LeBron James et son combat avec l’Histoire – Chapitre 2 : après la chute, l’envie de le voir triompher
Le 02 juin 2016 à 13:48 par Bastien Fontanieu
Les Finales sont devant nous, sagement installées à table et prêtes à attaquer le plat tant attendu. Mais comme la tradition le veut, un petit bénédicité s’impose afin de bénir le bon basket qui nous sera proposé : l’occasion parfaite pour prendre un peu de recul concernant LeBron James, un phénomène venu de Cleveland.
Chapitre 1 : vivre après Jordan, un sacré poids
Le regard est intense, fixe. Les gestes sont toujours aussi calculés, répétés, appliqués. LeBron s’échauffe la veille du premier match des Finales, comme s’il s’agissait d’une première sur la grande scène et à la fois d’une routine orpheline de la moindre émotion. Un mélange captivant, mais qui symbolise assez bien cette dernière série de la saison, face à un adversaire malheureusement bien connu. Les Warriors, encore eux, présents sur la dernière marche et prêts à valider une saison historique. L’occasion idéale pour cette équipe d’atteindre le panthéon des légendes, mais pas elle seulement. En effet, Cleveland a aussi sa part à jouer dans cet affrontement épique, ces retrouvailles déjà intenses alors qu’il n’y a pas eu la moindre goutte de transpiration déposée sur le parquet. Battre la meilleure équipe de saison régulière de l’histoire ? Voilà un scénario qui pourrait convenir aux Cavs, et surtout à LeBron, lui qui est une nouvelle fois en quête de rédemption. Car s’il y a bien un homme dont la paix intérieure n’a pas encore été trouvée, c’est lui, le chef d’Akron. Le désir ardent de voir une bannière flotter au plafond de la Quicken Loans Arena, le temps qui défile et réduit ses chances de succès, la défaite de l’an dernier qui sert d’essence au moteur de cette année, tant d’éléments qui font que cette finale de 2016 a une importance toute particulière pour James. Particulière, et salvatrice d’ailleurs.
Sur son chemin doré, celui qui est censé le mener au podium des meilleurs joueurs de l’histoire compte-tenu de son talent et de ses capacités, l’homme est en train de parcourir un sentier auquel il n’avait pas forcément pensé. Et pourtant, il est bien là, inévitable, miroir poussiéreux d’une époque encore récente où sa victoire était vue sous une forme de libération, plutôt que de trahison. Nous sommes en 2011, le bandeau noir vissé sur le front, les Finales lancées dans un boucan médiatique indescriptible. Le Heat s’offre Dallas, une phrase qui prendra une tournure bien différente deux semaines plus tard. Car la défaite du ‘King’ sur la plus haute marche sera célébrée comme un triomphe de la justice, un retour de bâton divin, comme pour le punir d’avoir lâchement quitté Cleveland quelques mois auparavant. Les larmes, la déprime, deux semaines passées dans le noir puis ce virage romanesque la saison suivante, pendant que les fans porteurs de la bienséance humaine dansaient sur le maillot du joueur. L’été 2011, un passage marquant dans sa carrière, comme pour celle des passionnés tournant la page avec lui, pour lui, comme lui. Puis LeBron version 2012, machine inarrêtable qui écrasera la concurrence et parviendra cette fois-ci à récupérer le Graal dans une exaltation collective. Il a souffert, il en a chié, c’est mérité. Applaudissements à l’unisson. Soudainement, les bourreaux confortablement installés dans leur chaise barbelée changeaient de contrat pour remplir celui de l’infirmière loyale, toujours présente à ses côtés, même dans les pires moments. Une métaphore osée certes, car de nombreux fans restaient vissés sur leurs pilotis malgré la jubilation estivale, mais qui ne peut que nous faire penser à une autre époque bien connue. Celle d’aujourd’hui.
Oui, nous sommes bien en 2016 et l’appréciation générale de LeBron est à une intersection saisissante de sa carrière. Pointé du doigt pour avoir ‘perdu une nouvelle Finale’ il y a onze mois, James est en train de chérir une loi qu’il a pourtant subie pendant des années : celle du dominant et du dominé. On ne compte plus les nouveaux membres de la milice de 2011, qui a établi son nouveau plan d’attaque afin de viser un autre édifice chéri par la NBA, et construit dans les hauteurs d’Oakland. Ils aiguisent leurs couteaux, rechargent leurs fusils et préparent leur célébration, car la chute de l’ordre établi est un événement qui fédère, qui rassemble et touche à des valeurs profondément inscrites en nous. On n’aime pas voir Louis XVI se faire guillotiner, on adore ça. Voir le grand se faire battre, voir David tabasser Goliath, c’est voir la hiérarchie trembler et l’homme du peuple réussir. Et qu’on le veuille ou non, malgré tout ce qu’on peut avancer comme argument sur les forces et faiblesses de chaque camp, c’est bien LeBron qui représente le paysannat au moment où ces lignes sont écrites, muni de sa fourche royale. Aussi scandaleux que cette affirmation puisse paraître, compte-tenu du passé de l’homme, la puissance des Cavs et notamment l’affaire David Blatt qui fait encore suer bon nombre de fermiers comme nous, l’homme à abattre ne porte plus le numéro 23 mais bien le 30. C’est cette même loi qu’on voit actuellement s’appliquer autour des Warriors, et qui propose à LeBron une marche comme jamais il n’en retrouvera.
Aujourd’hui, l’animosité autour de Stephen Curry et d’une potentielle chute de Golden State est à un rare niveau d’intensité. Les punchlines ont changé, la gueule de l’ennemi aussi. Draymond Green est protégé par la Ligue car il peut tabasser des adversaires en toute impunité ? Sus au monstre ! Le record des Bulls de 96 est tombé mais doit être protégé devant la menace californienne ? Un pour tous, tous pour un ! Bien évidemment, cette généralisation exagérée ne concerne pas tous les passionnés, puisqu’il existe un éventail de fans souhaitant voir cette équipe des Warriors triompher, mais on aperçoit bien dans l’atmosphère ambiante une bascule évidente dans la perception des acteurs, et c’est LeBron qui pourra en profiter le premier sur cette série. Pas seulement pour son palmarès, pour son image aussi. Dans quelques heures, ces Finales de 2016 débuteront sur le parquet de l’Oracle Arena. Assis sur sa chaise, le regard intense et fixe, James répétera ses gestes avec application, conscient de l’importance du moment. Car pour une rare fois dans sa carrière, l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de notre sport se présentera au théâtre des légendes avec une place au second rang. Et ce n’est ni la Ligue ni les bureaux statistiques qui attribueront les places : ce seront bien les fans, décousant l’étiquette du vilain qui lui avait été agrafée au col l’an dernier, mais qui revient aujourd’hui au meneur de Golden State pour une simple et bonne raison. Lorsqu’on voit un athlète souffrir et tenter de trouver le chemin de la rédemption, la nature humaine veut qu’on l’aide à y arriver, afin de célébrer cette victoire avec lui, dans une communion exceptionnelle. Vous connaissez les règles, choisissez votre camp et faites vite, car l’attaque du Mont Warrior débutera ce soir.
On voulait voir Shaq remporter un premier titre, sa domination outrageuse rendra le sacre des Pistons plus historique que jamais par la suite. On voulait voir LeBron s’écrouler contre Dallas, sa victoire la saison suivante représentera un acte de pardon marquant dans l’histoire de la Ligue. Cette fois-ci, James sait ce qu’il joue sur cette Finale, dans un scénario qu’il connaît déjà à la perfection : la délivrance après avoir traîné dans la boue. Au boulot cher monsieur, votre légende est devant vous.
Source image : NBA.com