Nate Thurmond : pas de pacotilles, quadruple-double, chaine en or qui brille

Le 25 juil. 2016 à 18:22 par Alexandre Martin

Il aurait dû souffler 75 bougies en ce 25 juillet 2016. Nous aurions dû écrire quelques lignes pour souhaiter un joyeux anniversaire à ce monstre de la balle orange qu’est Nate Thurmond. Nous aurions pu parler de sa carrière au passé et de lui au présent… Mais, il y a quelques jours de ça, celui que l’on surnommait “Nate The Great” nous a quitté définitivement. Et, mine de rien, le décès de cette légende des années 60 surtout et un peu des années 70, a provoqué un sacré émoi de part et d’autre de la NBA. Oui, la Ligue, ses fans, ses observateurs et ses acteurs n’aiment pas voir partir ceux qu’ils adorent et admirent.

Il faut l’avouer, avec cette chaîne en or autour du cou, ses immenses bras sur-musclés, cette calvitie plus que naissante et cette allure entre nonchalance et défiance, ce bon Nate avait un certaine classe. Un certain swag comme l’on pourrait dire aujourd’hui mais pour lui, on se contentera de parler d’attitude, celle d’un  gars finalement assez discret et sympa. S’il avait joué à notre époque, celle du tout médiatique, des highlights sur YouTube ou des Vines sur Twitter qui font et défont des réputations, il y a fort à parier que Nate aurait été le même : humble, généreux, pas frimeur, doux et très gentil comme il l’a toujours été. Enfin, hors des parquets… Parce que dessus, c’était une toute autre histoire.

Car si Nate Thurmond n’était pas un joueur très flashy, pas très spectaculaire avec son basket épuré et sans fioritures, il était, en revanche, un véritable forçat des raquettes. Un gaillard très solide, un véritable roc avec des appuis façon chape en béton, des épaules qui auraient rendu Karl Malone plutôt fier et des segments – bras et mains – tout simplement géants. Un bon vieux colosse de 2m11 pour environ 110 kilos en somme, et ils n’étaient pas nombreux de ce gabarit dans les années 60. Ce qui fait que pendant ses 14 saisons sur les planches de la Grande Ligue, Nate a pu prendre un malin plaisir à ruiner la soirée de la plupart des intérieurs qu’il a croisé sous les cercles. D’ailleurs, Kareem Abdul-Jabbar – qui n’est pourtant que rarement le premier à envoyer du compliment à d’autres pivots – l’a même fait remarquer un jour comme le rapportait le New York Post :

Le pivot contre lequel il est le plus dur pour moi de jouer est Nate Thurmond.

De la part de celui qui est, pour beaucoup, le meilleur pivot de l’histoire, voilà une appréciation qui n’est pas sans mettre en avant la grande valeur et la dureté de Thurmond ainsi que les gros problèmes qu’il pouvait poser à ses opposants. D’autant plus que Jerry West lui-même va dans le même sens que Jabbar quand il s’agit de Nate :

Il jouait avec une intensité incroyable et il était tout simplement comme un homme jouant contre des enfants la plupart des soirs.

En effet, s’il y a bien une chose qu’on ne peut pas enlever à Nate Thurmond, c’est la virilité, la puissance et l’absence de pitié pour l’adversaire avec lesquelles il s’engageait dans le combat lors de chaque match qui lui a été donné de jouer. Nate le (presque) chauve était un fauve, un maniaque du rebond, un défenseur très sérieux et un gars très capable en attaque. Il était clairement un pivot mais quand il a débarqué – en 1963, à 22 ans, chez les professionnels aux San Francisco Warriors, il a dû cohabiter avec un Wilt Chamberlain en pleine force de l’âge. Donc, forcément, Nate a d’abord occupé le poste d’ailier-fort. Quand “The Stilt” s’en est retourné dans sa Pennsylvanie natale, en cours d’exercice 1964-1965, Nate a pu être replacé au poste 5 et commencer à dominer de manière ultra-violente. Plutôt bon scoreur et habile de près donc, Thurmond était surtout une bête plus que furieuse au rebond et un contreur absolument redoutable. Malheureusement pour lui, les retours à l’envoyeur ne seront comptabilisés qu’à partir de la saison 1973-1974 alors qu’il avait déjà passé 10 ans sur les parquets à terroriser du basketteur. Du côté de San Francisco ou d’Oakland, certaines légendes racontent que, dans ses meilleures années, ce sont au moins 4 ou 5 contres de moyenne qui auraient garni la ligne de stats de leur numéro 42…

Les rebonds eux étaient bien pris en compte et Thurmond va les cueillir par grosses dizaines tout au long de sa carrière pour carrément devenir l’un des meilleurs spécialistes de la cueillette sous les cercles dans l’histoire NBA. Avec 14,464 prises (964 matchs), il est, à ce jour, le dixième plus prolifique ramasseur de ballons que la Ligue ait connu. Mais surtout, les rebonds ont permis à Nate de rentrer dans deux clubs très fermés. Celui des gars pouvant présenter une moyenne d’au moins 15 rebonds par match en carrière. Ils ne sont que quatre autres que Thurmond dans ce cas : Bill Russell, Wilt Chamberlain, Bob Pettit et Jerry Lucas. Autre club très sélect auquel il appartient, celui des gars ayant ramassé 40 rebonds ou plus sur une seule rencontre. Nate en a pris 42, le 9 novembre 1965 face aux Pistons. Cette fois-ci, ils ne sont que trois autres à avoir leur carte de membre : Bill Russell, Wilt Chamberlain et Jerry Lucas. Bah alors Bob Pettit, on est à la traîne ? En tous cas, les membres de ces deux clubs – dont l’entrée se négocie à coups de statistiques hallucinantes – sont clairement des légendes, des gros bébés qui au-delà de leurs aptitudes fabuleuses, ont eu la chance d’évoluer dans les années 60 où de telles performances indécentes étaient rendues possibles par leur domination physique sans partage. Il ne s’agit pas ici de vouloir diminuer en quoi que ce soit les records de Nate The Great, Wilt The Stilt ou Bill Russell mais plutôt de les remettre dans un contexte expliquant le fait qu’ils ne seront très probablement jamais égalés.

Ainsi, Nate Thurmond a roulé sur les raquettes NBA pendant des années avec, au passage, deux saisons à plus de 20 rebonds de moyenne dont un exercice 67/68 de folie avec 20,5 points, 22 rebonds et plus de 4 passes décisives de moyenne. En 1967, il sera deuxième des votes MVP juste derrière Wilt Chamberlain contre lequel il devra également s’incliner avec ses Warriors en Finales NBA la même année. Presque jusqu’au bout, Nate sera un client sous les cercles. Pour preuve, à l’entame de son antépénultième saison (1974-1975), le 18 octobre 1974, et alors sous le maillot des Bulls, il posera le premier quadruple-double de l’histoire lors du match d’ouverture contre les Hawks : 22 points, 14 rebonds, 13 passes décisives et 12 contres. Thurmond avait déjà 33 ans à ce moment et il faudra attendre 12 ans et Alvin Robertson pour voir un autre joueur réalisze un tel exploit avant qu’Hakeem Olajuwon et David Robinson ne viennent compléter ce nouveau club très fermé dont l’ami Nate n’est pas qu’un membre émérite mais tout simplement le fondateur.

Pourtant, il a quitté Golden State un an trop tôt pour aller chercher cette bague qui manque tant à son palmarès car il verra, depuis son canapé, Rick Barry et ses compères voguer jusqu’au titre en 1975. Mais cela ne l’empêchera pas de vite partir de Chicago pour tranquillement venir finir sa carrière chez lui, dans l’Ohio, chez des Cavs qui tout comme les Warriors ont ensuite retiré son jersey et n’oublieront jamais le passage sur la planète orange de Nate The Great. 

Source image : Manny Rubio/USA TODAY Sports


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