Magic Johnson : une icône au sourire ravageur, un showman au mental de tueur

Le 14 août 2016 à 17:57 par Alexandre Martin

Magic Johnson - ASG 92 - sourire

Lors de son intronisation au Hall of Fame, le toujours très souriant Earvin Johnson a vu son ennemi devenu ami – Larry Bird – lui concocter une petite introduction dont il a le secret avec son verbe maîtrisé et son humour celte incomparable. En effet ces deux immenses légendes du basket se sont connues très tôt, sur les parquets universitaires vers la fin des années 70 à une époque où la NBA se cherchait encore d’un point de vue identitaire et au niveau business. Et le moins qu’on puisse dire est que la carrière de Magic est celle d’une icône ayant fait naître un nombre incalculable de passions pour la balle orange.

Mais comment parler de Magic sans parler de Bird ? Comment ne pas avoir envie de se remémorer avec une nostalgie infinie cette rivalité tout aussi sportive que culturelle entre cet enfant blanc des campagnes de l’Indiana et ce gamin noir issu des zones urbaines du Michigan ? Comment ne pas considérer que cette rivalité – devenue une amitié indestructible – n’est pas une des fondations majeures de ce qu’est la Grande Ligue aujourd’hui, voire qu’elle lui a évité de couler ? Comment ne pas accueillir avec une véritable émotion les propos de Magic se rappelant le jour où il a commencé à appeler ses proches pour leur annoncer sa séropositivité. Larry Legend faisait partie de ces premiers coups de fil comme l’a expliqué Magic dans le New York Times au lendemain de son intronisation :

“Je me rappelle, nous pleurions tous les deux au moment où je lui ai annoncé que ma carrière était finie et que ma vie était en danger”, raconte Magic. “Il (Bird) ne m’a pas dit grand chose. Mais il m’a dit tout ému : ‘Tu vas t’accrocher. Tu vas la battre (cette maladie).’ Il n’y avait pas tellement plus à dire mais cela représentait tellement pour moi. Et c’est pour cela que j’ai voulu que ce soit lui qui fasse mon introduction au Hall of Fame.”

Et en ce soir du 27 septembre 2002,  la façon dont le grand Larry a raconté sa rencontre avec Magic est une preuve de plus du respect dont les deux hommes font preuve l’un pour l’autre et de la classe inouie que le Laker pouvait dégager balle en mains sur un terrain :

Je me rappelle la première fois où j’ai eu l’occasion de voir jouer Magic Johnson. Nous jouions dans l’équipe All-Star dans notre époque universitaire. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais à l’entraînement. […] Une fois rentré à la maison le soir, j’ai dit à mon grand frère que je venais probablement de voir le meilleur basketteur que je verrai de toute ma vie. (à ce moment la caméra passe sur Magic qui semble très ému des paroles de Bird…). Et il (le grand frère) a commencé à me poser des questions : ‘A quel point est-il bon ?’ J’ai dit : ‘Il fait 2m06, il peut dribbler comme un meneur d’1m75, il peut shooter, il peut faire des passes incroyables’. Mon frère me dit ‘Oh, allez…’ Et après le tournoi NCAA de 1979, mon frère est venu me voir et m’a dit : ‘effectivement, il est beaucoup plus fort que toi’. (Toute la salle – Magic inclus – explose de rire).

Voilà le genre de respect que pouvait inspirer le talent absolument unique de ce meneur complètement atypique et dominateur qu’était Magic. Il n’a pas seulement joué au sein de ces Lakers pratiquant un basket chatoyant et rapide qualifié de Show Time. Magic EST le Show Time, il en a été l’inspiration, le moteur de 1979 à 1991. Magic EST le meilleur meneur à avoir foulé les parquets NBA. On peut en discuter bien sûr mais, au final, le style, les stats, les résultats et le palmarès aussi bien collectif qu’individuel du numéro 32 des Angelinos mettent toujours tout le monde d’accord. Sa carrière est comme un film. Un film qui a commencé par un titre de MVP des Finales en tant que rookie, remplaçant de Kareem Abdul-Jabbar au poste 5 pour nous proposer un Game 6 monstrueux (42 points, 15 rebonds, 7 passes décisives) alors qu’il avait joué toute la saison en arrière, qu’il a le corps d’un ailier-fort et qu’il enchaînera ensuite en tant que meneur de jeu pendant des années. Plus que Bird, plus qu’Isiah, plus que Moses Malone, plus que Jordan, Magic a bonifié, enflammé les années 80. Il les a sublimées, il a rendu chaque passe inoubliable. Il a fait de la “no-look” un classique. Il a démocratisé le basket spectacle et il l’a fait avec une régularité et une efficacité qui dépassent l’entendement. Clairement.

Encore aujourd’hui, regarder un match des Lakers des années 80 ou du tout début des années 90 reste un must que ce soit contre les Celtics, les Bulls, les Pistons, les Suns ou les Spurs voire les Bucks. Cela reste hallucinant de voir à quel point les défenses s’escriment à tout donner pour espérer contenir ce meneur hors normes. Ce meneur à la vista sans égal, à la force de pénétrations impressionnantes et au leadership incontestable. Car sous ses airs de foufou toujours le sourire aux lèvres, Magic était un compétiteur féroce, un tueur, un gagneur qui a atteint à 9 reprises les Finales NBA et en est ressorti 5 fois vainqueur dont 3 fois avec le titre de MVP. Il était un meneur qui impliquait tous ses coéquipiers, qui – à chaque seconde et sur n’importe quelle phase de jeu – savait où se trouvaient chacun de ses quatre partenaires et pouvait les servir d’une passe laser, d’une passe à rebond ou par-dessus son épaule. Un dingue !

Oui, un dingue qui a envoyé 19,5 points de moyenne sur plus de 900 matchs en régulière tout en délivrant 11,2 caviars (record absolu all-time), en cueillant plus de 7 rebonds et en volant quasiment deux ballons chaque soir où il débarquait sur un parquet pour y faire danser aussi bien le cuir que ses adversaires. Un dingue qui a enfilé 138 triple-doubles en carrière avec une facilité déconcertante. Une icône qui a pris sa retraite brutalement juste avant la saison 1991-1992 mais qui est revenu sur les parquets après s’être retrouvé titulaire élu par les fans pour le All-Star Game 92 dont il a été le MVP alors qu’il n’avait pas joué à haut niveau depuis six mois. Une icône qui malgré son charisme a subi les critiques et le rejet d’autres joueurs ne voulant pas partager le terrain avec un séropositif mais qui a tout de même été maintenu au sein de LA Dream Team de 92 dont il fut l’un des leaders et l’un des visages prédominants pour la dernière grande compétition de son immense histoire d’amour avec la balle orange.

Magic c’est un physique, une technique unique et une vision de jeu futuriste. Magic c’est un sourire éclatant, un charisme de rock star mais aussi un instinct de tueur, un mental de meneur (d’hommes et de jeu). Magic c’est un surnom – peut-être le plus beau qu’on puisse donner à un sportif – devenu un prénom. C’est la définition même de ce basket qu’on ne peut qu’aimer. C’est plus qu’une simple star ou même une légende, c’est une icône…

Source image : YouTube / NBA TV


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