Walt Frazier, la classe incarnée : un homme de style sur et en dehors des parquets

Le 29 mars 2014 à 18:59 par Sony

Walt Frazier anniversaire
Source image : montage

A une époque où les États-Unis discriminent honteusement la communauté afro-américaine au moyen de lois inégalitaires et ségrégationnistes, un joueur visionnaire va respirer une véritable classe à l’état pur, sur et en dehors des terrains. En plus d’être un joueur élégant à regarder, Walt Frazier a personnifié ce panache libérateur des années 70, symbolisé par ses fameuses Puma “Clyde”. Un personnage marquant de l’histoire de la Grande Ligue qui souffle aujourd’hui ses 69 bougies. Flash-back…

Celui qu’on surnommait Walt “Clyde” Frazier à cause de son style vestimentaire unique qui rappelait celui du fameux bandit, Clyde Barrow, est l’un des plus beaux joueurs que ce jeu ait connu. Et ce ne sont pas les fans des Knicks qui viendront affirmer le contraire… Drafté par New York en 1967, il y restera pendant 10 ans. Au cours de cette décennie propice au changement en plein cœur de la Big Apple, Walt et sa bande glaneront 2 titres en 1970 et en 1973.  Il sera nommé 7 fois All-Star, MVP du All-Star Game en 1975, et présent dans la All-NBA Defensive Team de 1969 à 1975. Un tueur quoi.

Walt est né le 29 Mars 1945 à Atlanta en Géorgie. Comme dans la majorité des États du Sud à cette époque, il ne fait pas bon d’avoir la peau mâte. Insultes et violence rythment sa jeunesse mais n’altèrent pas sa pugnacité à vouloir s’en sortir. Combatif, résistant et naturellement doué pour le sport, Frazier pratique le football américain, le baseball, et … le basket-ball. Apprenant à manier la balle orange sur des installations de fortune, les seules disponibles pour les afro-américains à cette époque, il s’identifie très vite à une philosophie de jeu : la défense comme point d’orgue de l’attaque. Stopper son adversaire direct en l’empêchant de prendre un tir ouvert et ne rien forcer en attaque. Laisser le jeu venir à soi. Très vite, il obtient une bourse dans la modeste fac de Southern Illinois. Son talent est évident, remarquable mais sa couleur de peau l’empêche d’intégrer l’une des meilleures facs du pays. Pas de problème pour Walt. En 1967, il permet à son université de remporter le “National Invitation Tournament”, chose rare pour une si petite fac quand on se penche sur le palmarès de ce tournoi.

Remarqué par les scoots NBA, il sera drafté en 5ème position par les Knicks. Va s’en suivre une formidable histoire d’amour avec New York…

Les premiers mois de la saison 1967-1968 sont compliqués. Il a du mal à s’acclimater au jeu NBA. Pourtant, un événement va lui permettre de s’imposer au poste de meneur : l’arrivée d’un nouveau coach, en la personne de William “Red” Holzman. Les deux hommes vont se retrouver sur un point : l’agressivité défensive. Il obtient de plus en plus de temps de jeu, et avec son coéquipier de l’époque, un certain Phil Jackson, ils seront nommés dans la All-NBA Rookie Team. 9 points, 4.2 rebonds, 4.1 passes décisives par match. Rien de bien exceptionnel pour le moment. Mais, dès la saison suivante, Walt va exploser. Avec son mètre 93 et ses 91 kilos, il fait preuve d’une formidable souplesse et d’un “handle” que peu de joueurs possèdent à cette époque. Il devient un formidable meneur-scoreur, capable de finir près du panier ou de shooter à mi-distance avec une facilité déconcertante. Mais ce qui fait véritable sa force, c’est cette défense, ce principe qu’il a acquis depuis qu’il a commencé à jouer à ce jeu. Son coach disait de lui :

“La principale chose au sujet de “Clyde” ce sont ses mains, son anticipation, son sens de l’interception.”

En 1968-1969, les Knicks atteignent les PlayOffs. Ils terminent avec un bilan de 54 victoires pour 28 défaites. Sortis en Finales de Conférence par le Boston de Bill Russel et de John Havlicek, Walt et sa clique devront attendre 1970 pour enfin valider le travail de ce collectif, détenteur d’une formidable hargne défensive. Les Knicks éliminent Baltimore en 7 matchs, puis sortent les Bucks de Lew Alcindor. Rien que ça.

En finale, ils tombent sur les Lakers. Et à cette époque les Lakers, ce sont Jerry West, Wilt Chamberlain et Elgin Baylor. Autant dire que ce ne sont pas des peintres… Les Knicks étalent sur un superbe collectif, emmené par le pivot MVP du All-Star Game et de la saison régulière, Willis Reed, ainsi que par Walt, qui sort encore une saison à 20.9 pts, 8.2 passes décisives et 6 rebonds. Cette finale marqua les esprits, notamment dans ce game 3 où Jerry West inscrit un shoot du milieu de terrain pour égaliser (la ligne à trois points n’existait pas encore) .Walt Frazier va alors réaliser une performance exceptionnelle pour décrocher son premier titre NBA et offrir le premier de l’histoire à New York. Lors d’un game 7 rentré dans la légende, il sort une feuille statistique démentielle, compilant 36 points, 19 passes décisives et 7 rebonds. 

“J’ai toujours essayé de défendre sur chaque tir ouvert quand je jouais, mais ce soir-là, j’étais cet homme. Il ne fait aucun doute que l’équipe de ’69-70 a été le point culminant de ma carrière. Je pense à cette équipe tous les jours”, résumait ainsi Walt “Clyde” Frazier.

Toute la Ligue se rend compte des talents de défenseur de Frazier. Sa façon d’expliquer la défense est passionnante :

“Je tiens à les garder à proximité pour deviner où j’ai l’avantage parce que mes mains sont rapides. Je suis devant eux, mais je ne les regarde pas, je ne monte pas sur eux, ils sont donc détendus, bien plus que si vous leur mettez la pression tout le temps. C’est quand ils font une erreur que j’intercepte”.

Mais réduire Frazier à un simple défenseur d’exception serait bien trop léger. Il était aussi un magnifique attaquant. Son dribble dans le dos était dévastateur. Pour lui prendre la balle, il fallait se lever de bonne heure. Willis Reed résume de façon humoristique cette facilité avec le ballon.

“C’était la balle de Clyde. Il nous permettait simplement de jouer avec lui de temps en temps.”

En 1971-1972, les Knicks récupèrent Earl Monroe. Voilà la dernière pièce pour que le puzzle new-yorkais prenne forme et glane un deuxième titre. Battus en 1971 par les Bucks, puis en 1972 par des Lakers bien trop dominants, les Knicks abordent l’aube de la saison 1972-1973 avec de grandes ambitions. Ils terminent la saison régulière avec un bilan de 57 victoires et 25 défaites. Direction les PlayOffs. Au premier tour, ils éliminent encore une fois les Bullets de Baltimore, 4-1. Walt Frazier et Earl Monroe forment une paire redoutable sur la base arrière new-yorkaise. Les Finales de Conférence se jouent contre les Celtics qui possèdent, cette saison-là, le meilleur bilan de leur histoire ( 68-14 ). New York réalise une série héroïque. Frazier inscrit notamment 37 points dans le game 4. Dans le game 7, les Knicks limitent Boston à 78 points ! Direction les Finales contre … les Lakers.

Le Big Three des Lakers, Jerry West – Wilt Chamberlain -Gail Goodrich, est un peu sur la fin. West a 35 ans, Chamberlain (qui prendra sa retraite à la suite de cette finale) à 36 ans, et Goodrich en a 30. Les Lakers remportent le premier match avant de prendre l’eau. Ils encaissent 4 défaites de suite et perdent cette finale 4-1. Willis Reed est sacré MVP de la finale mais le véritable meneur de l’équipe n’est autre que Frazier. Meilleur scoreur des Knicks pendant ces PlayOffs avec près de 21.9 points par match, il est froid comme une lame. Walt aura cette citation magique à propos de son duo avec Earl Monroe :

“Il est le feu et je suis la glace”.

Les Knicks et Walt Frazier sont à leur apogée. Les New-Yorkais ne retrouveront plus les Finales NBA avant la saison 1993-1994. Walt va quant à lui glaner le titre de MVP du All Star Game en 1975 en inscrivant 30 points, 5 rebonds, 2 passes, et 4 interceptions. S’en suivra un départ à Cleveland lors de l’exercice 1977-1978 où il tournera à 16.2 points par match lors de sa première saison avec les Cavaliers. Il y restera 3 ans et prendra sa retraite en 1980.

Walt Frazier a marqué la Ligue de par son jeu mais aussi de par son style inimitable. Il est l’un des premiers athlètes à être payé pour porter des chaussures en match, ces fameuses Puma “Clyde” en daim, adorées de tous les sneakers addicts. Walt adorait faire la fête, avait constamment le sourire et portait toujours des tenues ultra-colorées. Il a certainement influencé Russell Westbrook à moins que ce ne soit plus le chanteur Antoine qui ait inspiré le meneur du Thunder ! Walt “Clyde” Frazier était un mec “cool”.

En 1979, les Knicks rendent hommage à ce champion qui leur a apporté deux titres en retirant son inoubliable n°10. En 1987, il intègre le Hall-Of-Fame. En 1996, il est élu dans les 50 meilleurs joueurs de l’histoire de la NBA. Une véritable reconnaissance pour un joueur qui aura terriblement souffert des maux d’une Amérique profonde, tourmentée et xénophobe, avant de devenir une légende de ce jeu. Bon anniversaire Walt ! 


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