Si tout le monde connait la réussite du Miami Heat depuis la draft de Dwyane Wade en 2003, puis la constitution du Big Three en 2010, les bases des victoires et titres actuels remontent plus loin. Ils sont le fruit de la volonté et du travail d’un homme, toujours en place, qui est arrivé à l’été 1995 dans une franchise jeune, mais ambitieuse. Après avoir tout gagné en tant que coach des Lakers, mais aussi été à deux doigts du graal avec les Knicks, Pat Riley en voulait plus : plus de pouvoir, plus de responsabilités, plus de bagues… Il a alors oeuvré pour construire le Heat, sa franchise. Retour sur le chemin parcouru et sur les origines de cette potentielle dynastie.
La création et les débuts – 1988-1995
Les début du Miami Heat valent-ils vraiment la peine d’être évoqués ? À l’époque déjà, Miami ne respire pas le basket. L’enceinte de la Miami Arena n’attire pas les foules, et son ambiance est encore moins bonne que celle de l’American Airlines Arena actuelle. En même temps il faut comprendre les fans… Quand les stars de l’équipes sont Rony Seikaly, Kevin Edwards et Grant Long, difficile de s’enthousiasmer. Rapidement, Glen Rice prend le relais, puis Steve Smith, apportant un peu de baume au coeur des supporters floridiens qui verront leur franchise être la première issue de l’expansion de la fin des années 80 (avec Minnesota, Orlando, et Charlotte) à atteindre les PlayOffs en 1992. Pour se faire sweeper par les Bulls, faut pas déconner non plus.
Le Miami Heat drafte l’été suivant Harold Miner. Ses plus grands faits d’arme ? Deux victoires au Slam Dunk Contest, en 1993 et 1995. Cette saison, il permet à Miami de réaliser un doublé puisque Glen Rice remporte quant à lui le concours de tirs à 3 points. Entre les deux triomphes de celui surnommé “Baby Jordan” (oui, ça fait rire aujourd’hui pour un mec qui a tourné à 9 points, 2 rebond et 1 passe de moyenne en carrière), les Floridiens retourneront en PlayOffs en 1994. Toujours rien de bien passionnant sous le soleil de Miami, la meilleure attraction de la franchise reste sa troupe de cheerleaders, réputées pour être les plus belles de la NBA. Il faut bien exciter un peu les retraités qui peuplent la ville et les tribunes de la Miami Arena.
La mise en place de l’ère Riley
Pour couronner le tout, les rares joueurs appréciés sont envoyés sous d’autres cieux : Steve Smith part à Atlanta contre Kevin Willis, Rony Seikaly (oui, même lui était un joueur apprécié, c’est dire la déprime à cette époque) à Golden State conte Billy Owens. Les échanges ne tourneront pas à l’avantage du Heat, c’est peu de le dire, Willis et Owens ne marqueront pas l’histoire du Miami Heat.
Certains des actionnaires commencent à se lasser des piètres performances de la franchise, et Micky Arison va alors devenir propriétaire en février 1995, succédant à son père en rachetant les parts des mécontents. Il est toujours à la tête du Heat 19 ans plus tard. Les grandes manoeuvres peuvent commencer, et la chance va alors tourner pour Miami.
Pour donner le ton, Arison va débaucher celui qui deviendra le bâtisseur de la franchise tel qu’elle existe maintenant et qui sera affectueusement surnommé “Pat the rat” par les fans de son ancien franchise. Pat Riley est maintenant dans la place, et il va faire bouger les choses. Vite. Il a ce qu’il a toujours voulu, les pleins pouvoirs.
Quatre jours avant le début de la saison, il envoie la gâchette Glen Rice, le morceau de viande pivot Matt Geiger (célèbre pour avoir cassé le pouce du Shaq un an plus tard lors d’un match de pré saison) et quatre autres joueurs à Charlotte pour récupérer Alonzo Mourning. Le pivot, jaloux de Larry Johnson, voulait quitter les Hornets. Il a son bon de sortie, un gros chèque, et le futur de sa nouvelle franchise sur ses épaules de déménageur. Ce n’est que le début des travaux pour Pat Riley, qui oeuvre aussi en coulisse pour professionnaliser le Heat. Il ne laisse rien au hasard, et il fait comprendre à Micky Arison que pour gagner, il faut y mettre le prix. Sur le terrain, et en dehors. Jet privé pour plus de confort pour les joueurs, réservation d’étages entiers dans des palaces pour ne pas être dérangé, etc… le moindre détail a son importance pour le boss du sportif du Miami Heat.
Revenons au sportif justement. Lors de cette saison 1995-96, Riley continue de remanier l’équipe de fond en comble. Il réalise trois nouveaux trades d’envergure pour récupérer Tim Hardaway, Chris Gatling, et Walt Williams. Si les deux derniers ne feront pas de vieux os à Miami (sauf s’ils sont revenus profiter du climat à leur retraite), le meneur va former avec Zo Mourning la colonne vertébrale du Heat pour les années à venir. L’axe 1-5 est en place, il ne reste plus qu’à les entourer. Le roster sera suffisant pour gagner le droit d’aller se faire désosser par les Bulls au premier tour des PlayOffs cette année là, mais Pat Riley voit plus loin. Il continue de mettre en place une franchise qui devra peser dans le paysage NBA à l’avenir. Seul Orlando peut lui faire de l’ombre, mais avec le départ du Shaq, le Miami Heat a tout pour s’imposer comme le leader du basket pro dans ce secteur géographique.
L’été suivant, la folie des grandeurs s’empare du Heat, Pat Riley a eu le coup de foudre pour Juwan Howard, alors aux Bullets (ancêtres des Wizards pour les plus jeunes de nos lecteurs), et il va lui proposer de l’argent. Beaucoup d’argent. Trop d’argent aux yeux de David Stern qui annule le contrat pour dépassement de salary cap. Riley rumine. Il va devoir se contenter de P.J. Brown pour épauler Zo dans la raquette, et il attendra 2010 pour pouvoir vivre son idylle avec un Howard vieillissant et bien moins sexy. Voshon Lenard, Dan Majerle et Jamal Mashburn viennent compléter la rotation pour un roster qui commence à faire peur. Surtout conditionné par les méthodes spartiates de Pat Riley. En 1997, un jeune assistant fait également son apparition dans le staff du Miami Heat. Son destin sera lié aux victoires futures de la franchise. Son nom : Erik Spoelstra.
En remportant 61 matchs la saison suivante et en ne perdant qu’en finale de conférence face aux Bulls, le Heat semble enfin lancé pour aller chercher un titre, même si leur coach admet que “personne ne remportera un titre tant que Jordan jouera.” Mais en 1998, ce n’est pas MJ et ses Bulls, mais New York qui va se faire un malin plaisir d’éliminer la franchise de leur ancien coach, Chicago remportant son sixième titre. L’explosion de l’équipe de l’Illinois lors du lockout de 1998-99 laisse penser que l’heure de Miami est proche.
Premiers de la conférence Est, ils affrontent leurs meilleurs ennemis des Knicks dès le premier tour. Et comme l’année précédente, une boucherie. l’animosité entre les deux équipes est palpable. Si Zo Mourning ne réduit pas cette fois-ci à néant les espoirs de sa franchise en ne se lançant pas dans un combat de boxe avec Larry Johnson comme ce fût le cas en 1998 (en 1997, ce sont les suspensions qui ont suivi la prise de catch de P.J. Brown sur Charlie Ward), c’est Allan Houston qui se charge de tuer le Heat au buzzer du Game 5 en 1999, lors de l’épique post season des Knicks. La fenêtre semble alors se refermer pour ce groupe, ce qui sera confirmé en 2000, avec une nouvelle élimination … par New York, cette fois-ci au second tour.
Déclin
Lors de cette saison 1999-2000, la franchise de Miami prend un virage important dans son développement, d’un point de vue marketing et business. Le logo est modifié, tout comme les maillots, qui sont toujours d’actualité. Surtout, en début d’année 2000, un des grands projets réclamés de longue date par Pat Riley va aboutir : le Heat va déménager et exporter ses talents à South Beach. L’American Airlines Arena voit le jour et Miami y remporte son premier match face au voisin du Magic. Mais il n’y aura plus beaucoup de bonnes nouvelles pour eux pour finir 2000.
Si l’axe Mourning-Hardaway est conservé (tout comme le vieillissant Dan Majerle), Pat Riley veut modifier son effectif. Il cherche à récupérer Tracy McGrady, mais ce dernier va préférer Orlando. Il envoie alors P.J. Brown et Jamal Mashburn et d’autres joueurs moindres pour obtenir Eddie Jones, Anthony Mason (son ancien poulain de l’époque Knicks) et Ricky Davis. Malheureusement, lorsque Zo Mourning rentre de Sydney après les Jeux Olympiques remportés avec la Dream Team III, ses jambes gonflent de manière anormale pendant le vol. Après examen par les médecins, il souffre d’une maladie du rein. Il est donc out pour la saison. Et malgré son retour plus tôt que prévu fin mars, le Heat ne passera pas le premier tour des PlayOfs, sweepés par les Hornets, avec un Mourning totalement dépassé et loin du niveau qui avait fait de lui un candidat au titre de MVP.
Le Heat est sur le déclin, son noyau dur a laissé passer sa chance et ne peut plus rivaliser. Pour la première fois de sa carrière, Pat Riley va manquer les PlayOffs. Et même deux années de suite. Dan Majerle et Tim Hardaway quittent le navire. L’effectif se compose essentiellement de role players. On ne tanke pas encore, mais on n’en est pas très loin. La reconstruction commence en 2002, lors de la draft de Caron Butler. Alonzo Mourning manque l’intégralité de la saison à cause de ses soucis de santé. De toute façon, son contrat arrive à expiration à l’été 2003, et il ne rentre plus dans les plans de Pat Riley qui veut rajeunir son effectif. Eddie Jones, autre joueur majeur, rate lui aussi une bonne partie de l’exercice à cause d’une blessure à la cheville. Avec un bilan de 25-57, Pat Riley décide de prendre du recul et de se concentrer sur ses rôles dans le front office, en tant que Président et General Manager.
Renaissance
Lors de cette intersaison, le Heat voit plusieurs contrats encombrants (dont celui de Mourning) arriver à expiration. Pat Riley veut signer Elton Brand, mais les Clippers s’alignent sur l’offre faite à leur joueur qui était restricted free agent. Le Heat se rabat alors sur Lamar Odom, lui aussi aux Clippers. Los Angeles ne s’alignera pas cette fois-ci sur l’offre de $63 millions sur 6 ans.
Mais Odom n’est pas la seule recrue de l’été. Miami récupère “Skip-to-my-Lou” du phénomène And 1, dont le vrai nom est Rafer Alston, pour apporter sa folie offensive. Pour jouer des coudes dans la raquette, le Heat mise sur Udonis Haslem, ancien de Florida qui n’avait pas été drafté la saison précédente était parti exporter ses talents en France, à Chalon. La draft justement, c’est elle qui va leur apporter l’élément majeur de l’équipe pour les années à venir, le leader et visage de la franchise pendant de longues saisons. Avec le cinquième pick, Miami choisit Dwyane Wade. Le retour vers les sommets peut commencer, Pat Riley (qui a laissé sa place sur le banc à Stan Van Gundy) envisage de nouveau le futur avec sérénité. Ce n’est qu’un début, la route vers le titre est encore longue. Mais les bases sont là, il le sait, il le sent.
Onze en plus tard, le Heat a remporté 3 titres et est en course pour ajouter un quatrième, s’ils réalisent le threepeat en battant les Spurs. Bien entendu, l’été 2010 et l’arrivée de Chris Bosh et LeBron James est un élément majeur de leur histoire et de la construction de cette dynastie. Mais les bases remontent bien plus loin car elles prennent en compte non seulement le sportif mais aussi tout ce qui entoure la franchise. Pat Riley, grâce au soutien de son propriétaire Micky Arison, a pu bâtir son empire à son image, en ne laissant rien au hasard. Qu’il est loin le temps où Harold Miner et ses dunks étaient les moments les plus excitants de la saison du Heat.
Source image couverture : AMann pour TrashTalk