Le fabuleux destin du millésime 96 – Stephon Marbury : le prodige new-yorkais devenu roi en CBA
Le 08 mars 2017 à 18:48 par David Carroz
On parle beaucoup de la Draft de 1984 ou de sa petite sœur de 2003 en termes élogieux, comme les meilleures que la NBA ait pu connaître. Pourtant, intercalée entre ces deux générations dorées, une autre cuvée a son mot à dire. Avec 18 titres de champion, 2 MVP des Finales, 4 MVP de saison régulière et 10 All-Stars, la classe 1996 mérite toute notre attention. Ce millésime – qui vient de voir son dernier représentant tirer sa révérence avec un feu d’artifice à 60 points – fête donc cette saison les 20 ans de son arrivée dans la Ligue. Et, force est de constater que ces gars ont non seulement brillé sur les parquets mais aussi grandement contribué à changer le visage de la NBA. Pour le meilleur ou le pire, n’est-ce pas monsieur Stern ?
Quand on parle de palmarès pour la Draft 1996, Stephon Marbury n’est pas forcément le nom qui vient le plus vite à l’esprit. Normal, même s’il gratte deux sélections All-Star, le reste de son armoire à trophée n’est pas très rempli. Du moins si on s’arrête à la NBA. Car sa légende, c’est du côté de l’Empire du Milieu que Starbury en a écrit les meilleures pages.
Rookie Origins – le meilleur guard issu de New York
Lorsqu’à dix-huit piges Stephon Marbury fait ses gammes en NCAA, entre coup d’éclat et match décevant, il a déjà une belle pression sur les épaules. Depuis des années déjà, il est labellisé comme le meilleur guard issu de New York. Il faut dire qu’à neuf ans, il se la pète déjà lors de concours de tirs à la mi-temps des matchs de Lincoln High, lycée qu’il fréquentera par la suite. En quatrième, il se frotte d’ailleurs à des lycéens et malgré son audace déplacée, les organisateurs en restent sur leur séant. Pas facile à assumer ensuite, surtout quand on porte en prime les espoirs d’une grande famille qui respire le basket. Et qui compte sur lui pour se casser de l’appartement qui tient plus d’un lieu de passage qu’autre chose dans leur quartier de Brooklyn. Mais pas celui bobo qu’on nous montre en ce moment, plutôt la version glauque où l’un des coéquipiers de Stephon en high school s’est fait descendre. Avant lui, d’autres membres de la fratrie Marbury ont échoué dans cette quête du Graal qu’est un contrat NBA, chacun devant prendre la suite de son ainé dans les aspirations familiales, jusqu’au tour de Stephon. Mais celui qu’on ne surnomme pas encore Starbury est différent. Plus complet, plus fort, il a surclassé ses frangins sur les playgrounds de Coney island. Eric avait fixé le ton de ce désir de réussite. Donnie a ajouté un peu de finesse. Norman une plus grande compréhension du basket. Et si à l’époque Moses est plus jeune que Steph, jamais les mêmes attentes ne seront placées en lui. Non, le phénomène, c’est Stephon. Tir à mi-distance et de loin, appétit féroce pour griller son adversaire en un contre un, aussi bien en attaque qu’en défense. Et un charisme, une facilité que certains qualifieront d’arrogance à la new-yorkaise. Parfois même plus, quand il nargue les coachs adverses en leur faisant remarquer qu’il met la misère à leurs arrières et qu’ils doivent trouver des solutions pour le stopper. Mais le chemin vers la réussite n’est pas tout tracé. Demandez à Dwayne Washington ou encore Felipe Lopez, prodige new-yorkais également que la ville n’a pas hésité à jeter aux oubliettes sans vergogne, après les avoir portés aux nues dans leur jeunesse.
Pas de quoi effrayer Georgia Tech qui drague le meneur espérant le voir ramener les Yellow Jackets au plus haut niveau NCAA. Les mecs le veulent tellement qu’ils flippent lorsque malgré l’accord verbal donné par Stephon Marbury en janvier 1995, des rumeurs l’envoient à Fresno State. Le coach de Tech se déplace chez le prospect qui le rassure tout en s’agaçant du manque de confiance en sa parole. Le début d’une incompréhension permanente ? Plus ou moins, car même si Stephon ne sera pas dans le conflit avec son entraineur à l’université, il préfère tout de même accorder plus de crédit aux conseils familiaux qu’à ceux du staff technique. Alors forcément, quand l’irrégularité du jeune homme prend le dessus, les dents grincent, surtout quand en novembre, Marbury laisse entendre qu’il se casserait bien en NBA dès la fin de son année freshman, si la promesse d’une choix parmi les lottery picks s’offre à lui. Des coéquipiers critiquent son manque de maturité, les membres du staff passent des heures à discuter en tête à tête avec lui pour qu’il prenne du plomb dans la cervelle, mais chaque pas en avant est suivi d’un autre en arrière. Et la certitude pour Stephon Marbury qu’il vaut mieux qu’il joue son jeu comme lui conseillent ses frères plutôt que de s’appuyer sur les coachs. Le talent est là, il est suffisant pour la NBA, pourquoi s’emmerder avec des consignes ?
Rookie Year – Stephon Marbury et Kevin Garnett, le duo du futur
Le diamant brut voit sans surprise son nom être appelé rapidement le 26 juin 1996 à East Rutherford. En quatrième position, après Allen Iverson, Marcus Camby et Shareef Abdur-Rahim. Il enfile alors la casquette des Bucks, mais jamais il ne verra le Wisconsin, du moins en tant qu’employé de la franchise de Milwaukee. En effet, il est envoyé dans la foulée à Minnesota contre Ray Allen. Pas de rancoeur mais une petite pique tout de même lorsqu’on lui demande ce que cela lui fait de servir de monnaie d’échange aussi rapidement dans sa carrière :
Vous ne savez jamais ce que le futur vous réserve. Je vois maintenant comment ils transfèrent les gens de cette façon… Je ne peux pas croire que cela soit arrivé si vite. Mais j’ai apprécié Milwaukee pour les quelques minutes passées avec eux.
Mais la perspective de jouer avec Kevin Garnett, pierre centrale du projet de construction des Wolves, l’attire. Il est persuadé qu’à eux deux ils forment le duo du futur et que l’avenir leur appartient. Trop de talent entre leurs mains pour échouer. Stephon Marbury, dans sa mesure légendaire, n’hésitera pas à parler de cette combinaison meneur-intérieur comme la succession de Magic et Abdul-Jabbar. Rien que ça. La jalousie en plus peut-être, comme on le verra plus tard, car Starbury ne comprendra jamais qu’aux Wolves, il ne soit pas l’option numéro un, sur les parquets comme en dehors. Avant cela, il réalise tout de même une très bonne campagne rookie soldée par 15,8 pions et 7,8 caviars en 67 rencontres, permettant aux Loups de Minneapolis d’atteindre les Playoffs pour la première fois de leur courte histoire. Le temps de prendre un sweep face aux expérimentés Rockets. Cette année inaugurale offre aussi à Stephon Marbury quelques récompenses, comme sa place dans la All-Rookie First Team et le droit d’être le dauphin d’Allen Iverson pour le titre de Rookie of the Year. Une manière de saluer le talent présent, les qualités des performances et le bilan collectif pour Stephon en 1997. Mais qui ne doit pas masquer les lacunes toujours présentes, même si elles sont encore tolérées ou du moins comprises chez un rookie : une adresse moyenne en grande partie à cause d’une sélection de tir douteuse, de l’individualisme et surtout de l’irrégularité. Peu importe, Starbury est dans la place et il compte bien imposer son jeu.
Petit rookie deviendra grand – la consécration en Chine pour Starbury
La saison suivante, Stephon Marbury et les Wolves poursuivent leur progression, individuellement et collectivement, même si le premier tour des Playoffs ne sera pas franchi cette année non plus. Mais l’avenir que certains voyaient radieux à Minnesota va vite s’assombrir quand Starbury, malgré le contrat max – selon l’accord salarial en vigueur – proposé par la franchise, préfère viser la free agency pour pouvoir être l’option numéro un de son équipe. Vivre dans l’ombre de Garnett, non merci. Surtout que KG s’est également bien gavé financièrement avant que la Ligue ne restreigne la durée et les montants des deals à offrir aux joueurs. Alors pour ne pas perdre leur meneur sans contrepartie, les Wolves l’envoient aux Nets.
Dans le New Jersey, Starbury peut faire le malin comme meilleur joueur de l’équipe. Normal, il est quasiment le seul mec à savoir ce qu’est le basket dans une franchise qui ne dépassera jamais les 31 victoires sous son leadership. Mais lui s’en branle, il poste ses 23 points à 43,7% dont 32,2% du parking, 8,1 passes et 3,1 rebonds et se sent fort. L’estime de soi, une valeur essentielle. Et qui va guider la suite de sa carrière. Échangé contre Jason Kidd – qui mènera pour sa part deux fois les Nets en Finales NBA – Stephon Marbury continue d’envoyer ses stats à Phoenix et ensuite New York. Bon, pour gagner des matchs, c’est plus compliqué parce qu’il faudrait accepter d’avoir des joueurs de basket à côté de lui, et cela lui ferait de l’ombre. Sans compter qu’en dehors des parquets, tout n’est pas rose non plus. Demandez aux fans des Knicks – les vrais, pas ceux qui pensent que Melo est le plus gros boulet de leur histoire – ce qu’ils pensent de l’ère Stephon Marbury au Madison Square Garden. Sa dernière pige à Boston ne changera au final pas grand chose de l’image qu’il laissera en NBA.
Mais de l’autre côté de la planète, il en est tout autre. Car en 2010, le gamin de New York bouge en Chine pour jouer au basket, laissant derrière lui sa carrière NBA. Et en Chinese Basketball Association, le meneur devient une star. Certes, avec deux participations au Match des Étoiles quand il était encore aux States on peut considérer que ce statut était déjà atteint. Mais pas au niveau de ce qu’il va connaitre dans l’Empire du Milieu. Entre Shanxi Zhongyu Brave Dragons, Foshan Dralions et Beijing Ducks, il va collectionner les titres – enfin surtout à Beijing – et les sélections au All-Star Game au point d’être une légende du basket asiatique. Au point que la NBA est bien loin pour lui, et à 40 piges, pas sûr qu’il regrette son choix.
Après de belles promesses dans le Minnesota, Stephon Marbury a certes brillé individuellement, mais son caractère et son état d’esprit ne lui ont pas permis d’atteindre la pleine mesure de son talent, ni de jouer les premier rôles en NBA. Avant de s’épanouir pleinement en Chine.
Stats en carrière (NBA):
19,3 points à 43,3% au tir dont 32,5% de loin, 3 rebonds, 7,6 passes décisives et 1,2 interception en 37,7 minutes de moyenne sur 846 matchs de saison régulière.
Un bout de palmarès :
- All-Star à deux reprises (2001 et 2003)
- All-Rookie First Team (1997)
- All-NBA Third Team à deux reprises (2000 et 2003)
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