Jonas Valanciunas et les Raptors : extension ou extinction pour le Lituanien ?

Le 18 août 2015 à 10:50 par David Carroz

Après trois ans en NBA, votre potentiel est souvent connu et les gens savent quoi attendre de vous. Qui plus est quand vous êtes un ancien top pick de la Draft et que vous étiez attendu comme une pièce majeure de votre franchise. Pourtant, alors qu’il est candidat à une extension de contrat avant la reprise, Jonas Valanciunas est dans l’inconnu. Inconnu quant à son rôle, son avenir et son vrai niveau. Au moment où il pourrait sceller son alliance avec les Raptors pour plusieurs années et un beau paquet de dollars (60 millions sur 4 ans selon les dernières rumeurs), c’est le flou qui l’entoure.

Ce sont donc de nombreuses questions auxquelles il va devoir répondre cette saison : a-t-il les cartes en main pour s’affirmer comme un top pivot en NBA et s’offrir un contrat max ? Choppera-t-il tout de même un énorme contrat sans le justifier ? Finira-t-il comme doublure quelconque dans la Ligue ? Et surtout l’une de ces options se réalisera-t-elle au Canada ?

Tickets shoots réservés au backcourt dans l’Ontario

En effet, si Jonas Valanciunas peine à exister sur le continent nord-américain, force est de constater que cela vient en partie de son rôle chez les Raptors. Au milieu des allumés de la gâchette, il faut trouver de quoi se nourrir. La saison dernière, la rotation du backcourt bouffait en moyenne 61 tirs par match, sur les 83,3 pris par Toronto. Le tout sans qu’un seul joueur du quintet Lowry – DeRozan – Ross – Williams – Vasquez n’atteigne les 42% de réussite.  Dire que les lignes arrières sont la traction des Dinos est un euphémisme. Malheureusement, la maîtrise ne suit pas forcément, et les deux éliminations prématurées en Playoffs en sont une preuve cruelle. Pourtant, le changement ce n’est pas maintenant, et même si Lou Williams et Greivis Vasquez ont fait leurs valises, la gonfle sera toujours dans les mains de Kyle et DeMar en mode arrosage automatique. En attendant, Jonas Valanciunas aura le droit de faire les poubelles et tenter de prendre des rebonds offensifs pour avoir une position de shoot. Peut-être la raison pour laquelle il traîne à chaque fois sur son repli défensif, trop occupé à attendre qu’un parpaing tombe dans ses mains de l’autre côté du parquet. Ce qui le dessert au final.

Sans changement de coach ni de chamboulement au niveau de l’effectif, le quotidien de Jonas Valanciunas ne risque pas tellement d’évoluer cette saison. Kyle Lowry et DeMar DeRozan vont continuer à prendre plus de 30 shoots par match à eux deux, telles les stars qu’ils sont persuadés être, ou plutôt comme ils sont vendus. Pour pouvoir cartonner, l’un comme l’autre a besoin que tout tourne en sa faveur, ce qui habituellement ne va pas de paire avec une attaque équilibrée. Envoyer tous les soirs une quinzaine de tirs dont la majorité résulte d’isolation, c’est marrant un moment, mais si les Raptors veulent grandir après deux saisons encourageantes, il serait temps d’évoluer. Et d’impliquer au mieux les armes offensives à disposition, dont Jonas Valanciunas fait partie. Allô Dwane Casey ? Tu es au courant que ton pivot était l’un des joueurs les plus efficaces au poste la saison dernière ? Parmi tous les joueurs ayant eu plus de 300 opportunités de post-up, il est celui qui a le plus de point par possession avec 1,02, soit plus que LaMarcus Aldridge (0,96), Marc Gasol (0,95) ou Al Jefferson (0,93). Le tout en ne perdant que peu la balle puisqu’il est huitième de cette catégorie (10,5%) où le pivot des Hornets, l’ancien de Portland et Dirk Nowitzki brillent avec respectivement 6,1%, 7,3% et 7,4% de turnovers lorsqu’ils ont la gonfle au poste. Doué pour plonger sur pick-and-roll, possédant les mains pour finir au cercle, Jonas Valanciunas a des armes pour être une véritable menace à proximité du panier, et de manière efficace.

Bien entendu, le fait que son volume de shoots ne soit pas élevé joue sur cette efficacité, qui est en hausse alors qu’il est moins utilisé. Pourtant, son nombre de tirs n’a pas tellement varié entre sa seconde et sa troisième saison (de 8,3 à 8,2 par match), mais son adresse (de 53,2% à 57,3%) et par conséquent son scoring (de 11,3 points à 12) sont meilleurs.

Le principal frein de Jonas Valanciunas ? Dwane Casey

Alors que la rotation au poste de pivot n’était pas très intense l’an dernier, Jonas Valenciunas a disputé en moyenne seulement 26,2 minutes par match, soit 2 de moins que la saison précédente. On peut dire sans problème que le Lituanien n’est pas dans les petits papiers de son coach qui le laissait volontiers sur le banc au cours du quatrième quart-temps, préférant céder à la mode du small ball en confiant le poste 5 à Amir Johnson ou Tyler Hansbrough. En même temps, à quoi bon le laisser sur le parquet puisqu’au final, ses coéquipiers se chargent eux même de le priver de jeu et de ballon. Un exemple typique date de janvier, lors d’un déplacement à Detroit. Les Raptors – pourtant privés de DeRozan – ont oublié en seconde mi-temps que Jonas Valanciunas était dans leur équipe. Après avoir mis à l’amende le duo Andre Drummond – Greg Monroe durant le premier quart (16 points) et en avoir rajouté une couche avant le retour au vestiaire (22 points à cet instant), il n’a presque plus vu la balle par la suite, même s’il boucle la rencontre avec 31 points à 14/15. Plutôt que de s’appuyer sur leur pivot qui dominait la rencontre, les hommes de Casey ont perdu un match à leur portée. Difficile de ne pas incriminer le coach quand un joueur est ainsi snobé une partie d’une confrontation alors qu’il prend le dessus sur ses adversaires. Surtout que ce n’était pas la première fois qu’une telle mésaventure arrivait au Lituanien. Fin décembre déjà, alors qu’il avait scoré 15 pions sur le museau de Pau Gasol et Joakim Noah lors des 24 premières minutes de la rencontre, il n’avait plus été servi dans d’aussi bonne condition pour les deux périodes suivantes, restant bloqué à 20 points.

Casey n’aurait-il pas confiance en son pivot ? Comme déjà évoqué, alors que son adresse et son scoring se sont améliorés entre 2014 et 2015, Jonas Valanciunas a vu son temps de jeu être réduit. De façon étonnante, avec un taux d’utilisation de 19,3% (le pourcentage d’attaque de l’équipe passant par le joueur quand il est sur le parquet), il est le 29ème pivot de la Ligue parmi ceux ayant joué au moins 50 matches cette saison, derrière des mecs comme Jordan Hill, Kevin Séraphin, Roy Hibbert, Kelly Olynyk ou Jason Smith, tout juste devant Zaza Pachulia. En gros n’importe quel morceau de viande, même avarié, touche plus la balle que lui.

Il faut dire que Dwane Casey – à tort ou à raison – a confié les clefs du jeu à son backcourt, comme développé plus haut. En outre, il apprécie Hansbrough et Johnson qui aimaient jouer le pick-and-roll avec les arrières qui réclamaient les écrans. Deux joueurs qui ne seront plus des concurrents de Jonas Valanciunas l’an prochain, remplacés par Luis Scola et Bismack Biyombo, Patrick Patterson et DeMarre Carroll (dans une configuration small ball) complétant la rotation intérieure. De quoi s’affirmer pour Jonas Valanciunas, le Congolais ayant des mains carrées et l’Argentin ne disposant plus d’un réservoir plein pour jouer les premiers rôles une saison durant. De quoi confier les postes 4 et 5 titulaires à Patterson et au numéro 17 ? Le premier saurait s’écarter du cercle, permettant ainsi au second d’évoluer au plus près du cercle.

L’ailier fort pourrait d’ailleurs permettre à son pivot de progresser offensivement. Au contraire d’Amir Johnson, il laissera les ballons au poste à Valanciunas, puisque Patterson n’a pas besoin de toucher la balle à l’intérieur, préférant écarter le jeu. De quoi donner les clefs du poste bas au cinquième choix de la Darft 2011. Ce qui pourrait assurer un meilleur équilibre offensif, tant et si bien que Dwane Casey pourrait enfin s’appuyer sur son pivot européen. Ou pas.

Jonas Valanciunas a-t-il les armes pour briller ?

Car ne nous voilons pas la face, le coach a aussi des raisons plus que valables de laisser Jonas Valanciunas sur le carreau. Si le Lituanien se montre efficace, il n’en demeure pas moins propriétaire de trois gros défauts en attaque : une faible capacité de décision, un jeu au poste qui reste limité et des mains pourries lorsqu’il s’agit de faire des passes. En dehors de son mouvement favori – couper depuis la gauche et finir avec un hook – il n’a pas grand chose à proposer. Certes, ce geste est solide, maîtrisé et difficile à stopper. Mais il est prévisible, ce qui limite par conséquent ses possibilités de scorer. A lui de développer ce jeu au poste. Entre la fréquentation de Donatas Motiejunas en sélection et la nouvelle arrivée de Luis Scola, il peut prendre de la bouteille et tenter de gratter quelques moves, fins ou vicieux. De quoi enrichir sa palette et avoir des arguments de poids pour réclamer plus de temps de jeu. Un petit mouvement en partant de la droite, un petit depuis la tête de raquette, et voilà déjà de quoi franchir un palier et être craint par ses adversaires. Et peut-être même respecté par ses coéquipiers.

De cela découleront des prises à deux. Et là, il va aussi falloir progresser. Parce que pour l’instant, avec 0,5 assist en moyenne l’an dernier, il lutte plus avec Ian Mahinmi qu’avec les frères Gasol ou Joakim Noah en terme de qualité de passe. Si les Raptors se décident enfin à lui confier la balle, ce n’est pas pour que Jonas Valanciunas devienne à son tour un trou noir d’où aucun objet ne revient, mais surtout pour profiter des décalages afin de trouver des shooteurs libres sur le parking. Ce qui n’est pas envisageable pour le moment. Son incapacité à faire des passes correctes réside en grande partie dans sa faible aptitude à prendre la bonne décision, voire même à prendre une décision tout court. Okay, j’ai la balle, je fais quoi maintenant ? Si cela peut s’expliquer en partie par une utilisation qui potentiellement le sort du match, ce n’est pas suffisant pour justifier ses hésitations.

Voilà pour l’attaque, passons de l’autre côté du parquet, car c’est en défense que les plus gros progrès sont attendus. Comme pour les Raptors en général d’ailleurs, qui étaient encore plus mauvais lorsque Jonas Valanciunas était sur le parquet. Et si Bismack Biyombo peut apporter une plus-value, ce n’est pas le cas Patterson et Scola qui sont trop lents ou de DeMarre Carroll – qui pourrait être utilisé poste 4 par séquences – qui n’a pas l’habitude d’évoluer dans la peinture. Conclusion, celui qui devra protéger le cercle l’an prochain à Toronto sera lituanien. Car même si le pivot venu des Hornets est un meilleur défenseur, les moufles qu’il porte en attaque sont rédhibitoires pour disposer d’un temps de jeu conséquent.

Pour autant, si ses lacunes sont évidentes et que ses stats défensives ne brillent pas, Jonas Valanciunas est loin d’être une passoire à proximité du cercle et reste une présence dissuasive, puisque ses adversaires ne shootent qu’à 46,5% quand ils sont au panier et qu’ils se coltinent le pivot des Raptors (source : Nylon Calculus). Il faut dire qu’avec sa taille (2m13) et son envergure (2m29), l’animal prend de la place. Mais dès qu’il s’agit de gêner des intérieurs plus vifs et plus rapides, rien ne va plus. Lorsque son adversaire est face au panier à attendre la balle pour shooter en spot-up, c’est bingo dans 57% des cas. Ce qui fait de Jonas Valanciunas l’un des pires joueurs NBA dans ce domaine. Ne disposant pas d’une grande vitesse de pieds, il essaie de compenser en s’éloignant de son joueur pour boucher les trous et venir en aide. Et il le paie cash en dérivant trop loin. Tout comme lorsqu’il traîne pour se replier, préférant se battre un rebond offensif. Là aussi, fatal pour Toronto puisqu’ils encaissent en moyenne 2 points de plus sur contre-attaque quand le pivot est sur le terrain, ils n’aident pas leur cause défensive. Mais ces deux soucis ne seront pas les plus durs à résoudre. En effet, un effort de concentration suffira largement. Probablement à sa portée. Mais toute cette bonne volonté doit aussi se confirmer en Playoffs, puisque c’est là qu’on attend les joueurs qui font la différence. Et là que Masai Ujiri a prévenu qu’il jugerait son effectif. Un mauvais point pour Jonas Valanciunas puisque contre les Wizards, son adversaire direct shootait à 63,6% : une catastrophe.

Alors, quelle valeur pour Jonas Valanciunas ?

Avec un contrat de 4,66 millions de dollars pour l’an prochain, Jonas Valanciunas reste une bonne affaire. Mais ensuite ? Agent libre avec restriction, il devrait voir des propositions élevées arriver devant ses yeux. Certainement pas le max, mais lorsqu’on voit ce que Greg Monroe et Enes Kanter – encore loin d’être des superstars – ont pu se mettre dans les poches cet été, il devrait pouvoir trouver preneur pour un montant légèrement inférieur. Les Raptors s’aligneront-ils ? Et lui, quel contrat espère-t-il ? Une chose est sûre, une extension semble à l’ordre du jour pour lui puisque Masai Ujiri a demandé au joueur de revenir en terre canadienne afin de conclure les négociations commencées il y a quelques temps. Au total, 60 millions sur 4 ans, à confirmer dans les prochains jours et surtout dans les prochains mois si Jonas ne souhaite pas terminer dans un sale transfert…

A moins que la franchise de Drake décide de prendre une autre direction et se séparant plutôt de Dwane Casey pour un coach qui saura développer le potentiel de Valanciunas. Un pari risqué. Mais si Jonas ne peut pas passer 30 minutes sur le parquet soir après soir et peser des deux côtés du parquet, les Raptors pourraient bien faire un pas en arrière après avoir connu une belle progression ces dernières saisons. La façon dont le pivot va négocier la fin de 2015 et le début de 2016 sera déterminante. Pour son avenir et celui de Toronto. C’est le moment pour lui de montrer qu’il peut être une star. Première personne à convaincre : son coach. Ou son GM pour qu’il lui fasse la place. Pas gagné, mais jouable.

Source image : http://www.zsportss.com

Source statistique : NBA.com