Pourtant jeunes, les Kings jouent beaucoup trop lentement : la faute à l’attaque… ou la défense ?

Le 18 mars 2018 à 09:54 par Aymeric Saint-Leger

De'Aaron Fox
Source image : nba league pass

Qu’elle est loin, l’époque des Kings de Peja Stojakovic, Chris Webber et consorts sous Rick Adelman. Cela fait plus de 10 ans que cette dernière est révolue, et autant de temps que Sacramento n’a pas vécu de Playoffs. Même avec DeMarcus Cousins, River City n’a pas dépassé les 50% de victoires sur une saison. Sans Boogie, ça ne marche pas beaucoup mieux. Chez les Rois, il y a de sérieux problèmes d’approche dans le jeu, liés les uns aux autres. Le principal étant sans doute l’attaque des Californiens, qui semble actuellement à contresens total de son potentiel et de la tendance imposée par la NBA.

Bravo Einstein : tu as trouvé que quelque chose ne va pas chez les Kings. Cela apparaît évident à l’œil nu, quand tu arrives à t’endormir devant un match NBA aux alentours de 4h30, 5h du matin, soit tu n’aimes pas le café, soit les hommes de Dave Joerger sont dans le coin. Bien sûr, tout le monde ne peut pas avoir LeBron James ou Kevin Durant dans son équipe. Mais même sans un joueur d’un tel calibre, il est possible de créer de belles choses offensivement parlant. Sacramento l’a d’ailleurs montré par séquence, que ce soit en l’emportant deux fois à Oakland ou sur des soirées mieux générées sur cette deuxième partie de saison. Malheureusement, c’est bien dans ce domaine offensif que ça pêche pour les Californiens. En termes de points marqués par match, Sacramento est l’avant-dernière équipe de la Ligue, juste devant Memphis. Ce sont les deux seules franchises à ne pas dépasser les 100 points par rencontre (99,6 pour les violets, 98,7 pour les Grizzlies). Si une équipe n’arrive pas à dépasser cette barre symbolique, ça ne sent généralement pas très bon. À moins d’avoir la défense des Spurs, ou celle du Jazz, ça signifie la plupart du temps une défaite au terme des quatre quart-temps disputés, une théorie que les Kings ont validé cette saison. Du potentiel offensif, il y en a pourtant sur place. Les vieux larrons, Z-Bo et Vinsanity, sont capables d’apporter au scoring, et les fines gâchettes ne manquent pas dans le roster, à commencer par Buddy Hield, Garrett Temple, Bogdan Bogdanovic, et le favori de la foule fraîchement arrivé, Bruno Caboclo. Mais alors docteur, qu’est ce qui ne va pas dans l’attaque des Californiens ?

Notre Psy, chez TrashTalk, vous dirait qu’un seul être vous manque et tout est dépeuplé, Sacto ne s’étant pas encore remis du départ de DMC. Rien qu’en y jetant un coup d’œil, on peut trouver un début de réponse. Quand ton meilleur marqueur a 36 ans, et que c’est un éléphant qui met autant de temps que Sim Bhullar à traverser un terrain, ce n’est pas très positif. Zach Randolph fait le taf avec ses 14,9 points de moyenne par match, mais sa production représente à elle seule un symbole de dysfonctionnement offensif. Malheureusement, l’équipe tout entière joue au rythme de l’ancien Jail Blazer. Cela se ressent au niveau des points sur les pertes de balle adverses, avec 15,2 maigres points marqués dans ce type de situation. Visuellement, le rythme est lent, ce qui n’est pas vraiment dans la mouvance actuelle de la Ligue. Comment est-ce possible que cette équipe trottine alors que le roster est composé majoritairement de jeunes joueurs ? En comptant les deux two-way contracts que sont Jack Cooley, 26 ans, et JaKarr Sampson, 24 ans, et avec les deux dinosaures que sont Carter, 41 ans et Randolph, 36 ans, la moyenne d’âge de Sacramento est de 25,88 ans. Si on enlève les deux vétérans, la moyenne tombe de suite à 24,07 ans par joueur, soit tout proche des équipes les plus jeunes de la Ligue, Phoenix et Chicago, qui ont des effectifs avec des joueurs âgés de 24 ans, en moyenne. Il y a donc des mobylettes de partout dans le roster Californien, de quoi galoper 48 minutes par rencontre. Ce qui paraît plutôt paradoxal comme statistique, au vu du style de jeu de la franchise de River City. Pour confirmer l’impression visuelle ressentie lors de certains massacres matchs au Golden 1 Center, entrons dans le doux monde des statistiques.

Oui, Willie Cauley-Stein, Buddy Hield, Justin Jackson, Skal Labissiere et De’Aaron Fox ont encore leurs jambes de vingt ans, et largement. Cela n’empêche pas les Kings d’avoir une pace très faible. En d’autres termes, dans la langue de Molière, Sacto ne joue que 97,3 possessions par rencontre. C’est le deuxième pire total, après… Memphis. Décidément, encore eux. Les violets sont bien loin des Lakers, équipe qui joue 103,2 possessions par match, ou des Suns, qui suivent les Angelinos avec 102,8. Rendez-vous compte, cela fait cinq attaques en plus pour une équipe, soit un potentiel de quinze points de plus par match. Un des rosters les plus jeunes correspond bizarrement à un des rythmes les plus lents. Sacramento joue beaucoup sur demi-terrain, n’exploite que peu les ballons de contre-attaques, et prend beaucoup de shoots en fin de possession. Pour 100 occasions, De’Aaron Fox et ses potes ne mettent que 101,7 points. C’est l’antépénultième pire total de la Ligue, et c’est très loin des Warriors, qui mettent 12 unités de plus avec le même nombre de ballons à exploiter. On se dit alors que la défense doit fonctionner un minimum. En termes de points encaissés par match, on pourrait croire que c’est le cas. Les Kings possèdent la 17ème meilleure défense (ça passe toujours mieux dans ce sens) de la Ligue, avec 107,3 points encaissés par match. Les Suns, par exemple, en concèdent 113,7 par confrontation. Mais c’est aussi parce que Devin Booker et ses guys jouent vite, donc exploitent beaucoup de possessions.

Si on va au-delà des apparences, les Californiens ont quasiment la pire efficacité défensive de la NBA, puisqu’ils encaissent 110,1 points toutes les 100 possessions. En fait, la défense de Sacramento est à un niveau équivalent que celui de son attaque. Ce niveau s’apparente plus à la G-League qu’à la NBA. N’en déplaise à Dave Joerger, il n’est plus à Memphis. Le coach de 44 printemps a passé neuf ans dans le Tennessee, six en tant qu’assistant, et trois en tant qu’entraîneur principal. En étant sur le banc ou ceux de G-League où il a cartonné, il a appris son métier en faisant évoluer le grit and grind des Grizzlies. Sauf que c’est bien mignon, mais c’est plus facile et plus adapté de jouer ce type de jeu avec Tony Allen et Marc Gasol qu’avec Buddy Hield et Skal Labissiere. En bref, c’est à se demander si le fond de jeu global est à revoir. Le rythme est à accélérer, il faut que ces jeunes jouent en courant, pour pouvoir justement trouver leur rythme au shoot. La question centrale revient presque à la théorie de la poule et de l’oeuf : est-ce la défense frustrante qui impose des attaques moyennes car uniquement sur panier marqué, ou bien est-ce l’attaque désordonnée qui génère une fatigue morale et donc de larges espaces en défense ? Les Kings ont cette saison le pire pourcentage en termes de true shooting percentage. C’est à dire que si l’on prend en compte les pourcentages des lancers-francs et des tirs à trois points, on arrive à un faible total de 53,2% de réussite globale, soir le pire taux de la Ligue – et oui, même Memphis fait mieux). Prenez tous les chiffres, triez-les, analysez-les, la réalité du terrain est que Sacramento joue trop lentement et doit changer cette donne pour évoluer dans le bon sens.

Pour pouvoir améliorer le jeu de la franchise appartenant à Vivek Ranadivé, il faut instaurer un cercle vertueux. Il faudrait commencer à mettre de la vitesse, shooter plus, prendre des risques, faire courir ces jeunes joueurs, qu’ils se mettent en rythme, et qu’ils puissent fatiguer les effectifs d’en face. Cela pourrait cartonner chez les Californiens, si ça sprintait au lieu de trotter pour aller se placer tranquillement dans son corner ou sur un elbow. Les big men doivent courir, et l’adaptation doit s’effectuer lorsque Zach Randolph et Kosta Koufos sont sur le parquet, dans la second unit. Place à la jeunesse, à la vitesse. Rapidité des joueurs, vitesse de la gonfle qui tourne, joueurs en rythme, alley-oops dévastateurs avec Cauley-Stein et tutti quanti… Le changement de style offensif de Sacto passera notamment par là. Qui sait, cela pourrait permettre de trouver plus d’efficacité au tir. Et même si ce n’est pas le cas, cela procurera un nombre de possessions supérieur, donc des points potentiels en plus. Cela dynamisera un effectif, qui reste en mouvement, et qui peut enchaîner sur un repli défensif propre, soit une des forces actuelles des Kings, qui ne prennent “que” 15,6 points de moyenne par match sur balles perdues et contre-attaques. Une fois le retour dans leur camp effectué, voilà le deuxième axe de travail qui intervient : défendre fort, encaisser moins de paniers, et sécuriser des rebonds.

Avec un coach comme Dave Joerger, réputé défensif, et un core de jeunes énergiques, il y a de quoi monter une défense qui tient la route autant dans le périmètre qu’à l’intérieur. Tiens, la peinture justement. Ce point-là pêche aussi, le taux de rebonds. Il s’agit du pourcentage de prises qu’une équipe réalise sur tous les shoots ratés, les siens et ceux de l’adversaire. Là encore, les Kings sont 28èmes, avec seulement 48% de rebonds pris sur les 100% prenables sur un match. Pourtant, il y en a des babarovs entre Koufos, Cauley-Stein et Labissiere, qui sont capables de faire de bons box-outs et d’assurer des prises en haute altitude. C’est d’une logique simple assez simple car scandée au plus faible niveau : plus de défense signifie plus de shoots ratés. Donc plus de rebonds à prendre, soit plus d’opportunités pour monter rapidement la gonfle vers le panier adverse. On boucle le cercle vertueux. En courant pour aller attaquer sur des défenses adverses qui peuvent avoir quelques errements sur le repli (c’est monnaie courante en NBA), cela donne des points faciles, et cela permet de se replacer tranquillement en défense, pour mettre la pression, faire prendre des shoots compliqués… On ne va pas refaire la boucle indéfiniment, elle se résume en de simples mots : vitesse, rythme, shoot, repli, défense forte, box-out, rebond, vitesse sur la remontée de balle, points faciles. Ou comme diraient certains, defend, rebound and run.

L’effectif de Sacramento est vraiment jeune, il a le temps de se développer. D’autant que le coach et le GM de la franchise sont là jusqu’en 2020. Mais il est temps de changer de dynamique, dès maintenant, pour être performant dans le futur. Dave Joerger a montré qu’il pouvait être un bon coach, il se doit d’être capable de s’adapter à la NBA moderne. Quelques bons coups lors des Drafts et des trades de la part de Vlade Divac, un changement de philosophie, de la course et de l’envie, puis on pourra commencer à parler des Kings de retour dans le monde du crédible d’ici peu de temps. Mais de grâce, faites-quelque chose pour qu’on arrête de s’ennuyer devant les matchs de Sacto. Quitte à prendre 130 points par match, autant essayer d’en mettre 135.

Source texte : Hollinger’s NBA Team Stats ESPN