Scott Brooks : le meilleur ennemi du Thunder

Le 02 juin 2014 à 17:44 par Alexandre Martin

Avec l’élimination du Thunder en 6 matchs par les Spurs en finale de conférence, la déception est réelle du côté d’Oklahoma City qui aurait bien voulu retourner en finales NBA et tenter de prendre sa revanche sur le Heat après la rouste reçue en 2012. Mais c’est San Antonio qui va pouvoir défier le double champion en titre et, éventuellement, effacer de son souvenir les finales 2013. Oui le Thunder peut être déçu car les pensionnaires de la Chesapeake Arena auraient pu réaliser de bien meilleurs PlayOffs. Les cas de Kevin Durant ou de Russell Westbrook ont souvent animé les débats ces dernières semaines mais il y en a un qu’il ne faut pas oublier au moment de critiquer Oklahoma, c’est celui qui est à la tête de cette équipe depuis maintenant 6 ans, ce head coach qui aurait peut-être dû rester assistant : Mister Scott Brooks ! 

L’illusion de la saison régulière

Peut-on vraiment dire que l’effectif des Spurs soit tellement plus talentueux que celui du Thunder ? Loin de moi l’idée de vouloir dire que les Texans manquent de talents bien sûr. Tony Parker est un des meilleurs meneurs de la ligue. Il a l’expérience, le mental, encore de la vitesse, une technique de finition absolument dingue et, en plus, il devient un passeur redoutable… Tim Duncan n’est plus tout jeune mais il abat toujours un travail monstrueux sous les cercles. Kawhi Leonard est en train de devenir un ailier exceptionnel. Manu Ginobili et Boris Diaw animent parfaitement le jeu quand ils sont sur le parquet. Sans oublier les role players qui apportent, tour à tour, leur écot dans le jeu des Spurs.
Mais le Thunder n’est pas non plus à plaindre en terme de talent dans le roster. Déjà, il y a le duo de choc, ce monstre à deux têtes qui peut écrabouiller n’importe quelle équipe. La paire Westbrook – Durant est certainement la meilleure de la ligue à l’heure actuelle. L’un est MVP de la saison régulière, l’autre a réalisé des PlayOffs d’un très haut niveau et ils ont encore, tous les deux, une belle marge de progression. Serge Ibaka grandit et devient un intérieur de plus en plus fiable. Défensivement, il n’est plus qu’un simple contreur qui saute à la moindre feinte, il est un défenseur complet, un des meilleurs de la ligue. Et offensivement, le Congolais l’Espagnol est désormais une valeur sûre dans le périmètre voire derrière l’arc notamment dans le corner. En sortie de banc, Reggie Jackson a incontestablement du talent et une très belle énergie. Thabo Sefolosha est un spécialiste défensif appréciable dans toute équipe NBA. Le jeune rookie Steven Adams en impose physiquement et ne manque pas d’esprit de combat sous le cercle tout comme Nick Collison. Jeremy Lamb sait shooter, Perry Jones est un joueur atypique mais qui a l’air talentueux. Caron Butler est un arrière-ailier d’expérience et le vieux Derek Fisher est un joueur toujours utile dans un collectif. Donc ça va ! Du côté d’Oklahoma City, le roster n’est pas si moche qu’on voudrait parfois nous le faire croire.

OKC team cut

Source image : 24hourticketsales.com

Non, ce qui est moche, voire carrément horrible, à Oklahoma City, c’est la gestion des joueurs, l’utilisation qui est faite de ce roster ! En saison régulière, ça ne se voit pas trop car les matchs s’enchaînent à la vitesse de la lumière, car Kevin Durant peut gagner les matchs tout seul si, par exemple, son pote Russell soigne son genou. Et quand les deux sont là, le Thunder score massivement et enfile les victoires comme des perles. Néanmoins, en PlayOffs, les coachs adverses ont le temps de préparer leurs équipes, leurs joueurs. Ils ont le temps de peaufiner les match-ups. Ils ont le temps de réfléchir à qui va prendre KD ou à comment isoler Russell Westbrook. Et là, les carences de Scott Brooks se voient. Que dis-je… Les énormes carences de Scott Brooks piquent les yeux ! C’est bien simple, le coach du Thunder s’est fait dominer dans ses 3 affrontements du premier tour. Oui le Thunder est passé contre les Grizzlies ou contre les Clippers mais il le doit surtout au niveau stratosphérique de Russell Westbrook, aux quelques très bons matchs de Kevin Durant aux meilleurs moments et à la constance de Serge Ibaka ou aux exploits de Reggie Jackson.

En terme de gestion des rotations, on peut également se poser des questions quand on voit Brooks qui commence, seulement maintenant, à s’interroger sur la titularisation de Perkins. Qu’on soit clair : à part le salaire (8,5 millions cette année et 9 la prochaine), le Perk’ n’a rien d’un pivot titulaire en NBA, on le sait et on le voit depuis plusieurs années mais le coach du Thunder semble le découvrir et se permet de mettre en doute le statut de titulaire de son pivot pour la prochaine saison d’après quelques uns de ses propos récemment relayés par le Bleacher Report à la suite de la défaite face à San Antonio :

“Cela reste à voir (si Perkins doit rester titulaire ou pas). Il y a beaucoup de travail à faire cet été. Objectivement il (Perkins) a été important dans ce que nous avons fait ces dernières années. Mais certains postes sont disponibles. je peux vous le dire.”

Ah bah quand même ! On y vient ! Bien sûr que certains postes sont disponibles au Thunder ! Et tout particulièrement celui de pivot en fait. A de nombreuses reprises cette saison, Scott Brooks a trop hésité à sortir Perkins pour faire rentrer Steven Adams ou Nick Collison ou, tout simplement, à décaler Serge Ibaka au poste 5 pour jouer “small ball” en ajoutant Caron Butler ou Perry Jones III au 5. Qu’on ne vienne pas me dire que Perry Jones est mauvais ! Depuis qu’il est en NBA, Scott Brooks ne le fait quasiment pas jouer. En revanche, je me souviens de deux choses concernant ce joueur : il a plutôt bien tenu en défense face à LeBron James en saison régulière et Kevin Durant, lui-même, dit de son jeune coéquipier qu’il est le joueur le plus athlétique de la ligue. Ce bon KD s’enflamme certainement un peu mais il doit y avoir un peu de vrai dans tout cela. Pas pour Scott Brooks visiblement…

La dure vérité des PlayOffs

Et en PlayOffs, le coach du Thunder n’a vraiment pas aidé ses joueurs. Il a quand même fallu 4 matchs à Scott Brooks pour comprendre que le pauvre Thabo Sefolosha ne lui servait à rien contre Memphis qui n’a aucun gros attaquant extérieur pour enfin se mettre à faire jouer nettement plus Reggie Jackson et Caron Butler dont les aptitudes offensives sont supérieures à celles du Suisse. Bah oui Scott ! Contre une équipe comme Memphis – avec une défense en béton armé, un pitbull comme Tony Allen en permanence en train de mordre le short de KD – et bien on réfléchit, on innove, on essaie de modifier ses plans de jeu ou au moins ses rotations afin d’épauler son MVP en galère et un Westbrook qui avait besoin de soutien voire de recadrage ! On a beaucoup parlé de la défense de Tony Allen, de l’incapacité de Durant à se défaire d’un tel pitbull ou encore de la case en moins de Westbrook qui peut coûter des matchs. Pourquoi pas mais on a trop souvent oublié de parler de l’incapacité de Scott Brooks à adapter son coaching en fonction d’un adversaire. Cette incapacité chronique à coacher de manière correcte, à modifier ses rotations, à prendre les bons temps-morts dans les moments chauds, bref de ce coaching de niveau poussin qui a bien failli coûter la série par deux fois au Thunder. Et pourtant, Scott Brooks ne s’interroge pas plus que ça et ne se remet pas du tout en question comme le montrent ces propos du coach rapportés par ESPN :

“Je ne les écoute pas (ceux qui critiquent son coaching). […] C’est quelque chose que je ne considère même pas (de ne plus coacher le Tunder). Je fais juste mon boulot chaque jour.”

Il est gonflé quand même le coach d’OKC, il ne se remet donc pas du tout en question. Pourtant, – non content d’être passé à deux doigts de l’élimination contre Memphis – face aux Clippers, l’ami Scott Brooks s’est fait violenter par Doc Rivers qui lui s’est plutôt fait trahir par son manque de banc et par ces joueurs, leur manque de constance ou de mental dans certains moments clés. Le Thunder ne s’en est sorti que par la grâce d’un Westbrook hors du commun malgré ses défauts et grâce également à un KD qui a sorti un match 6 plein d’autorité pour tuer les Californiens chez eux. A aucun moment lors de ces deux premiers tours de PlayOffs, Scott Brooks n’a semblé vouloir ou pouvoir modifier son plan de jeu. Si bien que même lorsque Kevin Durant est marqué à la culotte et n’arrive pas à se libérer, le Thunder n’a rien d’autre a proposé qu’un pick-and-roll Westbrook – Perkins !! Sérieusement ?
Est-il normal que, dans le quatrième quart d’un match 1 totalement dominé par les Clippers, Russell Westbrook se retrouve encore à prendre un écran, s’avancer vers la raquette pour réaliser qu’il est coincé puisque DeAndre Jordan et Blake Griffin l’attendent ?? Toujours dans la même série, il est surprenant de voir Kevin Durant incapable de se mettre en bonne position sur un Chris Paul qui lui rend plus de 20cm. C’est clair ! Mais, là encore, que faisait Scott Brooks ? Prenait-il des photos en se disant : “Tiens c’est marrant, il est en galère face à un petit là Kevin !” ? Ne pouvait-il pas mettre en place une petite succession d’écrans judicieusement proposés par un Kendrick Perkins, un Serge Ibaka ou un Steven Adams afin de donner un peu d’air à son ailier ? Apparemment non…

A noter également que dans une série où les menaces extérieures de l’adversaires étaient quand même beaucoup plus sérieuses, Thabo Sefolosha a été moins utilisé (seulement 17 minutes de moyenne) que face aux Grizzlies (presque 20 minutes) ! La logique selon Scott Brooks… Oui Kevin Durant n’a pas réalisé des PlayOffs à la hauteur de son titre de MVP. Oui Russell Westbrook est horripilant dans sa gestion de certaines possessions. Oui Serge Ibaka était blessé contre les Spurs. Oui Reggie Jackson n’est pas encore très régulier. Oui, oui mais franchement, à quoi sert Scott Brooks ? Pour moi c’est une évidence, il surfe sur la vague quand tout va bien jusqu’à se retrouver coach de la sélection Ouest au All Star Game mais quand ça va moins bien, voire mal, il ne propose rien, il ne solutionne aucun problème. De temps en temps ça passe car il possède réellement en KD et RW des joueurs capables de gagner un match de basket NBA -même en PlayOffs – sur leur simple talent. Scott Brooks est un chanceux d’avoir de tels joueurs entre les mains mais il n’en reste pas moins un manchot au volant d’une ferrari… Il est incapable de donner la bonne direction à son effectif.

Pas rancuniers Durant et Westbrook

On a d’ailleurs pu le constater en finales de conférence. Face au collectif huilé des Spurs, face au sens tactique de Gregg Popovich, l’équipe de Scott Brooks a explosé a souffert pour finalement s’incliner 4-2. Il est vrai que Serge Ibaka a raté les deux premiers matchs perdus par le Thunder puis est revenu – certainement encore un peu blessé – mais a su apporter ce petit quelque chose qui a permis à OKC de remporter les 3ème et 4ème matchs sur son parquet. Il ne faut pas oublier cependant que Tony Parker n’était clairement pas dans la forme de sa vie. Le corps du Français est abîmé. Pop’ le sait parfaitement, les Spurs font avec et leur efficacité reste la même. Ce résultat est en grande partie dû à la philosophie imposée et mise en place par Popovich. Quand le sorcier texan change les match-ups dès le début du match 5 et demande à Kawhi Leonard de s’occuper de Westbrook plutôt que de Durant, croyez-vous qu’à ce moment Scott Brooks aurait eu la présence d’esprit d’enlever un peu le ballon des mains de son meneur, de le donner à son ailier et de mettre en place des systèmes (ou au moins une bonne vieille isolation) qui permettent au MVP d’aller jouer Danny Green ? Et bien non !
Tony Parker -même un peu blessé -et Manu Ginobili ont fait très mal à la défense du Thunder par leurs pénétrations et leur capacité à créer pour les autres. Pensez-vous que Thabo Sefolosha aurait pu servir à autre chose qu’à cirer le banc pendant cette série ? Scott Brooks, lui, a trouvé que 11 minutes par match étaient bien suffisantes pour le Suisse…

L’idée de mettre Reggie Jackson dans le 5 n’était pas mauvaise. Mais elle comportait tout de même un gros inconvénient car, du coup, le second unit du Thunder était orphelin de son energizer, de son scoreur. Comme en plus les jeunes comme Jeremy Lamb, Perry Jones ou Andre Roberson n’ont absolument pas eu leur chance en PlayOffs, il ne faut pas s’étonner de voir le banc du Thunder se faire massacrer, en finale de conférence, par celui des Spurs qui compte des gars comme Manu Ginobili ou Boris Diaw avec des joueurs qui connaissent leurs rôles comme Patty Mills ou Marco Bellinelli…
Malgré tout cela. Malgré tous ces reproches qu’on peut faire ou qui vont certainement être faits à Scott Brooks, Kevin Durant et Russell Westbrook ont réaffirmé hier, dans des tweets relayés par le Bleacher Report, leur attachement à leur coach :

tw KD sur Brooks

 

Kevin Durant quand on lui demande s’il soutient son coach Scott Brooks : ” C’est notre gars. Je veux continuer avec lui.”

tw RW sur Brooks

Russell Westbrook sur Scott Brooks : “Peu importe combien de fois les choses sont parties en vrille… Il a toujours été le gars qui me protégeait”

Alors oui Russell Westbrook et Kevin Durant soutiennent leur coach. Difficile à comprendre tant ils doivent être déçus d’échouer en finale de conférence ! Peut-être parce qu’ils ont en fait les pleins pouvoirs, du coup, en terme de jeu et que ça leur plaît mais que va-t-il se passer le jour où ces deux-là vont se réveiller, quand leur volonté de gagner va surpasser le “côté playground à la cool” du jeu actuel d’OKC ? Que va-t-il se passer si l’an prochain ils venaient à échouer au premier ou deuxième tour de PlayOffs comme l’an dernier ? C’est simple, ils vont vouloir partir dans une équipe coachée par un gars qui peut les emmener au bout ! Et là, qui sera le grand perdant ? Je vous le donne en mille : le Thunder ! Et ses fans également au passage…

Car, comme dit en introduction, cela fait maintenant 6 ans que Scott Brooks est à la tête du Thunder. Il a un roster complet et qui contient deux des meilleurs joueurs de la ligue. Deux joueurs qui n’ont pas encore 26 ans ! Deux joueurs dont le talent, les qualités athlétiques et le mental peuvent emmener une équipe jusqu’au titre à condition de les guider en dehors des parquets et de les entourer intelligemment sur les parquets. Depuis la finale de 2012, le Thunder n’a pas donné l’impression de progresser, pourtant Kevin Durant et Russell Westbrook se sont améliorés à titre individuel pendant que Serge Ibaka s’affirme. Je sais qu’il est facile de jeter la pierre au coach mais, d’habitude en NBA, le coach est le premier à subir les foudres des dirigeants en cas de désillusion. Pas à Oklahoma City visiblement. Ce qui pourrait bien leur coûter très cher à moyen terme, voire avant…

Source image couverture : newsok.com