Mickaël Piétrus : dans la boîte noire du vol Air France MP2, une carrière qui n’a pas décollé comme elle aurait dû
Le 07 févr. 2019 à 07:53 par Enzo Ferretti
Cocorico ! A l’occasion de son anniversaire, nous avons décidé de revenir sur la carrière d’un Frenchie bien connu de la NBA des années 2000 puisqu’il s’agit de Mickaël Piétrus. L’ancien ailier des Warriors et du Magic a quitté les parquets de la Grande Ligue sans faire grand bruit depuis plusieurs saisons mais il aura su mine de rien faire un petit bout de carrière sympathique outre-Atlantique où ses qualités athlétiques ont su conquérir le public cainri. Allez, flashback !
Quand on vous dit joueur français des années 2000 en NBA, peu de personnes vous sortiront instinctivement le nom de Mickaël Piétrus, et à juste titre tant Tony Parker et Boris Diaw ont marqué cette époque. Bien entendu, tous les regards étaient braqués sur eux, d’autant plus que ces derniers étaient également les deux visages de l’Équipe de France pendant des années, ce qui n’était pas forcément le cas de Mike, la faute à des blessures récurrentes et à des relations parfois tumultueuses avec le coach Vincent Collet. Le swingman n’a ramené de son expérience en bleu qu’une médaille de bronze au Championnat d’Europe de 2005. Du coup, le nom de Mickaël Piétrus n’est pas forcément très populaire dans le basket français même si le joueur a réussi à tenir pendant des années dans la Grande Ligue. Même son frangin Florent, qui n’a pourtant jamais traversé l’Atlantique jouit aujourd’hui d’une plus grande réputation dans l’Hexagone du fait de sa très longue carrière internationale et en club sur les parquets européens. Mais qu’importe. Aujourd’hui, c’est bien à Mike que l’on s’intéresse, et il y a plein de belles choses à dire.
Né aux Abymes en Guadeloupe, c’est sur son île natale que Mickaël Piétrus découvre le basket. Doté de bonnes aptitudes physiques, il intègre le club de Pau-Orthez en compagnie de son frère pour poursuivre sa formation dès l’âge de 15 ans. Lors de ses premières années de professionnel dans le sud-ouest, il côtoie un certain Boris Diaw et le club est alors une référence en France. De 1999 à 2003, il remporte deux championnats ainsi que deux coupes nationales grâce à un effectif composé de jeunes joueurs talentueux. D’année en année, Mike progresse et réalise sa meilleure saison statistique en 2002-03, saison de sacre pour lui et pour son club en Pro A. Il a alors 21 ans et la NBA lui fait déjà les yeux doux. Du coup, il n’hésite pas et se présente à la Draft 2003 qui est aujourd’hui encore considérée comme l’une des plus belles cuvées de l’histoire de la Ligue avec entre autres des joueurs comme LeBron James, Dwyane Wade, Chris Bosh ou encore Carmelo Anthony et David West, rien que ça. Fort de son superbe début de carrière, il est sélectionné à la onzième place par les Warriors, ce qui fait de lui à l’époque le joueur français le plus haut drafté de l’histoire en compagnie de Jérome Moïso en 2000 et d’Olivier Saint-Jean alias Tariq Abdul-Wahad en 1997. En effet, il devancera ce soir-là son coéquipier à Pau-Orthez, Boris Diaw, qui ne sera choisi qu’en 21ème position par les Hawks.
Le jeune Mickaël Piétrus est donc désormais un joueur NBA et s’apprête à intégrer l’effectif californien déjà bien garni au poste 2 et 3 à son arrivée avec notamment le marsupial Jason Richardson qui commence alors à prendre une toute autre dimension au sein de ces Dubs mais aussi Mike Dunleavy Jr., drafté un an plus tôt par Golden State. Les débuts de Piétrus en NBA sont compliqués. Peu utilisé lors de son année de rookie par le coach de l’époque Eric Musselmann, sa progression est lente et son équipe ne joue pas vraiment les premiers rôles en NBA. Lors des deux saisons suivantes, le nouveau head coach Mike Montgomery fait du Français un remplaçant à part entière dans la rotation des actuels champions en titre. Il bénéficie d’un vrai temps de jeu, ses stats augmentent et il commence à montrer une ébauche de son talent et d’apporter ses qualités athlétiques et de playmaking en sortie de banc. Doucement mais sûrement, Mickaël Piétrus se fait une place en NBA, mais le meilleur reste à venir. En effet, à l’aube de la saison 2006-07, la franchise possède un roster de talent avec notamment Monta Ellis qui est venu s’ajouter un an plus tôt à un backcourt déjà bien garni. Le GM de l’époque Chris Mullin veut créer un électrochoc et voir son équipe jouer pour une place en Playoffs. Du coup, il engage son coach bien aimé de l’époque, Don Nelson, et ce dernier va mettre en place l’une des équipes les plus séduisantes de l’histoire récente : les Warriors “We Believe”, au plus grand bonheur du Français qui réalisera la meilleure saison de sa carrière avec eux. Toujours utilisé en sortie de banc, il envoie 11 points, 3 rebonds et 1 passe de moyenne par match à 39% du parking. Des stats faméliques selon certains, mais le principal n’est pas là. En effet, Mike a un temps de jeu important (27 minutes par match) et a la pleine confiance de son coach. Le jeu petit et ultra-rapide adopté par ce bon vieux Don Nelson convient parfaitement à l’énergie débordante du joueur qui envoie des dunks monumentaux en transition, à la réception de passes alley-oop de son collègue de l’époque, Baron Davis, ou en pénétration où son premier pas est dévastateur. Toute la NBA découvre alors ce joueur all-around aux capacités athlétiques très au-dessus de la moyenne et tous les observateurs sont subjugués. Un surnom était né, Air France. Les Dubs finiront la saison en trombe avec neuf victoires sur les dix derniers matchs pour leur permettre d’arracher le huitième spot synonyme de Playoffs. Malheureusement pour notre Frenchie, malgré l’upset incroyable réalisé par les Californiens face aux Mavs au premier tour (4-2), il ne sera pas très en vue pour sa première campagne de postseason et verra depuis le banc son équipe chuter en demi-finale de l’Ouest face au Jazz.
Peu importe, Mike s’est fait un nom dans la Ligue et après une dernière pige moins concluante chez les Warriors, il quitte la franchise et décide de s’engager avec le Magic. Après quelques pépins physiques qui l’empêchent de prétendre à une place de titulaire en Floride, ses qualités athlétiques prennent un coup dans l’aile, ce qui l’oblige à changer de style de jeu à son arrivée à Orlando. En effet, il passe alors de dynamiteur en sortie de banc à simple remplaçant dont le rôle est de défendre et de rentrer les tirs qu’on lui donne. Et… ça marche ! L’effectif très talentueux emmené par Stan Van Gundy et la star Dwight Howard termine troisième de l’Est et arrive donc en Playoffs. Sûrement la plus belle campagne de la carrière du Français. Car après s’être défait des Sixers au premier tour, Orlando se débarrasse tour à tour des Celtics alors champions en titre puis des Cavaliers d’un LeBron James déjà tout fâché à l’époque. Ces deux dernières séries sont marquantes pour le Guadeloupéen puisqu’il fera preuve d’une énorme rigueur défensive sur Ray Allen puis sur LeBron James, permettant d’aider la franchise à rejoindre les Lakers en Finales NBA. Sauf que cette fois, c’est Kobe Bryant, le MVP de la saison précédente que Mike doit se coltiner lorsqu’il sort du banc. La marche est trop haute pour lui et son équipe. Le Mamba envoie presque 33 points de moyenne sur la série. Mike n’y est pas et les Angelinos s’adjugent logiquement le titre. À l’issue de cette belle saison, Piétrus enchaînera par une autre année convaincante au Magic durant laquelle son équipe tombera en Finale de Conférence face aux Celtics après une superbe saison régulière et une campagne de Playoffs très réussie jusque-là. Malheureusement, Air France sera échangé au milieu de la saison suivante et finira par traîner sa carcasse aux quatre coins du continent les années suivantes, à Phoenix, à Boston puis Toronto avant de mettre un point final définitif à sa carrière outre-Atlantique malgré des essais à droite à gauche et quelques espoirs de retour à la compétition. Il n’a alors que 31 ans.
La voilà, la carrière de Mike Piétrus en NBA. L’histoire d’un joueur pas si loin d’être titulaire mais en même temps si utile en sortie de banc. Ses pépins physiques à répétition l’ont certainement empêché d’avoir une toute autre carrière, que ce soit dans l’Association et même en EDF. Il ne lui manquait pas grand chose dans son jeu pour être plus fort que ce qu’il n’a été. Il avait à peu près tout, mais pas assez. Bon défenseur sur les ailes, mais très loin d’un Kawhi Leonard ou d’un Paul George. Shooteur redouté, mais à des années lumières d’un Ray Allen. Des capacités athlétiques hors norme, mais pas de quoi déloger un Vince Carter ou même un Jason Richardson. Mike était également doté d’un bon jeu de passes et d’une bonne vision, mais rêverait d’avoir le quart de ceux de Manu Ginobili à son poste. Mickaël Piétrus n’avait pas réellement de points faibles. Le problème c’est qu’il n’avait pas vraiment de point fort non plus. Du coup, il a effleuré le succès sans jamais réellement parvenir à percer même s’il était pris très au sérieux par tous les adversaires de prestige qu’il a pu croiser. La carrière d’Air France sera finalement restée sur le tarmac sans jamais décoller. Cependant, il aura eu tout de même le mérite d’avoir vécu de grands moments au Magic et aux Warriors et son apport régulier tout au long de sa carrière en sortie de banc lui aura permis de goûter à des Finales NBA. Aujourd’hui retraité, il continue de promouvoir le basket-ball en France au niveau amateur auprès des jeunes, lui qui a dédié toute sa vie à ce sport depuis ses 15 ans.
À seulement 37 ans, Mickaël Piétrus est désormais un retraité de NBA dont peu de gens se souviennent. Pourtant, il a bel et bien passé dix années dans la Grande Ligue et aura pesé à son niveau partout où il a joué. Air France n’aura jamais su faire décoller sa carrière, mais son parcours n’a pas été le plus facile. Allez, on vous laisse avec quelques highlights. Et bon anniversaire Mike !