Bulls 95/96 – 72 victoires pour l’histoire : Toni Kukoc, le magicien venu des Balkans
Le 03 janv. 2016 à 13:00 par Alexandre Martin
1995-96, les Bulls entrent dans la légende. Avec 72 victoires en saison régulière et le titre au bout, ils ont tatoué un énorme Taureau sur la peau de la NBA. 20 ans plus tard, TrashTalk vous propose une série d’articles pour célébrer ce parcours d’exception.
En avril 1991, dans un climat politique très tendu, le mythique club croate du Jugosplastika Split – ex Hadjuk devenu Pop 84 à cette époque et au sein duquel évoluait Toni Kukoc – a affronté l’un de ses plus grands rivaux, le non moins mythique club serbe du Partizan Belgrade, lors des finales de la ligue yougoslave. Et alors qu’après avoir remporté les deux premières rencontres, Split se dirigeait vers un sweep sans discussion en menant largement dans le troisième match qui se jouait à Belgrade, Zeljko Palicevic – le coach de Split – décida de sortir Toni Kukoc à plus de 4 minutes du gong final. A cet instant, l’improbable, l’inoubliable s’est produit : tous les supporters serbes se sont levés et ont offert à Kukoc le Croate une ovation longue de plus d’une minute malgré l’amertume qui devait les envahir. Une ovation motivée par l’admiration qu’ils avaient pour ce joueur génial qu’ils savaient sur le départ et qu’ils ne reverraient pas de si tôt sur un parquet balkanique. Deux mois plus tard, Split remportait la European Champions Cup (devenue Euroleague) pour la troisième fois d’affilée et ce bon Toni était élu MVP du Final Four pour la deuxième fois consécutive. Le lendemain de la finale, Aleksandar “Sacha” Djordjevic, le légendaire meneur serbe du Partizan déclara :
Je pense qu’en dépit de ses 23 ans, Toni Kukoc est le meilleur joueur yougoslave de tous les temps.
Voilà qui en dit long sur ce que représente Toni Kukoc, sur ce qu’il a apporté au basket européen… Un an plus tôt, en juin 1990, il avait été drafté en début de deuxième tour par les Bulls et il s’apprêtait à rejoindre le Benetton Trevise avec lequel il remportera un autre titre de MVP du Final Four en 1993 avant de faire enfin le grand saut de l’autre côté de l’Atlantique pour y rejoindre les triple champions NBA à Chicago. Il partait à l’aventure l’ami Toni mais pas tout à fait dans l’inconnu puisqu’il avait déjà eu un avant goût de ce qu’étaient capables de faire ses futurs coéquipiers lors des Jeux Olympiques barcelonais en 1992. Michael Jordan et Scottie Pippen n’avaient que très peu apprécié l’enthousiasme avec lequel Jerry Krause – le GM des Bulls – avait insisté pour faire venir Kukoc à Windy City en dépensant beaucoup d’argent sur ce joueur au lieu de renouveler tout de suite le contrat de Pip’. Fâchés donc, les deux compères vont faire vivre un enfer à Kukoc lors du match de poule qui opposa la Dream Team à la Croatie. Jordan lui-même expliqua la situation ainsi :
Nous n’avons pas joué contre Toni Kukoc, nous avons joué contre Jerry Krause avec un maillot croate.
Et Pippen ainsi :
Nous savions que tout le monde allait regarder. Nous savions que tout le monde voudrait voir ce dont Toni Kukoc était capable. Et nous étions décidés à lui offrir la pire expérience qu’il n’ait jamais eu sur un terrain de basket.
Effectivement, le Croate n’a pas vu le jour du début à la fin du match comme il reconnaîtra ensuite :
C’était déjà difficile pour moi de me déplacer sans la balle sur le parquet. Alors, avec la balle… Mec, je me dépêchais juste de la filer à quelqu’un d’autre.
Un CAU-CHE-MAR on vous dit. Scottie Pippen était tellement motivé qu’on avait l’impression qu’il voulait aller défendre sur Kukoc jusque sur le banc ! Résultat : une victoire de plus de 30 points pour les Américains et un Kukoc qui a fini le match avec 4 petits points au compteur pour 7 pertes de balle… Pour autant, à l’été 1993, le Croate débarque à Chicago. Mais il n’aura pas tout de suite la chance d’évoluer aux côtés du grand Mike puisque celui-ci va prendre sa première retraite juste avant le début de la saison. D’abord utilisé en sortie de banc pour sa première saison derrière Scottie Pippen et Horace Grant, Kukoc sera ensuite titulaire, lors de l’exercice 94-95, en lieu et place de l’intérieur aux Goggles parti à Orlando. Ce qui permit d’ailleurs à Toni d’être le deuxième scoreur, passeur et rebondeur de l’équipe derrière Pippen et donc de montrer qu’il est au niveau de la Grande Ligue. Puis, en mars 1995, Michael Jordan est sorti de sa retraite. Au mois d’octobre suivant, les Taureaux ont fait venir Dennis Rodman et Phil Jackson a décidé de repositionner Kukoc sur le banc pour l’utiliser en sixième homme principalement sur les postes 3 et 4 mais aussi au poste de pivot par séquences.
Il en était largement capable car, du haut de ses 210 centimètres (pour environ 105 kg), le gaucher croate présentait une polyvalence rare, une qualité de shoot très intéressante, des aptitudes honnêtes au rebond ainsi qu’un sens de la passe et une aisance balle en main impresionnants pour un joueur de cette taille. Le Zen Master avait alors beaucoup d’options tactiques rien qu’avec la présence de Kukoc sur le banc. Il pouvait jouer très grand en le mettant à l’aile ou jouer plus small ball en le positionnant au poste 5 et donc obliger les intérieurs adverses à sortir ce qui libérait des espaces que Jordan et Pippen exploitaient à merveille. Sur ce fameux exercice 95-96, Kukoc va tourner à plus de 13 points (à 49% au tir dont 40% derrière l’arc) accompagnés de 4 rebonds et presque 4 passes décisives. Ce qui lui vaudra d’ailleurs le titre de meilleur sixième homme mais surtout de devenir une pièce tactique et technique essentielle de cette escouade de Taureaux affamés de victoires paraissant tellement invincibles tout au long d’une saison au terme de laquelle Toni deviendra le premier européen à se faire passer une bague de champion NBA au doigt et donc en tant que gros contributeur, s’il vous plait…
Surnommé “Euro-Magic”, le “Serveur” ou la “Sensation Croate”, Toni Kukoc s’est donc fait une place autour du trio Jordan – Pippen – Rodman alors que ce n’était pas gagné au départ. Tout en humilité et grâce à son talent immense, il a réussi à devenir le petit ou le grand plus de ce collectif fabuleux. C’est aussi à ça qu’on reconnaît les grandes équipes et donc évidemment aussi l’une des plus dingues de l’histoire : le sixième homme est très souvent un monstre.
Excellent mix sur le bonhomme
Dans la même série, articles précédents :
Bulls 95/96 – 72 victoires pour l’histoire : Nick Anderson et le Magic réveillent les prédateurs
Bulls 95/96 – 72 victoires pour l’histoire : Wild Wild Est
Source image : Montage TrashTalk by @TheBigD05