Ce soir, Philadelphie va rendre un nouvel hommage à Allen Iverson. Après l’annonce de sa retraite fin octobre, les Sixers avaient annoncé que le 1er mars serait l’occasion de retirer le #3 en honneur de “The Answer” pour l’ensemble de sa carrière.
Ce ne sont pas que les points marqués qui seront récompensés par ce geste. Ce ne sont pas que les crossovers ou les passes aveugles. Ni les attaques du panier à 1 contre 5. Car Iverson a apporté bien plus que des actions d’anthologies. Il avait sa propre culture qu’il a instaurée en NBA, en faisant le lien entre Michael Jordan et LeBron James. Le pont entre ces deux générations, la façon dont nous percevons les superstars actuelles, c’est son invention. La NBA de nos jours lui doit beaucoup. En bien ou en mal, voici son héritage. En espérant que la ligue reconnaisse son apport et que dans trois ans nous puissions entendre Allen Iverson faire son discours pour son entrée au Hall of Fame. Pas seulement en tant qu’ancien MVP, pas seulement parce que 27 points et 6 assists de moyenne en carrière sont des stats qui doivent lui ouvrir les portes de ce Panthéon. Mais parce qu’il a révolutionné la NBA
AI était un pionnier, en avance sur son temps grâce à son jeu et son style. Il était un joueur complexe, qu’un poste ne pouvait même pas définir. Avec son mètre quatre vingt trois, il a trouvé un moyen pour un guard de petite taille de scorer et d’être un leader pour son équipe. Il a tracé le chemin pour une NBA maintenant surchargée de meneurs de talents, montrant au monde entier qu’un maniement habile du ballon et des changements de vitesse pouvaient être aussi efficace, si ce n’est plus, que la taille et les muscles.
Aujourd’hui, les franchises construisent autour de meneurs scoreurs. Les Derrick Rose, John Wall, Damian Lillard, Russell Westbrook, Kyrie Irving -pour ne citer qu’eux- existent en grande partie grâce à Allen Iverson. Parce qu’il leur a ouvert la voie. Les pénétrations de ces joueurs pour aller au panier nous rappellent la capacité d’AI à rentrer des paniers au milieu des mastodontes dans les raquettes en prenant coup sur coup. Ce jeu basé sur l’explosivité, la capacité à supporter les contacts et à savoir où se trouve le panier. N’avoir rien d’autre que l’arceau en tête, scorer comme unique but. Des shooting guards dans des corps de meneurs, capables de déborder leurs adversaires sur un dribble, un appui ou un changement de rythme.
Son héritage dans le jeu actuel est certes important. Mais ce n’est rien à côté de son impact culturel et comportemental. Allen Iverson a choqué, il a dérangé une NBA policée que David Stern avait remise sur les rails du politiquement correct depuis son arrivée en tant que commissioner.
Car Iverson, c’est avant tout un style, un look auquel la ligue n’était pas habituée. Un style qui faisait peur aux adeptes des good guys, aux fringues et costumes impeccables. Il a été le premier à faire la connexion entre basket et hip-hop, poussant Stern en 2005 à mettre en place un dress code, interdisant les baggys, les chaines en or et tout ce qui pouvait rappeler la culture rap. Autrement dit, tout ce qui plaisait à The Answer. Mais il était impossible de tout contrôler chez lui, car il y avait bien plus que ses habits. Les tatouages, les tresses, la façon de marcher avec cette impression de dédain pour l’autorité, Stern n’avait aucun pouvoir dessus. Cet air désinvolte et provocateur qui forcément poussaient les gens à le juger dès le premier regard. Avant même de voir avec quelle énergie et courage il jouait. Avant de savoir que son cœur était beaucoup plus grand que celui de ses contemporains, et qu’il rentrait toujours sur le parquet pour tout donner avec passion. Avant d’accepter son talent fou et son refus de la défaite, même dans une franchise qui n’a pas souvent pu lui offrir un effectif à la hauteur de son niveau. Avant tout cela, Iverson n’était pas aimé. Il ne rentrait pas dans le moule NBA de l’époque. Il a donc créé une nouvelle référence.
Après Dennis Rodman (considéré lui aussi comme un paria par la ligue), Allen Iverson a été un instigateur du mouvement des tatouages en NBA. Aujourd’hui, plus personne ne réagit devant le corps couvert de dessin de LeBron ou celui de Melo. Les tatoos sont entrés dans les mœurs, et AI a permis de les démocratiser. Car en les arborant fièrement sur les parquets, il a forcé une ligue conservative à accepter son apparence.
Iverson a imposé son apparence en cultivant sa différence et son rejet de l’autorité. Maintenant, de nombreux joueurs se coiffent avec des tresses, alors que ce n’était pas la norme il y a une quinzaine d’années. En dehors de Latrell Sprewell, The Answer était un des rares joueurs à exhiber ce style capillaire. Cela faisait partie du personnage, hip hop et provocateur de la tête aux pieds, des habits à la coiffure.
The Little Big Man a modifié les codes en NBA. Les joueurs actuels s’inspirent, parfois même sans le savoir, du style Allen Iverson. Dernier exemple, les manchons et autres protections. Certes dans les 90s certains portaient déjà des bandeaux pour absorber la sueur, sur la tête, au poignet,… Mais aucun n’avait su faire de ce look une forme de mode. Alors que de nos jours, nombreux sont les joueurs à utiliser ces accessoires de compression, de maintien ou de protection (Boozer, Melo, Rose et James sont les premiers à me venir à l’esprit), cela n’était pas aussi développé du temps du #3 des Sixers.
Nous pouvons mesurer l’impact d’Allen Iverson à travers tous ces petits détails. Cette marque unique qu’il était et qu’il a créé, suivie par le public. Jamais avant un joueur n’avait marqué l’histoire de la NBA par son apparence comme il a su le faire, avec ses tatouages, ses tresses, ses manchons et ses fringues hip hop. Aujourd’hui tout ce la nous semble naturel (en dehors des baggys qui sont remplacés par les tenues horribles de Russell Westbrook ou Nick Young), mais une décennie et demie plutôt, c’était loin d’être le cas. Bien entendu, d’autres ont aussi participé au développement de ce style, mais il en reste l’icône. Il a réinventé notre perception de la star NBA. Si LeBron James peut être de nos jours un porte parole pour n’importe quelle marque aux USA, malgré ses tatouages, c’est grâce à l’héritage laissé par Iverson
« Je me suis fait botter le cul pour être moi-même durant ma carrière. Pour ressembler à ce que j’étais, et m’habiller comme je le faisais. C’était juste être moi. Maintenant regardez autour, aujourd’hui tous les gars en NBA ont des tattoos. Vous aviez l’habitude de penser que le suspect était celui avec les tresses. Maintenant vous voyez des officiers de police avec des tresses. On m’a tapé dessus pour ce genre de choses et je suis fier de dire que j’ai changé beaucoup avec cette culture et ce jeu. » – Allen Iverson
Que ce changement soit bon ou mauvais, là n’est pas le débat. Qu’il était dans l’ordre des choses et inévitable non plus. Le constat est que, hors des parquets, il a aussi été un pionnier. Bien entendu, Allen Iverson avait aussi ses démons. Son franc-parler l’a desservi pendant sa carrière, à l’image de son fameux pamphlet contre l’entrainement.
Mais cela aussi faisait partie du personnage. Quelqu’un d’entier qui n’allait pas se cacher derrière du politiquement correct. Car en plus d’avoir été un scoreur extraordinaire avec un maniement de ballon hors du commun, il était lui même. Sans compromis, ni aucun remord. Il ne supportait pas d’être faux ou d’adhérer à quelque règle ou règlement qui ne lui correspondait pas. Comme lorsqu’il réclame son coach Larry Brown en recevant le titre de MVP du All Star Game, bien qu’en conflit avec lui depuis des mois. Même s’il n’est pas d’accord avec Brown, il sait ce qu’il lui doit. À travers cette attitude, il a redéfini la notion de role models si chère aux Américains.
« Nous sommes des exemples, peu importe que nous aimons cela ou pas. C’est quelque chose que nous devons accepter, mais il y a une chose c’est que les gens devraient savoir que nous sommes humains et que nous faisons des erreurs et nous n’allons pas être parfaits. Vous pouvez vouloir ressembler à Allen Iverson, mais je ne pense pas que les gens devraient essayer de ressembler à Allen Iverson. Je pense que les gens devraient être meilleurs qu’Allen Iverson. » – Allen Iverson.
Un exemple avec ses défauts, qui permet aujourd’hui aux nouvelles stars comme LeBron ou Melo d’être des role models malgré leurs travers (The Decision pour l’un, MeloDrama pour l’autre par exemple).
Alors que devons nous retenir d’Allen Iverson ? Qu’il a changé le jeu avec sa carrière faite de hauts et de bas. Qu’avec ses manchons, tatouages, tresses et crossovers, il a fait rentrer la NBA dans une nouvelle ère en redéfinissant les standards d’un exemple pour les jeunes. Peu importe son style, son abnégation et son cœur. Ses erreurs étaient courantes. La confiance qui se change en arrogance. Et lorsqu’il a réussi à corriger ces traits de caractère, il était trop tard. Mais cet ultime repentir le servira à être mieux apprécié dans les année à venir. Pour que tous reconnaissent son impact et l’estiment à sa juste valeur.
Allen Iverson a refaçonné le jeu et a permis à la ligue de passer d’une époque (Jordan) à une autre (James). Il était une individualité jouant à un sport collectif, une icône alternative à la culture NBA qui a bousculé les codes. Il était AI, The Little Big Man, The Answer, le MVP des Plaugrounds, le crossover, le streetball sur parquet. Et surtout, il est l’un des plus grands à avoir fouler les terrains. Même en ne mesurant qu’1m83.