fort que jamais avec un cinq potentiellement uniquement composé de All-Stars dont deux MVP grâce à l’arrivée de KD en 2016. Malgré tout, les disciples de Steve Kerr ont toujours réussi à dégoûter la Conférence Ouest en Playoffs depuis son arrivée à la tête de la franchise en 2014. Mais là encore, on peut tout de même citer deux défaites surprenantes au premier tour contre les Clippers cette année quand ils sweepaient tout le monde à tour de bras en 2017 pour terminer la postseason avec une seule petite défaite au compteur. Tout cela pour dire que la concurrence n’est pas résignée, au contraire, et qu’il ne suffit pas de revenir avec le même plan de jeu en modifiant un ou deux role players pendant l’été pour prolonger cette dynastie. De plus, les Warriors vont aborder un été déterminant pour la suite avec de nombreux dossiers délicats à gérer pour le GM, Bob Myers.

Plutôt très bien inspiré depuis sa prise de pouvoir en 2012, l’ancien agent de 44 ans s’apprête à passer une intersaison mouvementée et risquée. Si le contrat de Stephen Curry est verrouillé jusqu’en 2022 et que Draymond Green et Andre Iguodala ont encore une année de contrat garantie, derrière c’est joli bordel qui promet de longues soirées de réflexion à l’Executive of the Year 2015 et 2017. En effet, la prolongation de DeMarcus Cousins semble délicate dans la mesure où celui-ci avait accepté le MLE pour 5,3 millions de dollars cette saison. Le pivot va vraisemblablement réclamer un deal plus long et mieux payé pendant l’été. Sauf que les priorités dans la Baie se nomment Kevin Durant et Klay Thompson et qu’ils viennent justement de se blesser pour potentiellement une saison entière chacun durant ces Finales. Un cauchemar les yeux ouverts pour les Warriors qui voient tout à coup le ciel s’écrouler sur le tête avec cet enchaînement de mauvaises nouvelles. Faut-il quand même proposer un contrat généreux à ces deux joueurs sur la durée, quitte à souffrir en leur absence la saison prochaine ou faut-il se résoudre à en perdre un, voire les deux, de manière à recruter plus intelligemment pour tenter de continuer à gagner dès 2020 autour du leader désigné qu’est Stephen Curry ? Il n’y a évidemment pas de bonne réponse et seul l’avenir nous dira quelle voie est privilégiée par Bob Myers. Le cœur et la logique voudraient que le deuxième Splash Bro reste dans sa franchise de toujours comme il le souhaitait avant sa blessure. C’est plus flou concernant Durantula qui pourrait de toute façon activer sa player option à 31 millions de billets verts pour se laisser un an supplémentaire avant de faire son choix. Ce cas de figure mettrait d’ailleurs Golden State dans une mauvaise posture en cas de départ l’été suivant car même si les propriétaires sont prêts à mettre la main à la poche pour une équipe qui gagne le titre et remplie sa salle chaque année, la musique pourrait être différente sans quelques garanties de succès de la part du front office.

Et avec ça, on n’a toujours pas évoqué le reste de l’équipe, si important pour permettre aux Warriors d’être compétitifs durant toutes ces années. Si le niveau de l’équipe baisse, les vétérans seront moins nombreux à brader leurs services pour tenter d’aller chiper une bague avant la retraite tandis que Kevon Looney deviendra agent-libre et que Quinn Cook sera restricted free-agent. L’effectif pourrait donc sensiblement changer l’année prochaine même si les piliers que sont Stephen Curry et Steve Kerr garantissent tout de même une certaine stabilité du projet au niveau de la mentalité et du style de jeu notamment. Ils sont les cadres de cette dynastie mais ils ne pourront pas tout faire tout seul et c’est donc avec beaucoup d’incertitudes que les Warriors prennent le chemin des vacances. Si les Rockets ont l’air de vouloir tout changer cet été, les Blazers, les Nuggets, Thunder, le Jazz voire les Clippers offrent plus de stabilité et pourraient proposer une vraie adversité à Golden State la saison prochaine. Sans parler de l’Est qui semble voir un trio de tête se détacher en attendant de voir ce que les Celtics vont réaliser comme ajustements pendant l’été. Lorsque l’on met toutes ces données bout à bout, on réalise que l’on arrive peut-être au bout de l’hégémonie des Dubs dans la Conférence Ouest ou au moins dans la Ligue. Cette défaite face aux Raptors et ce scénario catastrophe avec les blessures de deux joueurs cadres et futurs agents-libres soulèvent de nombreux points d’interrogation en Californie et l’on est potentiellement en train de vivre l’effondrement d’une dynastie qui a dominé la NBA durant cinq longues années.

Il suffit parfois de pas grand-chose pour changer le cours de l’histoire. Un petit grain de sable et c’est tout le moteur qui peut commencer à tousser. Nous n’en sommes bien sûr encore pas là mais l’été s’annonce périlleux pour les Warriors qui pourraient avoir perdu bien plus que deux matchs de basket cette semaine…