L’incroyable histoire de Pat Riley : le consultant télé devenu un des plus grands coachs de l’histoire
Le 20 mars 2018 à 19:40 par Aymeric Saint-Leger
Cela fait maintenant plus de cinquante ans que l’on entend son nom résonner dans les sphères de la NBA. Pat Riley est clairement l’un des hommes les plus connus de la Ligue, toutes générations confondues. À 73 ans, le monsieur est toujours à la page, avec ses cheveux gominés et son style indéfinissable. C’est une référence dans le monde du basket, cela ne fait aucun doute. Ceci dit, il n’était pas prédestiné à avoir la carrière et le succès qu’il a traversés. Une des légendes de l’organisation aurait bien pu ne pas l’être, ça s’est vraiment joué à très peu de choses.
Vous connaissez le Showtime des Lakers, l’époque de la défense de fer des Knicks avec Pat Ewing, le duo Shaq-Wade, les Tres Amigos ? Et bien, tout ça est à l’origine d’une seule et même personne, dénommée Patrick James Riley. Si l’on prend toutes ces époques, les styles de jeu de chaque équipe n’ont rien à voir les uns avec les autres. C’est pourtant l’oeuvre de celui que l’on surnomme MacGyver. Pour n’importe quel fan qui connaît le basketball, une des références au coaching, depuis le début des années 80 jusqu’à il n’y a pas si longtemps, c’est bien ce bon Patoche. Les légendes se transmettent de génération en génération, lui les a traversées, avec brio. Cependant, avant d’être l’entraîneur, et l’exécutif avec tout le succès que l’on connaît, Pat a eu un chemin… particulier. Passé par l’université du Kentucky, Patrick était doué, au basket et au football américain. Le jeune homme, en 1967, était juste éligible à la Draft en NFL et en NBA. Les Dallas Cowboys l’avaient choisi au 11ème tour cette année-là, en 285ème position. Les San Diego Rockets l’avaient eux plébiscité en le choisissant en tant que septième choix. Riley a donc choisi le basketball au détriment du foot US. Il a joué trois ans pour la franchise californienne, avant d’aller aux Lakers, où il a passé cinq bonnes saisons, avant de terminer sa carrière de joueur à Phoenix, en 1975-76. Le point d’orgue de cette dernière est le trophée Larry O’Brien, obtenu avec les Angelinos, en 1972. Sa meilleure saison statistique est son avant-dernière, avec 11 points, 1,8 rebond et 2,6 passes de moyenne. Plutôt poste 2, capable de jouer en 3, Riley a passé sa carrière en tant que joueur de banc, de rotation. Une carrière sympathique, longue de neuf ans, sans trop d’éclats, qui s’arrête à l’âge de 30 ans. Après une année sabbatique, Pat est revenu dans la Cité des Anges, en tant que consultant à la télévision, comme c’est le cas de nombreux anciens joueurs. Deux ans plus tard à peine, lors de l’exercice 1979-80, deux tournants ont lieu : tout d’abord l’arrivée d’un nouveau propriétaire à la tête de la franchise, un certain Jerry Buss. Puis le coach en chef des Lakers, Jack McKinney, subit un grave accident de vélo. Son assistant, Paul Westhead, prend donc sa place à la tête des purple and gold. Ce dernier doit choisir un coach adjoint, et il porte son dévolu sur… Pat Riley. Lors de cette première saison dans le staff des Angelinos, les joueurs de Patoche remportent le titre, lors de la saison rookie d’un certain Earvin Johnson. Riles fera une année et quelques jours de plus à ce poste-là, aux côtés de Westhead. En effet, en 1981, les Lakers se font sortir au premier tour à l’Ouest par les Rockets, désormais à Houston. Après un début de saison 1982-83 moyen (7 victoires pour 4 défaites), Earvin Johnson est mécontent. Il demande à être tradé, puisque le système offensif de Westhead ne lui convient pas. Un jour après, Jerry Buss décide de démettre son coach actuel de ses fonctions, en prétendant que la déclaration de Magic n’avait aucune incidence sur sa décision, que c’était une coïncidence. Pour le propriétaire, Westhead avait transformé les Angelinos en équipe assez lente, alors que Buss voulait un jeu uptempo, pour produire du spectacle. Il décide donc de proposer le poste à son homonyme de prénom, un certain Mr. West. The Logo était le coach des Californiens de 1976 à 1979, et était le favori de Buss pour prendre le poste vacant d’entraîneur en chef. Il devait être en charge de l’attaque, et Riley devait rester assistant coach, en s’occupant plus du volet défensif. Cependant, Jerry West ne semblait pas vouloir du poste de head coach. À vrai dire, il se voyait plus comme l’assistant de Patoche, d’après ce qu’il avait dit au New York Times :
“Je vais travailler pour Pat. Ce ne sera pas une situation permanente pour moi. Je me sentirai plus en confiance si Pat prend le dessus. Il a des idées, et j’ai des idées. […] Je ne pense pas que les changements seront majeurs. Je serai là jusqu’à ce que Pat puisse gérer tout seul.”
Magic Johnson lui-même, la jeune star en devenir de la Ligue à cette époque, semble satisfait du choix de son propriétaire :
“Je pense que les connaissances de Jerry West, en tant que joueur, et en tant qu’entraîneur vont aider. Et Coach Riley est là depuis un moment, il connait les gars. Je pense que les deux coachs vont aider. Je suis sûr que tous les gars veulent aller de l’avant.”
Avec l’aval du propriétaire et du co-franchise player (avec Abdul-Jabbar) des Lakers, voilà l’occasion rêvée pour Pat Riley de faire ses preuves, en tant que coach principal d’une des franchises les plus mythiques de tous les temps. Jerry West n’en veut pas ? Pas de problème pour l’homme le plus gominé au monde, qui s’était confié sur cet épisode lors d’un discours pour le décès de Jerry Buss en 2013, au Los Angeles Times :
“Je me suis dit : ‘Et bien, si personne ne le veut, je le prends [le job de head coach, ndlr]’. J’étais là sur une base d’intérim pendant un moment. Buss a mis Jerry West avec moi sur le banc pendant environ trois semaines pour s’assurer que je ne gâchais pas son armada à 100 millions de dollars. On a gagné quelque chose comme 12 matchs d’affilée, et me voilà aujourd’hui [en 2013].”
Jerry Buss a donc donné sa chance à un jeune coach non-expérimenté, pour driver une équipe mythique. Grand bien lui en a pris. Pat Riley peut être éternellement reconnaissant envers l’ancien propriétaire des Lakers, il lui a permis de débuter sa carrière de la meilleure des manières. En effet, au terme de l’exercice 1981-82, qui s’impose lors des Finales NBA ? Les Angelinos. Avec un groupe de joueurs à la fois rapides et expérimentés, Patoche a développé ce que tout le monde connaît aujourd’hui comme le Showtime. Du jeu à toute vitesse, des dunks, du spectacle, tout pour ravir le public du Forum d’Inglewood (salle en pleine affaire avec les Clippers). Et même quand son équipe vieillissait, Riley a su d’adapter, commencer à jouer beaucoup plus demi-terrain. Résultat ? Titre en 1985, et back-to-back réalisé entre 1987 et 1988. La carrière d’entraîneur de Pat Riley était donc définitivement lancée, grâce à la confiance de Jerry Buss, et au désistement de Jerry West, une des figures les plus marquantes de l’histoire de la Ligue. Patoche est aujourd’hui, peu ou prou, au même niveau de notoriété que The Logo, surtout auprès des plus jeunes, puisque Papy, a 73 ans, est toujours président du Heat. Après être resté douze ans au total à Los Angeles, il est retourné dans son État de New York natal, pour aller coacher les Knicks, pendant quatre ans. Il a fait du Madison Square Garden une forteresse quasi-imprenable, en transformant son style de coaching archi-offensif en défense de fer. Autour de Pat Ewing, il a eu la malchance de tomber dans la période d’un certain MJ. Et même quand His Airness n’était pas là, il a buté sur Houston et Hakeem Olajuwon lors des Finales de 1994. Décidément, la franchise des Rockets a poursuivi l’homme de Rome (dans l’État de New York) pendant un long moment. En 1995, Patoche part en Floride, pour prendre la tête du Heat. Il aura légèrement galéré au début, notamment avec les blessures d’Alonzo Mourning. Voyant que les Big Men permettent de gagner des titres, il fait venir Shaquille O’Neal des… Lakers, jusqu’à Miami. Avec le jeune D-Wade -retourné depuis peu à South Beach – Big Cactus, et le retour de Zo’ sur le banc, Riley empoche son cinquième titre en tant que coach en chef d’une franchise NBA. Il est actuellement, en 2018, toujours dévoué au Heat, en tant que président et manager général de l’équipe. C’est d’ailleurs lui qui est à l’origine de l’arrivée de Chris Bosh et LeBron James au début des années 2010, pour créer le Big Three des Tres Amigos. Cette aventure sera également couronnée de succès, avec un back-to-back entre 2012 et 2013. Quasiment partout où il est passé, Pat Riley a réussi. Depuis son arrivée dans la NBA en tant que joueur, et à fortiori en tant que coach, dès 1979, MacGyver a su s’adapter à toutes les équipes, à toutes les époques, d’où ce surnom. Tantôt créateur, tantôt détecteur de tendances, il a toujours su mettre à profit son expérience, améliorer des choses déjà existantes. Grand travailleur, c’est un des premiers à avoir utilisé la vidéo pour tout étudier : les adversaires, les systèmes, etc… Et dire que sans un énorme concours de circonstances, on aurait pu uniquement voir la dégaine de Patoche de derrière un poste de commentateur. Cela aurait été dommage de se passer de ses talents d’innovation, d’application et de meneur d’hommes. Parce que tout ça, c’est bien, mais derrière un micro et une caméra, cela aurait été du gâchis.
Sans un coup de pouce du destin, et un opportunisme certain, Pat Riley n’aurait peut-être jamais été coach en chef sur un banc NBA, et n’aurait sans doute jamais eu l’occasion de chapeauter toute une organisation comme celle du Heat. Il ne compterait pas neufs titres (un en tant que joueur, un en tant qu’assistant coach aux Lakers, quatre comme entraîneur en chef chez les purple and gold, un en drivant Shaq et Wade, puis deux en tant qu’exécutif, derrière les Tres Amigos). Patoche peut remercier les deux Jerry, qui lui ont permis d’être, à 73 ans, une des figures les plus connues de la Ligue, et un des plus grands coachs all-time de toute la NBA. Tantôt détesté, tantôt adulé, on ne peut que constater l’évidence : Patrick est un gagneur. Et ce n’est pas terminé, une des coupes de cheveux les plus marquantes de l’histoire rode toujours, pas très loin du parquet de l’American Airlines Arena.
Sources texte : Los Angeles Times, New York Times, Bleacher Report, netmassimo.com