Interview TrashTalk x Bruce Bowen : “Certains rêvent d’être champion NBA, mais ce n’était pas mon cas”

Le 07 juil. 2017 à 11:46 par Bastien Fontanieu

Bruce Bowen
Source image : TrashTalk

Présent à Evreux la semaine dernière, Bruce Bowen retrouvait le club de son coeur en France, notamment en tant qu’ambassadeur de la NBA. Une caisse, une heure de route et un sandwich-triangle plus tard, on a pu discuter avec le meilleur ami de Kobe.

Il était là, souriant, comme souvent. Heureux, forcément, de retrouver le stade où il avait fait ses premiers cartons. Fier, aussi, de montrer à ses deux fils ce que Papounet avait accompli quand il était plus jeune. Bruce ne balançait pas un mot de français, mais il avait l’air d’être plus content que nous tous réunis d’être sur l’Hexagone. Il faut dire qu’émotionnellement, retourner sur les traces de ses premiers succès, ça peut vite faire boom-boom au niveau du coeur. On a donc pu discuter en toute légèreté avec le pitbull attitré des Spurs des années 2000, amoureux secret de Steve Nash et accessoirement idole de Zaza Pachulia.

TrashTalk : Salut Bruce, merci d’être là aujourd’hui. Première question, tes impressions maintenant que tu es de retour en France, quelles sont-elles ? Qu’est-ce que tu ressens ?

C’est un rush d’émotions, difficile à décrire. Retrouver des gars avec qui j’ai joué et passé tant de bons moments, ce n’est que du positif. J’ai pu reparler avec des coéquipiers qui m’ont aidé au tout début de ma carrière, des entraîneurs qui m’ont appris à représenter non seulement mon nom mais aussi mon club. Je suis heureux de revenir ici, surtout à Evreux. Le stade n’a quasiment pas changé ! Il y avait un fan en particulier qui mettait une ambiance folle, je l’ai revu et il m’a dit : “Bruce, on bossait dur du lundi au vendredi, samedi on célébrait ce que faisait l’équipe, dimanche on se reposait après avoir vécu tout ça, et on recommençait le lundi.” Je pense à tous ces moments, je n’ai que de bons souvenirs ici.

TT : On connaît tous ta carrière en tant que joueur, mais il y a forcément un après. Aujourd’hui on te voit notamment à la télé en tant qu’analyste, mais qu’est-ce que tu penses faire par la suite ? Qu’est-ce qui t’intéresserait ?

Tu sais, j’essaye de prendre la vie comme elle vient. J’ai certes quelques plans en tête, mais la vie peut parfois vous dicter autre chose. Je reste donc ouvert en acceptant ce qui m’est proposé, car cela a souvent tourné en ma faveur. Je gravite autour de ce que la vie m’offre. Je n’avais jamais prévu de venir ici en France, cela ne faisait jamais partie de mes plans.

TT : Vraiment ? Ce n’était même pas un plan B ou C ?

Cela ne faisait pas du tout partie de mes plans ! Jusqu’à ce qu’on me propose une opportunité ici, de jouer en France. Au début j’étais plutôt réticent, mais en restant ouvert je me suis dit, pourquoi pas ? Vous savez, tellement de joueurs ont pour rêve d’être champion NBA, mais ce n’était pas mon cas. Cela s’est ensuite produit en restant justement ouvert à différentes choses, aujourd’hui j’entraîne des enfants et ça me plaît.

TT : Sur le circuit AAU (Amateur Athletic Union) ou dans des écoles privés ?

Ils appellent ça encore AAU, mais ce n’est plus vraiment le cas… Disons que je suis dans un environnement où le jeu est moins agressif, je suis plus proche des écoles. Les parents sont d’ailleurs assez différents entre la France et les Etats-Unis, sur la façon dont leurs enfants sont liés au monde du sport.

Collector ma gueule Source image : TrashTalk

Collector ma gueule
Source image : TrashTalk

TT : Justement, cela me permet de passer à la question suivante. On vient de voir le plus âgé de tes deux fils tirer sur le côté (NDLR : 12 ans, environ 80% de réussite aux lancers…), il a récupéré ton poignet ou comment ça se passe ?

(rires) On va dire que la plus grosse part de son efficacité aujourd’hui vient de son propre boulot, mais j’aime dire qu’il y a une bonne part d’ADN aussi ! Voilà comment je résumerais les choses : Stephen Curry n’a pas appris à tirer tout seul, son père (Dell) était derrière lui. Mes deux garçons aiment ce sport, ils prennent leur pied et c’est tout ce que je leur souhaite. Je dis souvent aux enfants que le basket m’a offert une vraie éducation, j’ai pu voyager dans le monde, je suis ambassadeur pour la NBA aujourd’hui… donc je reste encore beaucoup attaché à ce sport.

TT : On doit forcément parler un peu NBA avec toi. Ta carrière est souvent liée à la défense, aux Spurs et à Gregg Popovich, mais ne devrait-on pas remercier Pat Riley en premier (NDLR : premier contrat en NBA avec le Heat) ? 

Vous êtes les premiers à m’avoir posé cette question, on ne m’a jamais demandé de parler de lui. Et c’est fou. J’ai fait deux passages sous Pat Riley, le premier était ce contrat de 10 jours qui m’a permis de vraiment entrer en NBA. J’ai été influencé par de nombreux grands entraîneurs, mais je dirais ceci concernant Riley : c’est lui qui m’a appris à être dur mentalement. Toutes les histoires partagées, les discussions, tout était dirigé vers ce but, d’être costaud dans sa tête. Car 9 fois sur 10, même si vous êtes crevé ou que vous loupez vos tirs, vous allez rester productif si vous êtes solide mentalement. Pat m’a beaucoup aidé là-dessus.

TT : En parlant de rester dur mentalement, est-ce qu’on peut considérer que la faute de Manu Ginobili en 2006 sur Dirk Nowitzki est le moment le plus dur à vivre de ta carrière en NBA ?

Cette action me fait encore tellement mal… Tiens, petite histoire à ce propos. Quand Pop (Gregg Popovich) prend temps mort, on a donc trois points d’avance, je crois. Et il insiste bien sur le fait qu’on doit laisser Dirk marquer au poste, s’il me dépasse. Ne surtout pas faire faute, car on aura encore un point d’avance et derrière on pourra finir le job. Je défends sur lui, Nowitzki me dépasse comme prévu et je vois Manu arriver dans les airs… Tu sais, comme dans les films, au ralenti ! Je me dis qu’il ne va quand même pas faire faute, puis l’arbitre siffle and one… Mais bon, c’est Ginobili, il voulait aussi la gloire dans ces moments-là et il s’est bien rattrapé l’année suivante.

TT : Pour finir, on doit parler du jeu actuel. Il y a forcément un joueur que tu regardes et qui te fait penser à toi. Est-ce qu’il y en a un en particulier ? Qui tu aimes voir jouer ?

Défensivement, je n’en trouve pas. Si je devais choisir un joueur actuel possédant la même détermination que la mienne, je dirais Draymond Green. Parce qu’il était drafté au second tour, bon lui au moins il a été drafté ! Mais il refuse de perdre l’opportunité qui lui est donnée, et c’est ça que j’aime. Certains joueurs sont draftés puis s’en foutent un peu. J’utilise souvent Tony (Parker) comme exemple, parce qu’il était le dernier choix de son tour de Draft et regardez ce qu’il est devenu. Il était bon, certes, mais il est surtout devenu meilleur en bossant. Chaque année il est revenu encore plus fort, c’est un futur Hall of Famer et vous devriez être tous fier de lui en France.

TT : On sera encore plus fier quand il aura son maillot accroché à côté du tien, au plafond du AT&T Center.

Zéro débats là-dessus, évidemment qu’il aura son maillot retiré.

Source image : TrashTalk

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Remerciements : NBA France, ALM Evreux Basket