Défenseur de l’année, un trophée en bois ?
Le 26 avr. 2013 à 12:27 par Alexandre Martin
Marc Gasol vient d’être récemment élu défenseur de l’année. L’Espagnol était un candidat crédible pour ce trophée, tout comme Tim Duncan l’aurait été également, car même si ses stats défensives sont assez «moyennes», il est le pilier de la meilleure défense du pays. Marc Gasol, tout comme Joakim Noah est un vrai pivot capable de défendre. Il est suffisamment intelligent et bien placé pour gêner les arrières sur les pick and roll, il est solide au rebond et capable de bien tenir le poste bas si le besoin s’en fait sentir. Il n’est pas uniquement un contreur.
Un trophée réservé aux intérieurs.
Donc pour le lauréat du classement cette année, il n’y a pas de scandale. C’est plutôt la suite de ce même classement qui porte plus à discussion. Lebron James est deuxième et Serge Ibaka troisième. Non, non ce n’est pas une blague, la NBA considère que des gars comme Tony Allen (5ème), Tim Duncan (6ème) ou Joakim Noah (4ème) sont de moins bons défenseurs que King James et Iblocka ! Là, on peut parler de scandale. C’est bien dommage car cela diminue fortement le crédit qu’on pourrait donner à ce trophée et son classement.
D’ailleurs, Manu Ginobili, surpris de ne pas voir son coéquipier Duncan être élu meilleur défenseur, a même fait une proposition intéressante dernièrement. L’Argentin pense que ce sont les joueurs qui devraient élire le DPOY. On ne peut s’empêcher d’être d’accord avec lui. Qui d’autre que les joueurs eux-mêmes, peut prétendre être mieux placé pour juger l’impact défensif d’un basketteur ? En plus, être élu meilleur défenseur par ses pairs, ce serait quand même autre chose pour le lauréat. Autre chose que d’être élu par des gens qui font un mix entre hype et stats de contres pour faire le classement…
Cela aurait sans doute évité les inepties qui émaillent l’histoire de ce trophée… Le DPOY est décerné tous les ans depuis 1983, Marc Gasol est donc le 31ème à recevoir cet honneur. Déjà, en parcourant la liste des anciens lauréats, on s’aperçoit que seulement 7 de ces récompenses ont été données à un joueur extérieur : Sydney Moncrief (1983 et 84), Alvin Robertson (1986), Michael Cooper (1987), Michael Jordan (1988), Gary Payton (1996) et Metta World Peace (2004).
Tony Allen – qui est sûrement le meilleur défenseur sur l’homme en NBA depuis plusieurs saisons et qui n’est pas pour rien dans le peu de points encaissés par Memphis – n’a jamais été recompensé. Des joueurs comme Andre Iguodala, Shawn Marion, Dan Majerle ou encore Bruce Bowen non plus. Pire, ces joueurs ont souvent fini assez loin dans les classements. Et pire encore, un fait qui décrédibilise vraiment ce trophée : Scottie Pippen, le prototype du défenseur ultime, n’a jamais été récompensé !! Là, on est bien au delà de la simple blagounette, on est carrément en pleine mascarade !
Injuste pour Pippen
Alors oui, la défense extérieure se traduit moins dans les stats, se voit moins aussi sur le parquet. Mais enfin nous sommes en train de parler de Scottie Pippen tout de même ! Un ailier de 2m03 capable de défendre au corps à corps (et sur tout le terrain) sur le meneur adverse – ou n’importe quel autre arrière qui voudrait s’aventurer à monter la balle -, sans se faire passer voire en lui volant le ballon à l’occasion. C’était la «spéciale» du père Scottie, une presse tout terrain, infranchissable et usante… Demandez à Magic Johnson ce qu’il en pense, lui qui a eu à se coltiner Pip pendant toutes les Finales de 1991. L’ailier des Bulls pouvait défendre sur l’homme du poste 1 au poste 4, pour preuve les demi-finales de conférence de la même année où il s’est occupé avec succès de Charles Barkley. D’ailleurs, Pippen aurait certainement été la meilleure arme anti Michael Jordan s’il n’avait pas été son lieutenant…
“Scottie m’a donné beaucoup de fil à retordre. Mettre en place notre attaque était très difficile pour nous. C’était un choix tactique intelligent de leur part (les Bulls)” Magic Johnson à propos des Finales de 1991.
Côté stats, puisque le basket est aussi un sport de stats, «the lieutenant» rentre tout à fait dans les standards d’un défenseur de l’année. Pendant ses meilleures années aux Bulls (entre 1989 et 1998), il a tourné à 2,3 interceptions, 1 contre et plus de 7 rebonds par match avec des pointes à 3 interceptions, plus de 8 rebonds et toujours un contre par match en 1994 et 1995 !
Il faut dire aussi que dans les années 90, plusieurs monstres défensifs, comme Hakeem Olajuwon (2 trophées), Dikembe Mutombo (4 trophées) ou encore Zo Mourning (2 trophées) et David Robinson (1 trophée), sévissaient dans les raquettes NBA. Il n’est pas question ici de dénigrer les qualités défensives de ces pivots impressionnants mais Scottie Pippen aurait sans problème mérité de remporter le DPOY au moins une fois pendant cette période. Seulement voilà, ces quatre légendes jouaient des muscles, dominaient sous le cercle et contraient à tout va.
Nous parlons tout de même ici de quatre des meilleurs pivots défensifs que la NBA ait connu, si ce n’est les quatre meilleurs.. Olajuwon est le meilleur contreur de l’histoire avec 3830 humiliations en carrière. Mutombo est son dauphin aux contres en carrière et son fameux finger wave est à jamais gravé dans l’histore. Mourning était un trashtalker hors pair, tout aussi bon contreur que les deux précédents et certainement plus teigneux sur l’homme. Quant à Robinson, il était le plus mobile des quatre, un excellent contreur et surtout un intercepteur hors norme pour sa taille. Au moment de voter, ces images spectaculaires de pivots dominants marquent plus les esprits que la défense étouffante d’un Pippen dont les images ne finissent pas dans les Highlights. C’est bien simple pendant la décennie des 90’s, seul Gary “The Glove” Payton a réussi à se faufiler au milieu de ces géants et à voler un titre de défenseur de l’année. Une injustice assez flagrante vis à vis de Pippen qui a fait gagner tellement de matchs avec sa défense, sûrement plus que Mutombo avec ses contres, que Zo Mourning avec son trashtalking ou que les kilomètres parcourus par Robinson…
Enfin, pour pousser un peu le propos de Ginobili, il pourrait être intéressant de faire deux DPOY : un pour les extérieurs et un pour les intérieurs. Et, donner la parole aux joueurs pourrait redonner un peu de crédit à ce trophée qui est clairement plus le trophée du meilleur pivot défensif de l’année. Mais disons tout de même bravo à Marc Gasol car un trophée ça fait toujours plaisir même lorsqu’il est en bois…