L’histoire d’Anthony Bennett, ou comment être victime d’un management vraiment pourri

Le 23 sept. 2015 à 12:29 par Bastien Fontanieu

Comme annoncé hier, la carrière du numéro 1 de la Draft 2013 a pris un virage définitivement dramatique puisque les Wolves se sont séparés de ses services pour la saison à venir : une situation qui enfonce encore plus le Canadien dans son image de joueur honteusement sélectionné devant un paquet de copains…

On la connaît assez bien, cette liste. Elle ne nous fait jamais sourire, bien au contraire même, mais elle existe et les noms inscrits dessus ne cessent de remonter à la surface lorsque la grande célébration de la jeunesse a lieu chaque fin du mois de juin. Sam Bowie, Michael Olowokandi, Kwame Brown, Greg Oden, Michael Beasley, Hasheem Thabeet. Tous labellisés par ces quatre lettres devenues synonymes de honte ultime dans la jungle de la NBA : bust. Certains marqués par des soucis physiques imprévisibles, d’autres emportés par des troubles du comportement qui les ont empêchés de se développer paisiblement, les malheureux membres de cette triste confrérie ont accueilli un nouveau membre à bras ouverts ces derniers mois, en la personne d’Anthony Bennett. Lauréat de la cuvée 2013, envoyé à Cleveland pour servir de bras-droit à Kyrie Irving (sic), la pépite formée à UNLV est aujourd’hui au bord du gouffre et sa place dans le Wall of Shame semble déjà assurée jusqu’à la fin de sa carrière, comme si un tatouage avait été imposé sur son front alors que le garçon n’a que 22 ans. La loi d’un business qui va très vite, trop vite peut-être. Surtout lorsqu’il laisse en totale liberté des décisionnaires aux responsabilités énormes.

Mesdames et messieurs, Chris Grant. Quadra fort sympathique au sourire franc, recruté dans l’Ohio en 2005 aux côtés de Ferry puis maître à bord du bateau dès juin 2010, le GM des Cavs était probablement l’homme le plus stressé et à plaindre de la Ligue à peine un mois après son arrivée. Difficile en effet d’envisager un boulot correctement apprécié lorsque le plus grand sportif de l’histoire de votre région déménage vers Miami, LeBron emmenant ses talents du côté de South Beach et laissant Cleveland en larmes. Retroussant ses manches et soudainement aux commandes d’un navire pris par les flammes, Grant effectuera une succession de choix plus ou moins critiquables, qui peuvent aujourd’hui donner le sourire comme les larmes à certains fans. D’un côté, il y a ceux qui mettent en avant les bonnes décisions prises par le GM, et elles sont irréfutables lorsqu’on voit la situation actuelle des Cavs : accumuler les choix de Draft pour garder une bonne flexibilité (6 du premier tour, 5 du second au total), sélectionner Tristan Thompson et Kyrie Irving en sortie d’université (le meneur est d’ailleurs issu d’un beau transfert des Clippers, avec Baron Davis + un pick non-protégé contre Mo Williams et Jamario Moon), prier pour que les balles de ping-pong rebondissent du bon côté et ne pas dépenser de fortune sur certains clients. Oui, si on regarde les choses ainsi et qu’on voit le matos qui a été refilé à son successeur -David Griffin-, il est évident que le natif de Redwood City a avancé les bonnes pièces au bon moment afin de préparer le retour de LeBron dans l’Ohio.

Mais de l’autre, comment ne pas mentionner les erreurs répétées et soulevées tels des trophées par Chris Grant pendant ses trois années de service, un bordel tel qu’on se demande encore comment Griffin a pu nettoyer le tout en aussi peu de temps. Par quoi commencer, ou plutôt par qui ? La signature d’Andrew Bynum comme un coup de poker foireux, qui s’est finalement métamorphosé en un transfert pour Luol Deng, lequel a affirmé en février 2014 qu’il n’avait jamais connu un management aussi fucked up ? Autant un comeback de Bynum pouvait être envisagé, et encore sachant que la condition physique du géant était reconnue de partout dans les coulisses de la Ligue, autant recevoir ce F- de la part de Deng était un signe plutôt solide prouvant l’incompétence de Grant et ses conseillers. Peut-être qu’il s’agissait simplement d’un écho à la signature de Mike Brown en tant qu’entraîneur… trois ans après l’avoir vu se faire virer de la même franchise. Sympa comme logique. Saviez-vous qu’il avait pris la place de Byron Scott, aujourd’hui grand architecte des Lakers ? Le moustachu préféré de Kobe, recruté par ce même GM des Cavs, avait d’ailleurs fait le forcing pour que sa franchise sélectionne Waiters (Scott affirmait que DW devait être ‘2ème de la Draft’) alors qu’un certain Kyrie Irving avait déjà besoin de la balle en main pour grandir : Dion n’avait pas effectué le moindre workout pour les Cavaliers. C’est d’ailleurs sans mentionner les Harrison Barnes ou Andre Drummond qui suivront le produit formé à Syracuse sur sa photo de classe. Alors certes, les cuvées de 2011 et 2012 n’étaient pas folles hormis le premier choix disponible, mais comment ponctuer un tel festival en sélectionnant Anthony Bennett au premier spot, ce soir de juin 2013 ?

Bourré de potentiel et montrant des capacités physiques étonnantes pour son âge et son poste, le jeune canadien était un nouveau coup de poker pris par Grant mais la surprise était de taille lorsque le nom de l’adolescent ouvrait la Draft il y a deux ans. Comment demander à un gamin de grandir aussi vite, d’accepter autant de responsabilités et de pression sur ses épaules, quand on découvre quelques semaines plus tard qu’il ne peut ni tenir une balle à une main ni dormir tranquillement (apnée du sommeil, asthme) ? Loin de nous l’envie de faire de ces difficultés physiques une tare avec laquelle on ne peut pratiquer un sport à un haut niveau, mais force est de constater que la condition du garçon et ses petits pépins n’ont pas été pris en compte par un management borné dans sa vision de l’avenir, et qu’il existe d’ailleurs peu d’athlètes asmathiques ayant cartonné en NBA (coucou Rodman). Jeté dans l’arène avec le statut de futur joueur élite alors qu’il méritait probablement un temps d’adaptation plus long et un cadre plus solide, Bennett vivra une année rookie cauchemardesque, enchaînant les gaffes sous la direction d’un Mike Brown perdu dans son propre bateau. L’été suivant l’emmènera dans le Minnesota, sans le moindre vétéran de disponible pour le guider et ce poids toujours aussi lourd à porter tous les soirs, celui de numéro 1 de la Draft ne pouvant satisfaire les attentes de ses détracteurs. Coup de chance ou nouveau karma négatif, Anthony débarquera avec Andrew Wiggins chez les Loups afin d’y créer l’association de deux ‘numéros 1 de Draft’. Un an plus tard, l’étiquette fait encore couler des larmes et aujourd’hui Bennett est sans équipe fixe : son tatouage, plus gravé que jamais sur son front.

Probablement sélectionné quelques sièges plus bas et donc invité dans une clairière plus adaptée à son profil, Anthony Bennett aurait peut-être pu avoir un destin différent si Chris Grant n’avait pas foncé tête baissée dans son plan. Un choix tactique qui a déjà créé d’autres destins tragiques, mais la carrière du garçon n’est pas terminée pour autant. Si une équipe tente le pari et adapte son jeu avec lui, ses qualités techniques et physiques pourraient enfin fleurir. Et par la même occasion, effacer ce foutu tatouage qui semble pour le moment indélébile. 

Source image : Bleacher Report