Playoffs Revival : quand Michael Jordan bouffe une pizza dégueu, il se venge avec le Flu Game
Le 11 juin 2017 à 13:09 par David Carroz
La saison régulière, c’est sympa, les matchs se multiplient, mais on ne regarde parfois certaines rencontres que d’un œil discret. Au cas où les Finales entre Cavs et Warriors ne suffisent pas à votre faim de basket, voici un de nos petits retours sur les grands moments de l’histoire des Playoffs. Parce que c’est à cette période de la saison que les légendes naissent et que les fauves sortent les crocs.
Flu Game. Un nom qui résonne forcément dans la tête des fans de la NBA, comme une des soirées où Michael Jordan a écrit sa légende. Fiévreux et mal en point, il s’est tout de même pointé sur le parquet pour le Game 5 des Finales NBA de 1997 face au Jazz, alors que quelques heures plus tôt il était cloué au lit. Pas de quoi l’effrayer ni le ralentir puisqu’il a sorti une performance à la hauteur de celles qu’il produit avec régularité dès que le niveau s’élève, se montrant en prime clutch au moment de conclure la rencontre. Finalement, un match comme un autre pour MJ. Et un exploit de plus pour le commun des mortels.
Le contexte – 133 victoires en saison pour les finalistes
Après avoir battu le record de victoire (72-10) en saison régulière – à l’époque, les Warriors sont passés par là depuis – et remporté le titre, les Bulls ne mettent absolument pas le pied sur le frein et poursuivent sur leur lancée. Avec un joli 42-6 au moment du All-Star Game, Michael Jordan et ses coéquipiers sont encore sur les bases d’un bilan à 70 succès. Mais quelques blessures et des matchs moins aboutis ternissent – si on peut utiliser ce terme – la fin de l’exercice et Chicago se contente de 69 victoires. De l’autre côté du pays, ce ne sont pas les rives du Lac Michigan mais Salt Lake City chez les mormons que le basket est à la fête. Souvent placés mais jamais gagnants, les joueurs du Jazz emmenés par le duo John Stockton – Karl Malone semblent avoir enfin trouvé la bonne partition à jouer pour franchir un cap. Le Mailman remporte même le titre de MVP de la saison régulière, légèrement devant MJ, en portant Utah au sommet de la Conférence Ouest avec 64 victoires pour 18 défaites, meilleure performance de l’histoire pour la franchise.
Les deux équipes vont ensuite se suivre en Playoffs, même si les Jazzmen auront besoin d’un petit match en plus lors de la dernière marche avant les Finales. Ainsi, Chicago sweepe les Bullets pendant qu’Utah en fait de même avec les Clippers, laisse une rencontre en route contre les Hawks alors que le Jazz continue de faire mal à Los Angeles en battant les Lakers en cinq rencontres. La seule différence sera donc cette manche supplémentaire dont les hommes de Jerry Sloan auront besoin pour battre les Rockets 4-2 tandis que les Bulls ne trembleront pas pour éliminer le Heat 4-1. Des parcours proches pour les deux meilleures équipes de la saison régulière qui présentent un bilan cumulé de 133 victoires pour 31 défaites, le second meilleur de l’histoire pour un duel final.
Chicago débute bien la série à domicile en remportant les deux premiers matchs au United Center. Le Game 1 est accroché, mais un double échec de Karl Malone sur la ligne des lancers-francs après que Scottie Pippen lui ait glissé à l’oreille que le facteur ne passait pas le dimanche, suivi d’un jumper victorieux de Michael Jordan au buzzer permettent aux Bulls de ne pas perdre l’avantage du terrain. La rencontre suivante sera accrochée moins longtemps, car à la faveur d’un 12-0 dans le cours du second quart-temps, les Taureaux ne relâcheront pas la pression et conserveront leur avantage. Il fallait bien ça car en arrivant à Salt Lake City, la donne n’est plus la même et c’est maintenant le Jazz qui dicte le tempo. Dans un vacarme assourdissant, Karl Malone et les siens gèrent un avantage de 24 points pour relancer les Finales. Le Game 4 sera plus serré, et cette fois-ci c’est sous l’impulsion de John Stockton en fin de rencontre que Utah va prendre le dessus. Le duo du Jazz tourne à plein régime alors qu’en face, Michael Jordan se montre moins performant qu’au United Center, ne scorant que 26 puis 22 points au Delta Center (à 20 sur 49 en cumulé) alors que dans l’Illinois il avait enchaîné 31 pions à 13/27 avec un quasi triple-double – 38 points à 11/20, 13 rebonds et 9 passes. C’est cette version de leur franchise player dont les Bulls vont avoir besoin au moment d’aborder un Game 5 souvent souvent décisif dans les séries au meilleur des 7, histoire de ne pas repartir avec le couteau sous la gorge pour Windy City.
La performance – Michael Jordan versus le Jazz et une pizza
Mais la préparation est loin d’être optimale pour cette ultime confrontation chez les Mormons. Rapidement dans la journée, le bruit court que Michael Jordan serait malade, présentant les syndromes d’une grippe. Affaibli, il ne quitte son lit qu’au dernier moment pour rejoindre le Delta Center. Phil Jackson ne sait pas s’il pourra compter sur lui, tout comme Scottie Pippen qui ne fait pas le fier en voyant son général se pointer après les autres à la salle.
“À aucun moment je n’ai pensé qu’il puisse être en tenue. Je ne l’avais jamais vu comme cela, il n’allait pas bien, je veux dire vraiment pas bien.”
Franchement les gars, on parle de JoJo. On a vraiment douté de sa présence pour un match des Finales NBA ? Soyons sérieux. Par contre il faudra certainement jongler avec son temps de jeu et l’économiser pour éviter une déshydratation ou des vertiges, voire un simple petit renard posé en scred sur le banc de touche. Il débute néanmoins dans le cinq de départ comme à son habitude, mais le premier quart n’est pas très concluant. La bête souffre et manque de tranchant, l’intensité mise n’est pas celle qu’il offre soir après soir, les courses sont calculées et limitées à l’essentiel. Douze minutes plus tard les Bulls sont à la bourre avec déjà treize points de retards, et MJ n’a pesé qu’à hauteur de quatre pions. Un écart qui va grimper jusqu’à seize unités en début de second quart. C’est le moment choisi par Jordan pour dépasser la fièvre qui le brûle en se montrant agressif. Quelques voyages sur la ligne après avoir provoqué des fautes, le panier attaqué et les jumpers convertis font gonfler ses stats et revenir Chicago dans la partie. Le retour au vestiaire se fait alors que le Jazz est à portée de fusil – 4 points – et que Mike a envoyé 17 pions supplémentaires lors de cette période pour permettre aux siens de recoller.
Malheureusement pour la troupe de Windy City, le modjo est de nouveau perdu lorsque Michael Jordan revient sur le parquet après la mi-temps. La nausée n’a pas disparu comme par magie et le Jazz tente d’enfoncer le clou pendant que His Airness voit son impact redevenir celui d’un no-name ou presque avec ses deux petits points au cours de la période. Si bien qu’au moment d’attaquer le dernier acte, Utah est devant de 5 et personne ne donne cher des Bulls, même si le différentiel de -5 n’a rien d’insurmontable. Sauf que dans un match aussi défensif, les possessions valent cher et les Mormons consolident cet avantage pour le passer à +8 après un panier longue distance de Chris Morris alors qu’il reste dix minutes à jouer. Mais l’orgueil de Michael Jordan doit être bien supérieur à des nausées car le numéro 23 remet la machine en marche pour passer un 10-0, avec 7 points pour sa pomme. Parait qu’il est malade le monsieur… l’horloge tourne, la rencontre est toujours aussi tendue et JoJo n’a toujours pas posé de galette. Pire, ce sont finalement ses bourses qu’il va mettre sur le front des joueurs du Jazz pour boucler le match. Tout d’abord en prenant le rebond sur son propre lancer franc manqué, s’offrant ainsi une nouvelle possession pépère. Il reste 45 secondes à jouer, les deux équipes sont à égalité, 85 partout. La balle circule et revient dans les mains de Mike qui sert alors Scottie Pippen défendu au poste bas par Jeff Hornacek. Bryon Russell quitte alors Jordan pour tenter une prise à deux sur le 33 des Bulls. Qui ressort la gonfle pour MJ. Ficelle du parking, 25 secondes à jouer, Utah ne reviendra pas. Épuisé, Michael Jordan est soutenu par son lieutenant et ami pour retourner sur le banc lors de l’ultime temps-mort. Une image forte, symbole des difficultés du 23 ce soir-là et du lien unissant les deux joueurs. Avec 38 points à 13/27, 7 rebonds, 5 passes, 1 contre et 3 interceptions il a fait plus que sa part du travail, comme si de rien n’était.
“C’est probablement la chose la plus difficile que j’ai jamais faite. Si on avait perdu j’aurais été dévasté.”
La suite – Back-to-back en attendant le Threepeat
Deux jours plus tard, les Bulls pliaient l’affaire lors de leur retour au United Center pour le Game 6. Toujours un peu fatigué, Michael Jordan enverra tout de même un 39-11-4 au calme pour aller chercher le second titre depuis qu’il est sorti de sa retraite. Un an plus tard, les deux équipes se retrouveront pour une revanche que le Jazz ne parviendra pas à prendre malgré l’avantage du terrain cette fois-ci, défait encore 4-2 par les Taureaux. Threepeat, le second des Bulls. Et le dernier titre chicagoan, l’équipe explosant ensuite avec les différentes fin de contrat et le lock-out.
Bien entendu, on ne saura jamais ce que Michael Jordan trainait réellement ce soir-là. Véritable grippe ? Intoxication alimentaire à cause d’une pizza ? Même la thèse du complot judéo-maçonnique parlant d’une soirée un peu trop arrosée a fait surface à un moment donné. Peu importe, car dans tous les cas, envoyer 44 minutes de basket lors d’une finale NBA et peser autant sur les débats relève de l’exploit. Au-delà des stats, la performance se place à un niveau de détermination et de volonté que peu d’athlètes peuvent atteindre.